Le tour du monde en 9 merveilles : l'Inde

Nos reporters ont embarqué pour une circumnavigation jalonnée de neuf prouesses architecturales ou naturelles. Septième étape : le Taj Mahal.

De Corinne Soulay
Photographies de Emanuela Ascoli
Publication 18 mars 2020, 13:44 CET
L’épisode de pollution intense qui a frappé l’Inde pendant plusieurs semaines en novembre 2019 crée un ...
L’épisode de pollution intense qui a frappé l’Inde pendant plusieurs semaines en novembre 2019 crée un brouillard opaque autour du Taj Mahal, majestueux mausolée de marbre, décoré de pierres précieuses et semi-précieuses et orné de sourates du Coran.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

Nous avons un petit peu plus de 3 heures de vol pour Delhi, septième escale de notre tour du monde. J’en profite pour rejoindre Guy Bigiaoui, le PDG de Safrans du Monde, dans le compartiment du staff. Depuis le décollage, mon cerveau ressasse une équation vertigineuse : nous sommes déjà à notre treizième vol et il nous en reste encore deux pour rejoindre Paris... À une époque où les Suédois prônent le flygskam (la honte de prendre l’avion) et où le dernier rapport du GIEC tire des conclusions alarmistes, je n’ose calculer l’impact de notre empreinte carbone. Qu’en dit l’initiateur du projet ? « En temps normal, si on ne l’affrétait pas, cet avion volerait en moyenne 15 heures par jour. Là, il fait des vols relativement courts, puis il reste au sol un ou deux jours, ce sont autant de tonnes de kérosène qui ne sont pas utilisées. Par ailleurs, quelqu’un qui voudrait visiter les mêmes destinations que nous, ferait beaucoup plus d’heures de vols car les trajets ne sont généralement pas directs. Malgré tout, nous réfléchissons à une manière de compenser notre empreinte. » À suivre donc. Et, déjà, notre avion se pose à Delhi.

Rose fuchsia, orange, vert émeraude… Les abords du Taj Mahal sont peuplés de femmes en saris chamarrés. Porté sur un jupon et un haut serré, le vêtement traditionnel se résume en réalité à un seul long pan de tissu, drapé parfaitement autour du corps.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

Un brouillard opaque et jaunâtre dégageant une odeur âcre de fumée, tel est notre comité d’accueil. Depuis une dizaine de jours, les polluants atmosphériques dans la capitale indienne atteignent des niveaux records, jusqu’à dix fois ceux recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En cause, notamment, les émissions des voitures, celle de l’industrie mais aussi les feux générés par les agriculteurs de la région. Delhi a fermé ses écoles, ses usines, mis en place une circulation alternée... Rien n’y fait : à cette saison, les températures, plus basses, et les vents faibles empêchent l’air de monter suffisamment haut pour disperser les polluants. Le smog reste bloqué au sol, entraînant avec lui son cortège d’atteintes respiratoires. Notre trajet de quatre heures en car jusqu’à Agra, au sud, n’a pas raison de cette chape hostile. Heureusement, la soirée redonne des couleurs à cette journée sépia. Le thème ? Bollywood. Nous voilà parés comme dans ces comédies musicales kitch, les hommes en costumes blancs et chapeaux rouges, les femmes en saris multicolores. La jeune Indienne qui s’occupe de m’habiller met quasiment un quart d’heure pour placer et épingler correctement le long pan de tissu orange et former un drapé parfait. La soirée alterne repas, photocall sur tapis rouge, show chanté et séquences de danse. De Victoria, 16 ans, à Helmut, le septuagénaire dandy, habituellement en costume de lin couleur pastel, toutes les générations sont sur la piste. De loin, les étoffes chamarrées font l’effet d’un feu d’artifice.

