Europe : le pays qui abrite le plus de châteaux au kilomètre carré n'est pas celui qu'on croit

Des forteresses militaires aux palais de plaisance, les châteaux abrités par ce pays européen prennent de multiples formes.

De Raphael Kadushin
Le pont suspendu de Thomas Telford (1826) est l'un des premiers au monde et mène à ...

Le pont suspendu de Thomas Telford (1826) est l'un des premiers au monde et mène à la ville de Conwy, au Pays de Galles, qui abrite le château de Conwy.

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Contrairement à ce que l'on pourrait penser en voyageant en Europe, le pays abritant le plus de châteaux au kilomètre carré n'est ni la France et ses châteaux de la Loire, ni l'Allemagne et ses châteaux de contes de fée en Bavière. Le véritable épicentre pour qui souhaite visiter des châteaux est le Pays de Galles, qui compte plus de châteaux par kilomètre carré que tout autre pays d'Europe.

Des montagnes du nord de Snowdonia à la baie de Swansea au sud, des châteaux semblent y avoir poussé un peu partout. Pourquoi un tel nombre ? L'explication se trouve en partie dans l'histoire du Pays de Galles qui a longtemps été un territoire contesté. S'opposant pour les terres galloises, les Normands, les Gallois et les Anglais, menés par l'expansionniste Édouard Ier, ont tous érigé des forteresses épiques avec un pic de construction aux 13e et 14e siècles.

Le grand nombre de châteaux gallois n'a d'égal que leur variété. « Pour un petit pays », explique l'historienne Kate Roberts, « nous avons à peu près tous les types et formes architecturaux, y compris des châteaux concentriques avec des défenses à douves, des châteaux avec de gigantesques portails bien fortifiés, des châteaux qui utilisent toutes les défenses naturelles et des châteaux conçus être de belles résidences luxueuses. »

Pour les amateurs de châteaux, Kidwelly Castle peut sembler familier - on peut le voir dans le film Monty Python : Sacré Graal !

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L'HISTOIRE GRAVÉE DANS LA PIERRE

Cette grande variété de châteaux suggère à quel point les forteresses reflètent l'histoire tumultueuse et changeante du Pays de Galles. Prenez par exemple le château de Chepstow, qui couronne une falaise surplombant la rivière Wye. La forteresse du 11e siècle a d'abord été l'un des premiers postes de commandement normands construits par William FitzOsbern, un proche allié de Guillaume le Conquérant. Mais ce fut son successeur, le commandant William Marshall, qui transforma le château en une formidable forteresse normande, construisant la première guérite à deux tours de Grande-Bretagne.

Le château remplissait une double fonction : il servait également de dépôt pour l'or et l'argent collectés par Marshall. Mais ce qui frappe le plus en visitant le château de Chepstow sont ses portes en bois massives - les plus anciennes d'Europe - qui étaient à l'origine gainées de plaques de fer pour à la fois repousser les envahisseurs et protéger les trésors pillés par Marshall.

Carreg Cennen, dans le sud du Pays de Galles, se dresse sur un haut mont rocheux et propose une autre leçon d'histoire régionale. « Lord Rhys ap Gruffudd », dit Roberts, « a joui d'un règne long et prospère en tant que prince, étendant son territoire à travers le sud-ouest du Pays de Galles et gagnant le respect de ses contemporains, dont Henri II. Mais sa vie a ensuite été en proie à des conflits familiaux alors que ses fils se disputaient la réalité du pouvoir ; il a fini par être emprisonné par eux ».

Castell y Bere, au sommet d'un affleurement isolé dans une vallée de Snowdownia, est un excellent exemple de château gallois construit par un prince natif de la région, Llywelyn le Grand. Bien que les princes gallois ne disposaient pas des mêmes ressources architecturales et du savoir-faire artisanal tournés vers les besoins de la couronne d'Angleterre, la forteresse du 13e siècle, construite pour protéger la frontière sud du domaine de Llywelyn, était solide.

« Malgré les ajouts faits par Édouard Ier après avoir fait main basse sur la forteresse en 1283, le château reste fondamentalement un château princier gallois », explique l'historien Bill Zajac, « et il présente un certain nombre de caractéristiques, notamment deux tours en forme de D. »

Si Castell y Bere est un modèle de forteresse galloise classique, le château de Conwy est l'exemple stellaire des châteaux beaucoup plus opulents érigés par le roi Édouard Ier. Le roi offrit au maître maçon James de Saint George une somme conséquente pour ériger un cercle de hautes tours, des murs rideaux, une salle centrale monumentale et des créneaux massifs.

« C'est l'un des circuits de ville médiévale les plus complets au monde », note Roberts, offrant une vue sur les montagnes déchiquetées de Snowdonia et la ville médiévale de Conwy en contrebas. Et bien qu'il ait dépensé énormément d'argent pour faire édifier ce château et les murs de la ville, Edward Ier n'a réussi à y séjourner qu'une seule fois : lorsque les Gallois se sont rebellés en 1284, il a passé un Noël très triste et humide dans le château, réconforté par un unique baril de vin.

Au 15e siècle, le château de Raglan est devenu une impressionnante demeure seigneuriale occupée par divers comtes.

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DE LA FORTERESSE À LA MAJESTUEUSE DEMEURE

Au fil du temps, les châteaux gallois ont changé de forme. Au fur et à mesure que les guerres intestines s'éteignaient, ils ont lentement évolué, passant de forteresses et de postes de commandement principalement faits de pierres à des demeures majestueuses décorées de certains des plus beaux objets d'art du Pays de Galles, entourées de jardins élaborés.

