Oman, la "Suisse du Proche-Orient"

Loin du luxe ostentatoire du Dubai ou Doha, le discret sultanat s'est développé dans le respect de son identité et cultive de bonnes relations avec ses voisins.

De Marie-Amélie Carpio
Photographies de Emanuela Ascoli
Érigés au XVIe siècle par les portugais, les forts Mirani et Al-Jalali (au fond) surplombent l'entrée ...
Érigés au XVIe siècle par les portugais, les forts Mirani et Al-Jalali (au fond) surplombent l'entrée du vieux port de Mascate et ses maisons d'une blancheur éclatante.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

Chauffée à blanc par un soleil déjà ardent, la cité immaculée se profile, presque aveuglante dans la lumière crue du matin. Une chose frappe immédiatement le visiteur : Mascate est une ville à hauteur d’homme. On y cherche vainement les tours orgueilleuses qui ont fait la renommée architecturale des États du Golfe. La capitale du sultanat d’Oman se décline tout en longueur et en horizontalité, dans un ordonnancement formel irréprochable.

Ses demeures basses aux fenêtres en ogive et à la palette exclusivement bicolore, ivoire ou sable, se coulent le long d’impeccables rubans d’asphalte, sillonnés par des 4x4 rutilants et bordés de gazons entretenus par une armada de jardiniers du sous-continent indien. Lesquels, nous précise Juma al-Harty, notre guide, changent tous les trois mois les parterres de fleurs, guère adaptés aux températures locales. Le tableau d’ensemble distille l’image d’une harmonie tranquille, bien loin de la modernité tapageuse et du luxe ostentatoire des Émirats arabes unis voisins.

Mascate compte bien quelques tours de force architecturaux, et les superlatifs qui vont avec, comme il sied à une prospère pétromonarchie : le monumental Opéra royal de Mascate, le premier du Golfe, une toquade du sultan, mélomane et joueur d’orgue à ses heures. Ou la Grande Mosquée du sultan Qabous, en marbre de carrare immaculé, dont la salle de prière est ornée d’un tapis persan de 4 263 m2 et d’un lustre en crystal de 14 mètres de haut, la plus grande mosquée du Golfe à son inauguration, avant qu’Abu Dhabi ne lui rafle la première place dans la course au gigantisme. Mais dans l’ensemble, le pays a la folie des grandeurs discrète, l’extravagance light.

La grande mosquée du sultan Qabous.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

Dans la grande mosquée, nous gagnons le centre d’information créé pour épancher la curiosité des touristes sur l’islam. Il occupe une grande pièce climatisée, encadrée de banquettes et de coussins, qui déborde sur les jardins, avec des tapis sous les arbres, où les visiteurs affluent. Une Babel de quelques dizaines de mètres carrés où des volontaires jonglent avec les langues et les sujets, tandis que dattes et café à la cardamome, les deux piliers de l’hospitalité locale, passent de main en main sur un chariot doré.

« Enlevez-moi ça, il fait si chaud ici », nous lance Naima, en tirant sur le voile dont nous nous sommes couvertes en pénétrant dans la mosquée. Et de nous délivrer un cours accéléré sur l’ibadisme, un courant de l’islam propre au sultanat, au sein duquel il cohabite avec sunnisme et chiisme. Traditionaliste, l’ibadisme s’est distingué à l’origine par ses vues sur le califat, dont il considérait qu’il devait échoir à un homme choisi pour sa piété, indépendamment de ses origines et de sa filiation avec le prophète. « Nous croyons que si nous commettons des péchés, nous sommes voués au feu éternel », résume encore Naima. Rigoriste pour ses adeptes, l’ibadisme cultive la tolérance vis-à-vis des autres. « Ici, nous construisons des ponts et nous détruisons des murs », poursuit-elle, volubilité allègre, débit mitraillette et formules qui font mouche: « L’islam est un SOS : se soumettre, obéir et s’abandonner à Dieu » ou « Nous, les Omanais, nous nous accrochons à nos racines, nous ne voulons pas être comme Dubai ; c’est comme s’ils avaient Alzheimer ! »

