Visite insolite : Londres à travers ses stations de métro abandonnées

Les visites des stations abandonnées du métro de Londres offrent une fenêtre inédite sur les racines historiques de la capitale anglaise.

De Ben Lerwill
Publication 19 août 2023, 18:07 CEST
Les stations abandonnées du métro londonien offrent une façon originale d'explorer la ville.

Les stations abandonnées du métro londonien offrent une façon originale d'explorer la ville.

PHOTOGRAPHIE DE London Transport Museum

Debout sur le quai d'une station du métro londonien, mon regard se perd dans les affiches qui recouvrent le mur d'en face. Leurs couleurs vives contrastent avec la morosité des rails. À gauche, l'une d'entre elles propose des vacances au soleil à un tarif imbattable. À droite, une autre fait la promotion du dernier spectacle donné dans le West End, Diana's Fortune. Pourtant, ces annonces me semblent étrangement vagues, comme si elles manquaient de détails. Des vacances, parfait, mais où exactement ? Et pourquoi la seconde ne mentionne-t-elle pas le théâtre où se déroule la représentation ? 

« Ce sont toutes de fausses publicités, » me souffle en riant Pat Dennis, mon guide Hidden London, tout en me montrant les affiches pour des agents immobiliers fictifs ou des marques de vêtements inexistantes. Nous sommes sur les quais de la station Charing Cross Underground, au cœur du réseau métropolitain de la capitale anglaise, et si l'envie nous prenait de sauter dans la prochaine rame, il nous faudrait nous armer de patience. « La station est à l'abandon depuis 1999, » indique-t-il. « Elle se trouvait sur la ligne Jubilee. Aujourd'hui, elle sert de décor pour les films, les séries ou les clips. Matt Damon et Daniel Craig sont passés par ici, nous avons également eu Paddington, Madonna, Dua Lipa, et beaucoup d'autres. »  

Ainsi, les affiches fictives permettent d'éviter les problèmes liés aux placements de produits. Elles ajoutent également à l'imbroglio dans lequel nous tombons en pénétrant dans ce monde souterrain et secret. Lorsque nous rejoignons Pat à la billetterie de la station, nous sommes entourés par une foule de navetteurs et de journaux en libre-service. Puis, après avoir emprunté une porte métallique qui n'a rien de particulier, nous entrons dans un monde où le réel et l'irréel s'entremêlent, avec ses escalators vides, ses couloirs silencieux et le lointain fracas des rames qui circulent sur les autres lignes.

Durant l'heure et quart qui suit, nous profitons d'une visite complète de cette aile déserte de la station. Notre guide nous raconte l'histoire de Charing Cross, il nous montre un extrait de SkyFall dans lequel James Bond en personne glisse sur les escalators que nous venons d'emprunter. Nous allons même jusqu'à nous aventurer dans l'obscurité des puits de ventilation et des tunnels de maintenance, depuis lesquels nous espionnons à travers une grille, tel 007, les voyageurs qui attendent la prochaine rame de la Northern Line. Tout ici nous paraît fabuleusement clandestin.

L'occasion d'être une petite souris dans le métro de Londres ne se présente pas souvent, mais Hidden London a plus d'un tour dans sa poche. 

PHOTOGRAPHIE DE London Transport Museums

C'est bien entendu le but de l'expérience. Organisées par le musée du transport de Londres, qui investit les bénéfices des tickets dans ses programmes éducatifs, ces visites des coulisses du métro londonien sont gérées par Hidden London dans huit stations différentes. L'initiative tire profit du fait que de nombreuses zones de certaines stations sont de nos jours désaffectées, pour des raisons allant du manque d'usagers à la modification du tracé des lignes. 

« Toutes les stations proposées à la visite ont une histoire différente à raconter, » indique Pat, en ajoutant que les visites sont programmées à différentes périodes de l'année pour entretenir la demande. La plupart de ces visites sont liées à la Seconde Guerre mondiale, lorsque les tunnels du métro servaient d'abri antiaérien. La station de Clapham South compte par exemple près de deux kilomètres de couloirs souterrains, alors que Down Street, la station utilisée comme bunker secret par Churchill pendant la guerre, a été fermée aux passagers en 1932. Pourtant, elle existe encore, baignée dans l'obscurité et chargée d'histoire sous les rues du district W1. Et là où l'ancienne station de Charing Cross garde un style résolument moderne, les parties cachées des stations Aldwych et Euston sont de véritables capsules temporelles où il est possible d'admirer l'architecture de l'époque et de véritables publicités vintage.

Pour la visite suivante, je file vers Moorgate. Ce nom, la station l'a hérité d'une ancienne porte dans les remparts de la ville donnant sur les terres marécageuses des Moorfields. De nos jours, le quartier se compose d'immeubles commerciaux et de cafés, mais Moorgate n'a rien perdu de son aspect historique. Inaugurée en 1865 sur la Metropolitan Line, la plus ancienne ligne de métro au monde, cette station voyait autrefois défiler des wagons en bois éclairés au gaz. 

« Les premiers trains n'avaient même pas de fenêtre, » raconte mon guide, Tommy Carr. « Selon la logique de l'époque, il n'y avait rien à voir dans un tunnel, puis ils ont réalisé que les passagers aimeraient tout de même voir les arrêts. » À l'origine, la station était peu profonde, créée à l'aide de l'ancienne méthode dite de la tranchée recouverte : creuser une énorme tranchée, poser les rails et construire un toit. C'était avant l'arrivée du métro en souterrain profond.

Nous partons à la découverte des entrailles de la station, à travers un labyrinthe de tunnels de maintenance et de cages d'ascenseurs désaffectées à l'éclairage fantomatique. Un couloir recouvert de mosaïques et fermé depuis 1939 porte encore les fragments de publicités pour des livres ou du savon ; plus loin, nous découvrons un bouclier de tunnelier, un imposant cylindre de métal creux posé sur le flanc qui protégeait les ouvriers creusant le tunnel à la main. Avec ses 5 mètres de long, le bouclier a simplement été abandonné sur place à la fin des travaux.

Moins de 90 minutes plus tard, je retrouve la surface, légèrement étourdi. Fonctionnel, tentaculaire, de nos jours les qualificatifs ne manquent pas pour décrire l'Underground de Londres, et cette incroyable étendue doublée d'une histoire formidable implique que certaines parties du réseau resteront à jamais figées dans le temps.

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    Cet article a été produit par National Geographic Traveller (Royaume-Uni).

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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