Ces nouveaux outils cartographiques vont révolutionner notre façon de voyager

Qu’il s’agisse d’une carte holographique sur le pare-brise de notre voiture ou d’un GPS sous-marin, ces nouvelles technologies vont bouleverser notre façon d’appréhender le monde. Et surtout, « on ne se perdra plus jamais ».

De Sadie Dingfelder
Publication 20 janv. 2022, 17:39 CET
AR Map

À Shanghai, un touriste se sert d’une application de réalité augmentée sur son smartphone pour découvrir le quartier historique du Bund. Grâce à des nouvelles technologies ayant recours au GPS ou à l’intelligence artificielle, les piétons, les automobilistes et les plongeurs peuvent se déplacer de manière plus simple et plus sûre.

PHOTOGRAPHIE DE Wang Gang, VCG / Getty Images

Avant l’émergence des systèmes de navigation électroniques, il n’était pas toujours aisé de se déplacer. On pouvait bien sûr s’équiper d’une carte IGN ou imprimer un plan sur Mappy (vous vous souvenez ?), mais c’était souvent laborieux. Les cartes routières étaient encombrantes et, pour être franc, il fallait déjà être capable de savoir où on se trouvait à la base.

« Aujourd’hui, vous ouvrez votre appli et elle vous indique où vous vous trouvez avec un point bleu », fait observer Frank Biasi, responsable du développement digital pour National Geographic Maps.

La navigation assistée par ordinateur évolue si rapidement que de nouvelles avancées ne vont pas tarder à rejoindre ces points bleus : des lunettes de réalité augmentée qui « peignent » des flèches virtuelles sur les trottoirs ; des masques de plongée qui vous guident jusqu’à votre bateau ; des pare-brise qui vous permettent d’avancer en toute sécurité dans le brouillard. Ces innovations faisant appel au GPS, à l’intelligence artificielle et à des technologies en tout genre sont en train de rendre la navigation plus simple et plus sûre que jamais.

Les aventuriers sont sur le point de découvrir des systèmes capables d’améliorer et de guider leur sens de l’orientation, de connaître leurs intérêts et de déterminer leur localisation précise même lorsqu’il n’y a pas de réseau.

« Dans l’avenir, vous ne vous perdrez plus jamais », annonce Alexey Panyov, fondateur et P-DG de Navigine, une entreprise spécialisée dans les GPS. « Même si vous en avez envie. »

 

PAS DE RÉSEAU ? PAS DE PROBLÈME

La possibilité de naviguer grâce à une technologie embarquée a fait un bond en avant en l’an 2000 quand le gouvernement des États-Unis a arrêté de brouiller les signaux de son réseau de géo-positionnement par satellite (GPS). Concrètement, cela signifiait que quiconque se dotait d’un récepteur pouvait obtenir les coordonnées précises de l’endroit où il se trouvait.

Peu après, les smartphones ont à leur tour offert aux utilisateurs des informations précises sur leur environnement. C’est à ce moment que les êtres humains ont perdu la capacité à se rendre quelque part sans avoir un itinéraire détaillé. D’ailleurs, pour les personnes interrogées à l’occasion d’une enquête réalisée par le MIT en 2019, la cartographie digitale est le troisième service le plus important sur Internet (derrière les moteurs de recherches et les boîtes mail).

Même si votre téléphone ne capte pas, celui-ci sait où vous êtes grâce à la constellation de 24 satellites (sans compter les roues de secours) composant le système GPS, conçu et exploité par l’armée américaine. Le précurseur du système, NAVSTAR, a été lancé en 1978 ; il n’a été mis à la disposition des citoyens qu’en 1983. Et déjà, le réseau civil était imprécis… jusqu’à ce que le gouvernement américain arrête de brouiller le signal en 2000.

Dans les années qui ont suivi, le reste du monde a rattrapé son retard. La Russie, la Chine et l’Europe possèdent chacune leur propre constellation de satellites de navigation, toutes capables d’envoyer un signal à quiconque possède un récepteur. Il en suit que les régions reculées sont de plus en plus couvertes. Les satellites actuels sont plus doués pour trouver un angle leur permettant d’atteindre les canyons et de transpercer les canopées des forêts luxuriantes (deux endroits où le GPS a tendance à ne plus fonctionner).

« Dans l’idéal, ils travaillent tous ensemble et il y a davantage de détails et moins d’endroits dans le monde où le GPS ne passe pas », explique Jim Carrier, auteur de Here We Are: The History, Meaning, and Magic of GPS.