Par contraste, le sultanat d’Oman a opéré un virage aussi contrôlé que circonspect dans la modernité. Et poussé loin dans le détail le souci de préserver son identité, de la limitation du nombre d’étages des immeubles, fixé par la loi, à l’obligation pour les fonctionnaires, les écoliers et les étudiants de porter la dishdasha, la longue tunique traditionnelle. Celle-ci enveloppe du reste l’écrasante majorité de la population masculine, comme nous le constatons sur la promenade du front de mer de Mutrah, le vieux quartier commerçant. Des familles y déambulent dans la douceur de la fin d’après-midi ; les silhouettes des hommes en dishdasha blanche et kumar, la calotte brodée typique, mêlées à celles des femmes en abaya noire, semblent y composer un vaste jeu d’échecs.

Le visage actuel du pays est l'œuvre d'un homme : le sultan Qabous, « His Majesty », comme le désignent les habitants, avec une déférence frisant la vénération. Impossible de manquer le monarque, dont le portrait s’affiche en grand format dans tout Mascate. Alors que la nuit s’est installée, nous rejoignons Malikal-Hinai, le directeur du musée Bait-Al-Baranda. « Jusqu’au début des années 1980, le pays n’était qu’un bout de terre stérile, à l’exception de quelques villes de pêcheurs et d’un palais où résidait la famille royale », rappelle-t-il.

Comme dans les autres États du Golfe, les pétrodollars ont financé le grand bond en avant, avec le même deal tacite : l’atonie politique – les partis politiques sont interdits – contre la redistribution des dividendes de l’or noir. « Nous ne payons pas d’impôts, l’éducation et la santé sont gratuites. Pour avoir le droit de demander des comptes, il faut payer des taxes, poursuit Malik. Et nous aimons la monarchie, elle assure la stabilité du pays. Sa majesté est un visionnaire. » Une manière de despote éclairé, qui a semé des écoles et des hôpitaux dans tout le pays et unifié ses tribus autour de l’idée neuve de nation omanaise. Tout en jouant une partition originale à l’international, où il entretient des relations diplomatiques aussi bien avec les États-Unis que l’Iran ou Israël. Bilan de 59 années de règne : le territoire est aujourd’hui qualifié de « Suisse du Proche-Orient ». Le World Economic Forum de 2017 l’a d’ailleurs classé quatrième pays le plus sûr du monde devant la patrie des Helvètes. « Le tribalisme demeure, souligne Malik, c’est une part de notre identité. Mais c’en est fini des conflits entre tribus, et la société est plus ouverte. Les mariages intertribaux sont la norme aujourd’hui », dit-il, avant de nous affranchir sur les détails, invisibles aux yeux profanes, qui signalent l’appartenance à tel ou tel clan, de la façon de nouer son turban à la couleur d’une robe.

Le lendemain, à peine avons-nous quitté Mascate que le décor change brutalement, vaste camaïeu de beige tout en plaines caillouteuses et en montagnes dentelées. Ici et là, des balafres vert vif entaillent les escarpements rocheux : des palmeraies surgies dans la rocaille grâce aux falajs, les systèmes d’irrigation traditionnels, dont les plus anciens ont 3 000 ans.

Direction les Wahiba Sands, une zone désertique de 12 500 km2 dans le nord-est du pays. L’attachement d’Oman à ses traditions lui vaut d’avoir gardé les dernières grandes tribus bédouines du Golfe. Aux marches du désert, Bidiyah leur tient lieu de capitale informelle. La cité s’étale en pavillons crème, bordés de 4x4 et de huttes traditionnelles en feuilles de palme en guise de dépendances. Nous y rejoignons Salem, qui nous emmène jusqu’au camp qu’un de ses oncles gère dans le désert. À peine monté en voiture, l’adolescent de 16 ans, turban rouge et phrasé guttural caractéristiques des Bédouins, nous montre son compte Instagram dans un grand sourire : la vidéo d’un de ses amis en train de choir sur une patinoire à Dubai, dont les divertissements ne sont qu’à une heure trente d’autoroute d’Oman, y voisine avec un selfie en compagnie du prince héritier de Dubai lors d’une course de dromadaires, et d’innombrables films des compétitions en question. De part et d’autre de la piste où se sont lancés quelques dizaines de camélidés, autant de 4x4 suivent les bêtes à fond de train dans une cohue étonnamment maîtrisée et d’énormes nuages de poussière. À leur bord, nous expliquera-t-on plus tard, les entraîneurs hurlent encouragements et instructions à leurs champions dans des talkies-walkies reliés à des radios installées sur les robots-jockeys des montures, qui remplacent depuis quelques années les enfants jadis contraints de courir.

