Voyage : les nuances automnales de la Nouvelle-Angleterre

La forêt boréale et feuillue qui s'étale à travers le nord du Maine, le New Hampshire, le Québec, le Vermont et l'État de New York revêt en automne de sublimes couleurs.

De Stephanie Vermillion
Publication 30 sept. 2020, 17:22 CEST
Avec ses 1 200 km, le Northern Forest Canoe Trail est le plus long sentier aquatique continu des ...

Avec ses 1 200 km, le Northern Forest Canoe Trail est le plus long sentier aquatique continu des États-Unis.

PHOTOGRAPHIE DE Chris Gill

Pins, épicéas et mélèzes se dressent à perte de vue au cœur des 12 millions d'hectares qui composent les forêts de Nouvelle-Angleterre et d'Acadie, le plus vaste écosystème intact à l'est du Mississippi. Mais ce n'est pas là le seul intérêt de cette forêt boréale et feuillue qui s'étale à travers le nord du Maine, le New Hampshire, le Québec, le Vermont et l'État de New York. Elle est également parcourue par le plus long sentier aquatique des États-Unis au gré duquel vous serpenterez à travers une région boisée sublimée en cette période par les couleurs de l'automne. Outre leur nature flamboyante, ces épaisses forêts sont également imprégnées de l'histoire des Amérindiens.

Aujourd'hui baptisé Northern Forest Canoe Trail (NFCT), ce vaste cours d'eau long de près de 1 200 km était une artère vitale pour les peuples natifs d'Amérique qui l'arpentaient pour échanger toutes sortes de denrées.

Ces voies navigables étaient « non seulement nos routes, mais aussi la source de toute vie, ce qu'elles sont encore aujourd'hui, » déclare Sherry Gould de l'Abenaki Trails Project. À l'heure où la population cherche à fuir la pandémie de coronavirus, le NFCT incarne une tout autre ligne de vie en offrant un moment de détente à ciel ouvert propice au bien-être.

« Le secteur des sports de pagaie constate une forte hausse d'activité et le NFCT a répondu cet été à un plus grand nombre de demandes que les années précédentes, » indique Karrie Thomas, pagayeuse de longue date et directrice exécutive de l'organisme en charge du NFCT. « Je souhaite que les voyageurs profitent pleinement de ce temps passé en plein air, de l'activité physique et des liens qu'il leur est donné de tisser avec ces somptueux paysages et les différentes communautés qu'ils croisent en chemin. »

 

UN BOL D'AIR

Reliant la région des monts Adirondacks dans l'état de New York à Fort Kent dans le Maine, le NFCT traverse 22 fleuves et rivières, 56 lacs et étangs sur plus d'une douzaine de bassins versants. Les peuples Haudenosaunee, également appelés Iroquois, et Wabanaki naviguaient sur une grande partie de l'actuel parcours pour chasser, cueillir et échanger des denrées telles que la viande, le maïs, des remèdes et des herbes.

« Nous sommes un peuple attaché à son territoire. L'endroit où nous vivions était tout pour nous, » déclare Don Stevens, chef de la bande Nulhegan de la nation abénaquise Coosuk. « Nous empruntions ces voies pour commercer et rendre visite à nos proches. Leurs berges étaient nos terres agricoles estivales et les sols étaient fertiles grâce aux crues. Le Créateur nous a fait don de graines pour nous nourrir et notre promesse en échange de ces graines était d'être les bons gardiens de la terre et des animaux. »

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    Dans son livre Les Forêts du Maine, l'écrivain, philosophe et transcendantaliste Henry David Thoreau encense les voies fluviales du Northern Forest Canoe Trail.

    PHOTOGRAPHIE DE Caleb Kenna

    Puis sont arrivés les explorateurs européens au début du 16e siècle. Ils ont vu les natifs glisser sur les rivières à bord de leur canoë et les ont suivis avec leurs propres embarcations, leur infligeant la maladie et perturbant au passage leurs habitudes de chasse. « Ils ont propagé toute une série de maladies comme la variole et la grippe, » raconte Frederick M. Wiseman, érudit, activiste et auteur de la nation abénaquise. « Nous n'étions pas immunisés, ces régions ont donc été décimées. Certaines ont perdu 60 à 90 % de leur population. »

    Des guerres ont rapidement éclaté. Avec l'aide de leurs alliés français, les tribus amérindiennes, notamment Wabanaki et Mohawk, ont livré bataille contre les Britanniques pour le contrôle de l'actuel territoire du NFCT. « Jusqu'en 1770, l'ensemble du NFCT a subi des cycles de guerre et de paix, » indique Wiseman. « C'était une période très instable, mais les Abénaquis et les Mohawks du nord étaient de solides alliés. Dans les années 1840 et 1850, les peuples autochtones ont dû intégrer l'identité française, même si la plupart des tribus ont gardé de nombreux éléments de leur culture. »

     

    UNE HISTOIRE OMNIPRÉSENTE

    En 1976, les aventuriers Mike Krepner, Ron Canter et Randy Mardres de l'organisation à but non lucratif Native Trails sont tombés amoureux des récits héroïques de la forêt. Ils ont passé dix ans à étudier de vieilles cartes dans le but de redonner vie aux authentiques voies navigables pour finalement être contraints de renoncer au projet en raison de sa taille et de son envergure.