Plusieurs danseurs se succèdent sur scène lors d'une soirée sur le thème de Bollywood.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

L’ambiance est plus calme le lendemain pour le lever de soleil sur le Taj Mahal. Pas de rayons rosés baignant le mausolée immaculé, hommage de l’empereur musulman Shâh Jahân à sa défunte épouse, le brouillard est toujours là. Nous découvrons, malgré tout, le Taj Mahal, majestueux, au bout du long bassin rectangulaire, monument de délicatesse décoré de marbre et de pierres précieuses et semi-précieuses – malakite, onyx, jaspe, coralline orange qui scintille à la lumière – et flanqué de chaque côté d’une mosquée rouge et blanche (dont l’une est factice pour respecter la symétrie de l’ensemble). Il a fallu 22 ans et 20 000 ouvriers pour ériger, entre 1631 et 1653, ce monument, symbole d’amour et de mort, incarnation parfaite des pulsions freudiennes contradictoires Eros et Thanatos, et construction high-tech pour l’époque : « Les tours penchent vers l’extérieur, pour ne pas s’effondrer sur le mausolée en cas de séisme », m’avait confié mon guide avant de me laisser vagabonder dans les jardins.

Aux abords de la fausse mosquée, l’esplanade est le terrain de jeu de macaques faisant fi de l’effervescence grandissante. Une dispute éclate entre deux mâles, qui partent dans une course folle, battant bruyamment le pavé de leurs membres musculeux et manquant de tout bousculer sur leur passage. Même si les visiteurs sont 20 000 par jour à arpenter le lieu, celui-ci leur appartient.

Au petit matin, le site du Taj Mahal est déjà pris d'assaut par les touristes armés de leurs appareils photo, en quête du cliché mythique du mausolée.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

Vers 9 h, le soleil est levé et la foule parsemée de saris aux couleurs vives a désormais envahi le site. Je m’assois sur un banc près de la porte d’entrée monumentale rouge et blanche qui crache désormais des dizaines de touristes à la minute, pour profiter encore un peu du spectacle. Je reconnais le groupe de Maxance parmi les visiteurs. Claudine, Guy, Sandrine, Jean-Pierre, Martine, Thierry… Ils sont nombreux à avoir gardé leur tenue de la veille pour des photos à la mode locale. Ont-ils dormi avec ? Un groupe de collégiennes me coupent dans mes réflexions pour me demander un selfie. En un quart d’heure, le manège se répète quatre fois. Les peaux blanches et cheveux clairs font manifestement sensation chez les Indiens. Je me plie à l’exercice avec le sourire : vu toutes les photos de femmes en sari sur mon téléphone, je serais mal venue de refuser.

Nous filons, à quelques encablures, pour une visite éclair au Fort d’Agra, citadelle de grès rouge, datée du XVIe siècle. « À l’époque, nous confie le guide, les jets d’eau étaient parfumés de rose pour qu’une odeur agréable se diffuse dans tout le palais. » Pas le temps de m’appesantir sur cette image délicate, il est déjà l’heure de retrouver Dehli, ses rues baignées de klaxons et traversées de vaches en liberté. Je croyais qu’elles étaient sacrées et n’appartenaient à personne. « Au départ, elles sont à des familles qui s’en servent pour avoir du lait, me corrige mon voisin de trajet. Mais lorsqu’elles sont trop vieilles et n’en produisent plus, comme elles sont sacrées et qu’il est interdit de les tuer, on les abandonne. » Je n’aurais survolé ce pays que vingt-quatre heures, mais j’en repars déchargée d’une idée reçue.

Le Fort d’Agra, ou Fort Rouge, est une forteresse en grès rouge datée du 16e siècle. Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1983, il offre une superbe vue sur le Taj Mahal.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli

Y ALLER

La prochaine croisière aérienne Tour du Monde de Safrans du Monde comptera neuf escales : la baie de Rio, le Machu Picchu, l’île de Pâques, la Polynésie française, la vibrante Sydney, la baie d’Along au Viêt Nam, les temples cambodgiens d’Angkor, le Taj Mahal en Inde et Pétra en Jordanie. 

 

LE TOUR DU MONDE EN IMAGES

loading

Découvrez National Geographic

  • Animaux
  • Environnement
  • Histoire
  • Sciences
  • Voyage® & Adventure
  • Photographie
  • Espace
  • Vidéos

À propos de National Geographic

S'Abonner

  • Magazines
  • Livres
  • Disney+

Nous suivre

Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2024 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.