Nous pénétrons dans le désert par une piste qui trace un chemin soyeux entre des dunes dorées zébrées d’empreintes de roues, témoignages de la popularité du dune bashing, la conduite sportive dans les collines sablonneuses. Ici et là, de petits enclos grillagés peuplés de dromadaires et de chèvres signalent une zone d’occupation bédouine. À l’écart de toute trace de trafic, le coin de désert qui accueille le camp de tentes se dresse dans une immensité solitaire. « Les Bédouins passent la plupart de leur temps en ville, mais ils continuent à revenir dans le désert, nous confie Ahmed, un oncle de Salem. Ils ont des enclos avec des bêtes dont ils viennent s’occuper. Il y a toujours une couverture et un matelas dans les voitures pour passer la nuit sur place. C’est un peu comme une vie de cow-boy. » Autour de nous, les dunes s’embrasent dans des vapeurs orange. Une obscurité d’encre tombe bientôt, seulement interrompue par la lumière vacillante de quelques lampes à pétrole, tandis que des souffles tièdes effleurent les dunes, froissant le sable dans un murmure.

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    Dunes des Wahiba Sands.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Nous nous enfonçons dans le désert le lendemain, en compagnie de Saïd al-Amri, le gérant du camp. Le trajet avait jadis des rudesses épiques. Il fallait sept jours de dromadaire pour traverser les Wahiba Sands et atteindre la côte, où les Bédouins allaient chercher le sel et le poisson dont ils faisaient commerce, contre trois heures de voiture aujourd’hui. Comme les autres Bédouins, Saïd se passe de tout GPS, se repérant à la forme des dunes, aux puits et aux wadis, ces cours d’eau qui jalonnent la zone. Nous nous arrêtons dans la hutte de Salim Mabrouk, où dattes et café apparaissent aussitôt devant nous. L’éleveur passe le week-end dans le désert avec sa famille. Un téléphone portable pend à un mètre du sol pour capter Ooredoo, le réseau qui couvre l’essentiel du désert. Demandez son souvenir le plus marquant à un Bédouin, et il vous parlera presque immanquablement de dromadaires. Salim évoque ainsi son attachement particulier pour l’une de ses bêtes. « Mon père l’avait vendue. Des années plus tard, après sa mort, je suis allé trouver l’homme qui l’avait acquise et il m’a mis au défi de la reconnaître parmi son troupeau de 300 têtes. Il s’est engagé à me la rendre gratuitement si j’y parvenais. Je l’ai reconnu au premier coup d’œil. J’ignore comment, mais je savais. »

    Les camélidés restent la grande affaire des Bédouins. Aujourd’hui, ils les élèvent surtout pour les courses, qui passionnent les foules des pays du Golfe. Les champions se négocient de vraies fortunes, environ 900 000 rials omanais (plus de 2 millions d’euros) pour les meilleurs, précise Saïd. Alors que nous poursuivons notre chemin, il bifurque brusquement sur la gauche, quittant le tracé de l’ancienne route caravanière que nous suivions pour franchir une succession de dunes sans piste apparente. Une heure plus tard, nous sommes au centre du désert. Au cœur de celui-ci vivent encore en permanence quelques communautés éparses de Bédouins. Une vaste mosquée y est en cours de construction. À proximité, une école a ouvert il y a quelques années – le ramassage scolaire s’effectue en 4x4 –, qui évite désormais aux populations l’exode en ville. « Avant, les Bédouins allaient aux infrastructures, maintenant, les infrastructures viennent à eux. Si on quitte la terre à laquelle on appartient, on perd son identité », affirme Tarish al-Amri, l’un des habitants.