Cette meilleure couverture satellite est une bonne nouvelle pour les voyageurs qui aiment explorer des destinations peu touristiques comme le Congo ou la région du Haut-Arctique. Cela pourrait également rendre certaines destinations sauvages et reculées plus sûres, selon Sangeeta Prasad, cofondatrice du tour-opérateur Chalo Africa. « Si vous avez un problème, vous pourrez transmettre vos coordonnées exactes à la personne qui viendra vous secourir », précise-t-elle.

Des satellites dernier cri diffusent désormais des signaux dans des régions autrefois mal couvertes (comme la jungle du Congo qu’on aperçoit ici). Cela ouvre le champ des possibles en matière de navigation pour les aventuriers.

PHOTOGRAPHIE DE Samuel Aranda, The New York Times/Redux

Selon elle, si la couverture étendue va sans doute permettre aux randonneurs de mieux se repérer sur les sentiers battus, la technologie ne remplacera en revanche jamais l’expertise d’un guide rompu aux zones les plus reculées. « Si vous croyez que vous pouvez conduire seul dans le Sahara avec un GPS, oubliez. Vous avez besoin d’un guide local capable de lire le sable, sans quoi vous allez caler en moins de deux », prévient-elle.

Les GPS sont également de plus en plus précis dans les grandes villes, où les gratte-ciel bloquent et réfléchissent les signaux satellites. Depuis 2020, Google a recours à l’intelligence artificielle et à la cartographie 3D pour rectifier ce type d’erreurs. Désormais, quand vous sortez du métro à Manhattan ou à Mexico, vous avez plus de chances de savoir où vous vous trouvez et dans quelle direction marcher.

 

GPS D'INTÉRIEUR

Les voyageurs qui se perdent dans les aéroports ou dans des centres commerciaux savent bien que la navigation électronique fonctionne rarement en intérieur. C’est parce que les signaux GPS sont stoppés par les murs. La solution ? Des « relais » d’intérieur ; des appareils Bluetooth qui émettent en permanence leurs coordonnées spatiales. Autrefois rare et coûteuse, cette technologie est aujourd’hui intégrée dans la plupart des appareils connectés et des routeurs wi-fi.

Si les ondes radio ont leur utilité, en matière de navigation intérieure les plus grandes avancées viennent du spectre visible de la lumière. Grâce à leur caméra et grâce au machine learning, les smartphones vont pouvoir interpréter leur environnement et ainsi devenir un substitut de l’œil et du cerveau humains.

Google a déjà mis en œuvre un tel système : la fonctionnalité « Live View » est d’ores et déjà disponible à l’aéroport de Zurich, dans certains centres commerciaux japonais ainsi que dans des gares australiennes.

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    La fonctionnalité Live View développée par Google transforme votre smartphone en carte en temps réel.

    PHOTOGRAPHIE DE John B Hewitt, Alamy Stock Photo

    Live View fonctionne aussi en extérieur sur quelque 16 millions de kilomètres de routes publiques du monde entier. Pour essayer, ouvrez simplement Google Maps sur votre iPhone, votre iPad ou votre smartphone Android. Demandez l’itinéraire vers une destination, appuyez sur l’icône « À pied » dans la barre de transport, puis tapez sur l’icône Live View en bas de votre écran.

    Une fois que ces systèmes se seront démocratisés, vous n’aurez plus à tenir un mobile devant vos yeux pour vous repérer. À en croire Vitaly Ponomarev, P-DG de WayRay, des couches d’informations additionnelles seront bientôt intégrées à votre pare-brise, dans vos lunettes et peut-être même à la surface de vos lentilles de contact. Son entreprise a récemment dévoilé une concept car qui projette sur son pare-brise un itinéraire holographique dont le tracé semble peint à même l’asphalte.

    « Pour les voitures normales qui ont encore besoin d’un conducteur, c’est la façon la plus naturelle de visualiser son itinéraire. C’est moins distrayant que de devoir jeter un œil à un GPS, car nous intégrons tout simplement tout ce qu’il faut savoir dans la réalité », explique Vitaly Ponomarev.

    Mais ça n’est qu’un début. Les lunettes de réalité augmentée et les pare-brise vous feront également découvrir des villes que vous ne connaissez pas en vous emmenant dans un club de jazz secret au fond d’une allée ou en vous indiquant des éléments à côté desquels vous seriez passé lorsque vous visitez un monument.

