Naples : le jour des morts célébré dans la plus grande tradition

Dans la ville du sud de l’Italie, proches et étrangers célèbrent le jour des Morts ou le « giorno dei morti », dans des cryptes anciennes où reposent de nombreux défunts.

De Savin Mattozzi
Publication 23 nov. 2018, 17:43 CET
Dans une tombe du cimetière des Fontanelle, situé dans le quartier historique de Naples, en Italie, ...
Dans une tombe du cimetière des Fontanelle, situé dans le quartier historique de Naples, en Italie, des crânes humains sont alignés le long des parois. En novembre, le jour des Morts, les familles rendent visite à leurs proches décédés, dont les restes sont exhumés cinq ans après leur mise en terre pour être à nouveau enterrés dans les cryptes familiales partagées.
PHOTOGRAPHIE DE Cesare Abbate, Ansa, via Ap

« Deux euros le bouquet ! Seulement deux euros ! Regardez comme elles sont fraîches ! Les plus belles fleurs sont ici ! »

À l’extérieur du cimetière de Poggioreale, qui fait 50 hectares, les fleuristes, alignés le long du mur, crient en napolitain pour attirer l’attention de clients potentiels. Les visiteurs parviennent lentement jusqu’à l’entrée latérale. Ils ont tous un bouquet de fleurs rouges, blanches, jaunes ou roses, dont la couleur contraste avec le gris du cimetière.

Des monuments funéraires en pierre, certains larges comme une table basse, d’autres comme les immeubles du quartier, s’élèvent de chaque côté de l’allée principale de Poggioreale. C’est à l’intérieur de ces caveaux que certains morts font l’objet d’un rituel pratiqué en Italie depuis plus de 500 ans.

 

UNE INHUMATION UNIQUE

Comme les habitants d’autres pays catholiques, les Italiens se rendent dans leur cimetière le 2 novembre, le jour des Morts ou « giorno dei morti » en italien, pour commémorer leurs proches décédés en leur déposant des fleurs et en leur parlant.

À Naples, et dans d’autres régions du sud de l’Italie, cette commémoration dure environ une semaine et demie, au cours de laquelle ont lieu divers rituels et coutumes mêlant les pratiques chrétiennes et les traditions locales. Cette association date du développement de l’Église primitive sous l’Empire romain.

Lorsqu’une personne décède, elle est enterrée selon la tradition catholique. Cependant, après les obsèques, le corps est placé dans un cercueil en bois temporaire et enterré, en général dans le sous-bassement de ces monuments funéraires. Cinq ans après, la famille revient au cimetière pour identifier leur proche. Une fois que cela est fait, les croque-morts, affectueusement appelés schiattamuorto à Naples, ce qui signifie littéralement « écraseurs de la mort », nettoient le corps et l’enveloppent dans un tissu blanc lors d’une sorte de processus de momification. Les restes du défunt sont ensuite amenés dans la tombe familiale et leur dernière demeure, où viendront se recueillir tous les 2 novembre les proches du mort.

Naples étant une ville densément peuplée, afin d’économiser l’espace, les membres d’une famille sont enterrés dans le même monument funéraire. La majeure partie de ces tombes, qui forment les murs intérieurs des bâtiments du cimetière, peuvent accueillir jusqu’à trois corps, contre un maximum de cinq pour les plus grandes. Ces dernières sont généralement plus proches du sol.

Alors que les familles se frayent un chemin dans le caveau familial pour les cérémonies du jour des Morts, une forte odeur de corps en décomposition, ou « cadaveria », leur monte aux narines.

Un homme respire profondément, retire le plastique de ses fleurs jaune vif avant de les placer dans de fines coupelles en métal situées à chaque extrémité de la tombe en marbre. Il s’appuie sur une balustrade, croise les bras et commence à parler en silence aux restes des membres décédés de sa famille.

 

« NOUS NE DEVONS PAS AVOIR PEUR DE LA MORT »

En plus de rendre visite à leurs proches décédés, certains individus rendent aussi hommage à ceux qui n’ont pas de famille. Dans le quartier de Sanitá, le cimetière des Fontanelle abrite l’un des six cultes des âmes de la ville. Des habitants du quartier ont décidé « d’adopter » des corps non réclamés vieux de plusieurs siècles et de leur faire des offrandes : il peut s’agir d’argent ou de bijoux et sont faites pour soulager la douleur des défunts et pour leur demander des faveurs.

En cette période, les proches des morts et les touristes peuvent déguster une gourmandise locale, le torrone dei morti. Semblable au nougat, le torrone dei morti sert d’offrande faite au défunt pour son voyage vers l’au-delà. Il est vendu dans toutes les pâtisseries de la ville.

Pour Aldo Colucciello, anthropologue des sociétés et coordinateur scientifique d’une association interculturelle, bien que les cimetières des Fontanelle et de Poggioreale soient gratuits et ouverts au public, les visiteurs ne doivent pas oublier le caractère sensible de ces lieux et s’y rendre avec humilité. Ces dernières années, le cimetière des Fontanelles s’est quelque peu transformé en un lieu touristique qui attire des visiteurs du monde entier. Des visites guidées sont proposées en anglais, français et italien.

« [Naples] peut être une ville très dangereuse », dit-il. « Nous ne devons pas avoir peur de la mort, sinon nous resterions enfermés dans nos maisons et ce n’est pas possible avec le temps que nous avons ici ». Il leva ses deux mains vers le ciel bleu et ajouta : « Ça, c’est une façon de gagner contre la peur. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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