Le château de Raglan est un excellent exemple de cette évolution. « Les parties les plus anciennes du château », dit Roberts, « remontent aux 13e et 14e siècles, mais ce que les visiteurs voient aujourd'hui date principalement du 15e siècle, lorsque Raglan est devenue une grande demeure seigneuriale, abritant de somptueux appartements entourant une cour. Les ajouts tardifs du 16e siècle comprennent une conversion en une magnifique maison de campagne élisabéthaine, entourée de terrasses, de jardins et d'un lac. Une armée de gargouilles fantaisistes et de sculptures héraldiques encadrent les cours du château, témoignage des fioritures artistiques qui ont commencé à parer les forteresses d'origine. »

Parmi les splendeurs du château de Powis se trouvent une tente de cérémonie intacte de sultan, des tapisseries tissées à la main et un somptueux jardin en terrasse.

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Le château de Caerphilly est un autre exemple d'une forteresse en constante évolution. Cet imposant château du 13e siècle édifié dans le sud du Pays de Galles, érigé par le baron normand Gilbert le Rouge pour bloquer l'avancée d'un prince gallois, se voulait impressionnant, et c'est réussi. C'est, derrière le château de Windsor, le deuxième plus grand château de Grande-Bretagne.

Forteresse modèle, elle reposait sur une série de fortifications concentriques, trois ponts-levis et cinq ensembles de doubles pour repousser les envahisseurs. Mais lorsque le château, réduit en ruines après la guerre civile anglaise, passa aux mains des marquis de Bute, à la fin du 18e siècle, la forteresse fut réaménagée en un manoir très courtois.

Le château de Penrhyn a été construit au 19e siècle pour un riche propriétaire minier, qui l'a rempli de l'une des collections d'art les plus impressionnantes du pays.

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Parmi les rénovations supervisées par les marquis successifs au cours des deux siècles suivants, on compte un plafond en bois magnifiquement sculpté dans la grande salle et une série de riches moulures encadrant les fenêtres. Aujourd'hui, son lac et son parc de chasse sont un rêve esthétique éveillé pour les amateurs de châteaux.

Le château de Powis, juché sur un rocher proéminent près de la frontière anglaise, est une autre forteresse médiévale qui a été réinventée en une vitrine artistique lorsqu'elle est devenue la maison de la famille aristocratique Clive au 19e siècle. La riche gamme d'artefacts que Robert Clive et son fils Edward ont rapportés d'Inde comme butin colonial, dont une tente de cérémonie de sultan remarquablement bien conservée, occupe une place de choix dans la collection du château.

Il y en a pour tous les goûts dans les galeries du château : tapisseries tissées à la main, mobilier baroque et un portrait de Lady Henrietta Clive réalisé par Joshua Reynolds. Le spectacle se poursuit à l'extérieur, dans les jardins italo-français en terrasse de 100 000 mètres carrés qui encadrent le château. Le paysage luxuriant présente des ifs taillés et des parcelles de fleurs, le tout ponctué d'une orangerie.

 

CHASSE AUX TRÉSORS

Dans certains cas, des châteaux gallois plus récents ont été conçus, dès le départ, comme de grandes maisons de plaisance. C'est le cas du Château de Penrhyn, une fausse structure néo-normande hérissée de tours en saillie et de créneaux, aux faux airs de forteresse.

Le château a été construit au début du 19e siècle pour le très riche propriétaire d'une mine du nord du Pays de Galles comme une sorte de fantaisie médiévale. Il a été spécialement conçu pour contenir l'une des plus belles collections de peintures du Pays de Galles ; présentant tout, des paysages hollandais du XVIIe siècle aux portraits espagnols et aux chefs-d'œuvre vénitiens, y compris une toile de Canaletto représentant le Grand Canal. Un jardin clos ajoute au débordement artistique.

Construit pour le riche Lord Bute, Castle Coch est niché dans les collines du sud du Pays de Galles.

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Castell Coch est un autre exemple de château conçu comme une œuvre d'art en soi. Le « château rouge » du 19e siècle a été érigé sur le site d'une forteresse normande du 11e siècle dans un style néo-gothique par le riche Lord Bute

Le résultat - un favori des mariages et des équipes de tournage - est un château qui semble tout droit sorti d'un conte, avec des tours coniques et un pont-levis romantique. Les intérieurs fantaisistes ajoutent au charme du lieu : les plafonds voûtés sont sculptés - pourquoi pas ? - de légers papillons. « Ma pièce préférée », dit Roberts, « est le salon avec ses magnifiques peintures murales basées sur les Fables d'Esope. C'est une vision du Moyen Âge au 19e siècle, une explosion de couleurs et de fantaisie. »

Il y a une autre caractéristique qui ajoute à l'attrait des châteaux gallois. S'ils évoquent à la fois l'histoire mouvementée du Pays de Galles et l'évolution des styles architecturaux et artistiques, ils permettent également d'admirer la beauté naturelle du pays. Généralement situés sur un terrain élevé, tels des belvédères défensifs impénétrables, ils offrent souvent une vue imprenable sur les routes, les rivières, les vallées et les montagnes du Pays de Galles. Le château de Rhuddlan se trouve ainsi au-dessus d'un tronçon de la rivière Clwyd. Le château de Harlech est perché au-dessus d'une digue presque verticale, surplombant les dunes en contrebas et soutenu par les sommets de Snowdonia. Et le château télégénique de Kidwelly - présenté dans la scène d'ouverture de Monty Python : Sacré Graal ! - est situé près de l'embouchure de la rivière Gwendraeth Fach.

Faisant désormais partie du paysage local, ces châteaux robustes sont les emblèmes d'un pays de Galles qui n'a cessé de changer de forme, mais qui peut maintenant, enfin et très heureusement, vivre en paix.

 

Raphael Kadushin est l'éditeur de trois anthologies de voyage. Jusqu'à récemment, il était rédacteur en chef DE l'Université du Wisconsin Press.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
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