    « Essayez juste d’imaginer toutes les informations utiles, le potentiel de découvertes et les nouvelles occasions qui se présenteront à vous lorsque vous voyagerez grâce à la réalité augmentée », s’enthousiasme Frank Biasi. « Ou bien, en fonction de la façon dont ça se déroule, [on] pourrait être envahis de publicités, comme dans le monde réel et digital d’aujourd’hui. »

    Vous pouvez d’ores et déjà vous faire une idée du futur avec des lunettes connectées onéreuses comme la paire ThinkReality A3 Smart ou bien le masque Magic Leap 1. Hormis Live View, les contenus de réalité augmentée restent toutefois peu disponibles.

     

    GPS DE PLONGÉE

    En dépit de toutes ces avancées, il reste un angle mort de taille en matière de navigation : tout ce qui se trouve en eau profonde. Les signaux GPS ne font pas bon ménage avec les océans ou avec les grands lacs. Les plongeurs ne peuvent compter que sur leur boussole, c’est le Moyen Âge. Lorsque la visibilité est limitée, cela peut s’avérer problématique, selon Gene Bivol, cofondateur de DiveNET, entreprise de GPS sous-marins.

    « On est facilement désorienté quand on est délesté de son poids et qu’on se déplace en trois dimensions, fait-il remarquer. En plus, il y a plein d’autres choses auxquelles il faut faire attention : vous maîtrisez votre respiration, vous gérez votre flottabilité et vous n’avez pas d’informations de navigation hormis celles que vous donne votre boussole. »

    Son entreprise a trouvé une solution artisanale à ce problème. Le GPS DiveNET (comptez 4 500 à 13 000 euros) comprend quatre balises flottantes qui, une fois déployées par un bateau de plongée, échangent avec des satellites GPS afin de se localiser. Elles sont ensuite capables de repérer des plongeurs équipés sur une étendue d’un kilomètre grâce à un sonar. Ceux-ci portent des récepteurs qui leur révèlent en temps réel où se trouvent les membres de leur équipe, l’emplacement de leur bateau, mais aussi des points d’intérêts sur le plancher océanique. « Un jour, on aura peut-être même un drone sous-marin qui filmera notre excursion à notre place », ajoute-t-il.

    L’armée américaine travaille sur un système de balises flottantes à sonar du même type mimant le fonctionnement des satellites GPS, mais selon les experts ce type de couverture est irréalisable.

    « Je ne les vois pas développer la capacité d’amplifier les niveaux acoustiques au point de pouvoir couvrir des centaines de kilomètres carrés d’océan, la physique l’interdit. Même s’ils le pouvaient, il existe un risque de perturbation acoustique par la vie marine, surtout par les mammifères marins », explique Thomas Grønfelt Senger, guide de plongée et concepteur de technologies.

    Un des autres problèmes du sonar, c’est qu’il faut beaucoup d’énergie électrique pour émettre un signal acoustique. Mais des chercheurs du MIT se penchent sur une solution : les matériaux piézoélectriques. Ceux-ci réfléchissent les sons de leur environnement de manière sélective. D’ailleurs, ces capteurs fonctionnent grâce aux ondes sonores, donc pas besoin de batteries.

    « Il y a beaucoup d’applications potentielles. Par exemple, un plongeur pourrait se servir de ces capteurs pour retrouver l’endroit exact où il a pris une photo en particulier », prédit Fadel Adib, professeur d’informatique au MIT.

    Sur le long terme, nos appareils intégreront de manière flexible des signaux multiples qui nous indiqueront comment nous rendre là où nous voulons aller, que nous nous trouvions dans une forêt tropicale, au fond de la fosse des Mariannes ou en orbite. Cependant, la technologie a ses défauts et une carte digitale ne contient les détails particuliers et le contexte régional qu’offrent les grandes cartes en papier. Pour Frank Biasi, les cartes physiques ne sont pas près de disparaître. D’ailleurs, National Geographic n’a jamais vendu plus de cartes et d’atlas physiques dans son histoire qu’en 2021…

    « Les voyageurs et les aventuriers sérieux qui sont privés de source d’énergie ou qui fréquentent des environnements extrêmes, ces personnes savent bien qu’il faut se munir d’une carte physique, ne serait-ce que comme plan B », conclut-il.

    Sadie Dingelfelder est journaliste et vit à Berkeley Springs, en Virginie-Occidentale. Elle s’intéresse aux sciences, à la nature et aux arts. Suivez-la sur Twitter ou sur TikTok.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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