    Tradition bédouine, le mouton à la broche au camp, dans le désert des Wahiba Sands.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Le soir, un mouton à la broche nous attend au camp sous un ciel étoilé immense et sans nuages, scintillant à 360 degrés. Des chansons se joignent au crépitement du feu. Elles agrémentent souvent les soirées, tout comme les poèmes issus d’une vieille tradition orale. Un joueur de oud prend le relais, tandis que la lumière de quelques écrans d’iPhone se mêle à celle des flammes pour éclairer les visages des Bédouins présents. L’éventail des conditions sociales est large parmi eux, de ceux qui tirent de modestes revenus du tourisme aux riches propriétaires de dromadaires de course. Mais dans le désert, au quotidien, tous partagent un mode de vie simple, où l’on serait bien en peine de distinguer les uns et les autres à de quelconques signes extérieurs de richesse. Grand connaisseur des tribus bédouines, avec lesquelles il vécut plusieurs années au milieu du siècle dernier, l’explorateur britannique Wilfred Thesiger ne redoutait rien tant que l’impact imminent du monde moderne sur ses compagnons. Il avait tort. Ils n’ont rien des vestiges loqueteux d’un monde à l’agonie, tels que Thesiger pouvait le craindre. S’ils ont vécu un chamboulement sans précédent de leur mode de vie, ils ont épousé le siècle, tout en continuant, jusqu’ici du moins, à répondre à l’appel du désert. « Nous avons perdu un peu de notre culture, mais elle continue à se transmettre de génération en génération », souligne Saïd. Et de nous raconter l’histoire d’un touriste allemand perdu dans les Wahiba Sands alors qu’il randonnait avec un GPS, et qu’il a lui-même retrouvé en pistant ses traces.

    Dans l’anecdote transparaît toute la fierté que lui et ses semblables tirent de cette connaissance intime et exclusive du désert qu’ils conservent encore aujourd’hui. Comme en écho, nous croisons le lendemain Ahmed al-Badri, 19 ans, qui nous explique savoir reconnaître ses bêtes entre elles et les membres de sa famille à la simple empreinte de leurs pas : « Il suffit de marcher derrière elles pendant quelques jours et d’observer. Il y a toujours des différences. »

    Jusqu’à l’arrivée au pouvoir du sultan Qabous, le pays s’appelait Mascate et Oman, un nom qui dit assez la dichotomie entre la côte et l’arrière-pays frondeur. Partout, dans les régions montagneuses de l’intérieur, les reliefs sont piquetés de forts et de tours de guet qui témoignent de la fréquence des conflits opposant jadis les tribus. D’anciennes cités branlantes aux habitations crénelées, ceintes de hautes murailles, végètent dans un demi-abandon, délaissées pour les villes modernes alentour ou pour Mascate. Elles voisinent avec des forteresses restaurées, qui se dressent dans le paysage tels de grandioses châteaux de sable. Celle de Jabrin est l’un de ses plus beaux joyaux. Élevé au 17e siècle, l’édifice tient tout à la fois du palais et de la garnison, avec ses hautes façades percées d’autant de moucharabiehs que de meurtrières. Comme dans les autres ouvrages défensifs du pays, une fente est aménagée dans le mur qui surmonte sa porte principale, destinée à faire couler du jus de dattes brûlant sur les éventuels assaillants.