    Au début des années 2000, Rob Center et son épouse, Kay Henry, anciens responsables de la gestion et du marketing de l'agence Mad River Canoe dans le Vermont, ont repris les recherches là où Native Trails s'était arrêté.

    « L'attrait de cette partie du pays réside dans son histoire. En reprenant ce projet, j'étais particulièrement soucieux des peuples autochtones, » déclare Center. « Ce n'était pas mon droit de travailler avec les propriétaires et les chefs amérindiens, c'était un privilège. »

    Un canoéiste pagaie sur le fleuve Clyde à East Charleston dans le Vermont.

    PHOTOGRAPHIE DE Caleb Kenna

    Center et Henry ont collaboré avec les communautés natives locales pour veiller à ce que les infrastructures, notamment les campements, n'empiètent pas sur les sites funéraires sacrés. Ces précautions étaient primordiales étant donné que la plupart des sites funéraires se trouvent à moins de 60 m d'un point d'eau, explique Stevens. Les cartes des 13 sections du parcours mettent à l'honneur les racines amérindiennes de la région, tout comme les panneaux installés le long du sentier.

    Le couple a également souhaité obtenir à tout prix l'aval des propriétaires puisque la majorité des terres traversées par le NFCT relève de la propriété privée. Pendant quatre ans, Center a pris le temps de rencontrer les différents propriétaires de ces terrains afin d'obtenir leur accord pour la création de campements et de connexions entre les différentes sections. Aujourd'hui, un réseau de 24 « Trail Adopters » (tuteurs du sentier, NDLR) veille sur les différentes voies navigables à proximité de leurs habitations.

    Lorsque le NFCT a ouvert en 2006, il faisait office d'exception aux États-Unis. Ce sentier record en a inspiré d'autres, notamment le Connecticut River Paddlers Trail long de 650 km et le French Broad River Trail qui s'étale sur 190 km entre la Caroline du Nord et le Tennessee. Le National Water Trails System, une nouvelle entité créée par le National Park Service en 2012, fait également office de fer de lance dans la restauration et la conservation des voies navigables à travers les États-Unis.

    À L'ASSAUT DES COURS D'EAU

    Même si le NFCT occupe à ce jour la première place du canotage longue distance, il reste une aventure encore méconnue.

    « En cette période de pandémie, il y a de nombreux lieux sur le NFCT où il est possible de trouver la paix et la solitude que vous ne pourriez pas avoir sur d'autres sentiers, » indique la canoéiste Laurie Chandler, auteure du livre Upwards publié en 2017 dans lequel elle évoque son expédition sur le NFCT. « C'est également plus accessible pour les personnes de mon âge qui veulent sortir et relever une sorte de grand défi. »

    En 2015, Chandler, alors âgée de 53 ans, est devenue la première femme à descendre en solo à la rame le NFCT, une descente marquée par les rapides, les nuits passées sur des îles isolées, les réveils au chant des huards et par une rencontre mémorable, celle d'un élan mastiquant une touffe d'herbe de l'eau jusqu'aux genoux, non loin de l'Allagash Wilderness Waterway dans le Maine.

    Il faut compter un mois ou deux pour le parcours complet, mais une section individuelle demande entre trois et cinq jours de canoë d'après Karrie Thomas du NFCT. Elle recommande de consulter le planificateur virtuel de voyage disponible sur le site du NFCT avant de se lancer dans l'aventure.

    Les pagayeurs en herbe apprécieront le courant en aval plus accessible en voyageant d'ouest en est. Les aventuriers plus expérimentés pourront quant à eux se mesurer aux multiples défis du parcours complet comme les sections à contre-courant, les rapides de classe IV et les sections à portage qui nécessitent de marcher sur des sentiers de randonnée en portant son embarcation jusqu'au prochain point d'eau.

    Pagayer sur l'intégralité du Northern Forest Canoe Trail peut prendre un à deux mois.

    PHOTOGRAPHIE DE Caleb Kenna

    Que ce soit pour un court séjour ou une longue expédition, l'offre du NFCT est pléthorique, du camping sur les îles reculées du lac Saranac (Carte 2) à la découverte des paysages rendus célèbres par l'œuvre de l'écrivain Henry David Thoreau dans les contrées nordiques du Maine (Cartes 11 et 12).

    Pour profiter au mieux des couleurs de l'automne lors de votre itinéraire en canoë, Thomas recommande la section de la rivière Missisquoi dans le Vermont (Carte 4), du lac Champlain vers l'ouest ; et la section du lac Moosehead dans le Maine (Carte 11), un cours d'eau paisible qui longe les monts Longfellow où vit une faune mythique comme le pygargue à tête blanche. Vous pouvez également opter pour l'Allagash Wilderness Waterway à 150 km plus au nord (Cartes 12 et 13), où les forêts sombres et les eaux remplies de poissons attirent depuis des millénaires les ours, les lynx et les élans.

    « Lorsque les voyageurs naviguent sur ces cours d'eau, ils naviguent sur les traces de nos ancêtres, » déclare le Chef Stevens des Abénaquis. « Vous êtes alors amenés à vous demander s'ils avaient la même réaction que vous en découvrant la beauté d'un élan ou d'un héron. Vous ne pagayez pas simplement pour faire de l'exercice. Laissez-vous porter par votre imagination, comment étaient ces paysages autrefois ? Qui vivait là ? »

     

    Stephanie Vermillion est une journaliste, réalisatrice et photographe d'aventure et de voyage. Retrouvez-la sur Twitter et Instagram.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

     

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