    La citadelle de Nizwa, bâtie au XVIIe siècle abrite à la fois un palais et un fort. Elle renferme aujourd'hui un musée consacré à l'histoire et aux traditions d'Oman.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    À une quarantaine de kilomètres de là se dresse Nizwa, l’ancienne capitale du royaume, où Thesiger lui-même ne put jamais pénétrer, tant le territoire était farouche. En ce vendredi matin, des dizaines de touristes ont investi le souk pour assister au pittoresque marché aux bestiaux. Autour d’un kiosque où sont assis les acheteurs, les vendeurs font défiler les bêtes, les plus habiles portant deux chèvres sur leurs épaules, tout en en tirant une ou deux autres à bout de bras, dans une cacophonie de bêlements et d’enchères hurlées à tue-tête. À quelques pas de là, les échoppes du Western Souk, fraîchement rénové, regorgent de lourds bijoux en argent bédouins, de dizaines de variétés de dattes, et d’encens, dont les morceaux semblables à du sucre roux s’entassent dans des boîtes transparentes. La résine, qui fit jadis la richesse du pays, qui l’exportait dans tout le monde antique, reste un produit phare du commerce omanais et embaume toujours le sultanat, où il parfume les intérieurs, chasse les insectes et les mauvais esprits, et même les maux de ventre lorsqu’il est ingéré. Des petits vieux, tuniques et turbans blancs, devisent autour d’un café sur des nattes. Non loin de là, des tables recouvertes de fusils, de cartouchières et de kandjars, les poignards traditionnels, attirent des Omanais de tous âges, devant les portes de l’East Souk. Encore dans son jus, celui-ci occupe une ruelle plongée dans une demi-pénombre, où des raies de lumière filtrent à travers des toiles tendues au-dessus d’étals chargés d’épices et de fruits secs, sous un portrait monumental du sultan Qabous. On se croirait plongé dans une peinture orientaliste du 19e siècle.

    Le clou du spectacle nous attend dans les monts Hajar, derrière Nizwa, où un panorama vertigineux chasse l’autre, du grand canyon du Djebel Shams, dont les parois s’élèvent à plus de 3 000 m d’altitude, aux villages accrochés à flanc de falaise dans le Djebel Akhdar, avec leurs vergers et jardins de roses suspendus au bord du vide. Les hameaux les plus reculés ont été abandonnés avec l’apparition de la route asphaltée qui a désenclavé la région dans les années 2000. Celui du trek de Masirat Ash Shirayqiyyin a été déserté il y a une quarantaine d’années. À une heure de randonnée de la route, il est blotti dans le repli d’une gorge tortueuse, témoignage de la rudesse qui régissait encore récemment le quotidien de ces montagnes.

    Le grand canyon du Djebel Shams, dont les parois s'élèvent à plus de 3 000 m d'altitude.
    PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

    Une heure de marche plus bas, se dresse encore sa palmeraie, d’où s’élève un chant mélodieux. « Café, café ? » nous lance Salaam, le chanteur, quand nous arrivons à portée de voix, avant de nous inviter à partager un plat de riz et de poulet avec ses frères et ses neveux, venus pique-niquer : « Les habitants ont déménagé plus haut en bord de route, mais ils ont toujours leurs cultures en bas. Des Pakistanais et des Bangladais y travaillent quotidiennement. » Dans la palmeraie, ils ont abattu des vieux dattiers, dont les troncs se consument lentement, semblables à des cigares géants, que le feu mettra quinze à trente jours à dévorer. Avant le repas, Salaam se lance dans un appel à la prière dont les paroles se répercutent dans tout le canyon. Les modulations, entêtantes, sont raccord avec la magie du paysage.

    De retour à Oman, l’ambiance se fait plus électrique. L’arrivée de la pluie – le sultanat compte une quinzaine de jours de précipitations par an – cause un émoi certain, mélange d’excitation et d’appréhension. Les écoles et les facultés sont fermées pour l’occasion, et WhatsApp crépite sur les portables, rempli d’images du souk de Mutrah, partiellement inondé, et des violentes crues de wadis encore asséchés la veille. Les portraits géants du sultan nous accompagnent une dernière fois sur le chemin de l’aéroport. Malade depuis des années, Qabous vit retiré dans ses palais.  Ses apparitions publiques, réduites au strict minimum, font régner dans le pays un étrange climat de fin de règne. À quoi ressemblera Oman, qu’il a tant façonné, après sa mort ? Sa famille devra s’entendre sur un successeur, faute de quoi le monarque a laissé deux enveloppes scellées à Mascate et à l’extrême sud du pays, contenant le nom de son favori. Les incertitudes de la future succession ne semblent pourtant guère émouvoir la population. « Je n’arrive pas à imaginer la vie sans lui, disait l’un de ses sujets, mais sa majesté est trop sage pour ne pas avoir pensé à l’avenir ».

    Article publié dans le National Geographic Traveler n° 16, mois d'octobre-novembre-décembre 2019

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