Hiroshima, destination de choix du tourisme macabre

Il y a plus de 70 ans, la bombe atomique décimait la ville entière. Aujourd'hui, des millions de touristes la visitent.

De Ari Beser
Des lanternes flottantes marquent l'anniversaire du bombardement d'Hiroshima. Chaque lanterne représente une vie perdue.
Des lanternes flottantes marquent l'anniversaire du bombardement d'Hiroshima. Chaque lanterne représente une vie perdue.
PHOTOGRAPHIE DE ASAHI SHIMBUN/GETTY IMAGES

Les 6 et 9 août 1945, les États-Unis larguent deux bombes atomiques sur les villes d'Hiroshima et de Nagasaki. Peu de temps après, le Japon capitule et la Seconde Guerre mondiale s'achève dans le mois qui suit. Jamais auparavant une arme aussi destructrice n'avait été utilisée.

Dix ans plus tard, le parc et musée du Mémorial de la Paix ouvrait ses portes dans ce qui était autrefois les quartiers commerciaux et résidentiels les plus animés d'Hiroshima. Le tourisme n'a fait qu'augmenter depuis. Le tourisme noir ou « tourisme sombre » (des voyages sur des lieux frappés par les catastrophes, la violence ou la guerre) attire chaque année des foules de curieux. En 2016, près de deux millions de personnes se sont rendues à Hiroshima et ce nombre devrait augmenter en 2017.

 

COMMÉMORER LE PASSÉ

Hiroshima conserve le souvenir de la première attaque nucléaire à travers ses monuments commémoratifs, les témoignages de témoins oculaires et les cérémonies de commémorations annuelles.

Chaque année, des milliers de personnes se réunissent à 8h15 le 6 août, heure de l'explosion de la bombe, pour entendre une cloche sonner pour célébrer la paix. Le soir même, des bougies sont allumées dans le cadre d'une cérémonie appelée Toro Nagashiqui se traduit littéralement par « Le flottement des lanternes ». Du papier coloré illumine les eaux dans lesquelles se sont jetées les victimes blessées et à l'agonie pour soulager leurs souffrances. Plus de 80 000 lanternes sont allumées chaque année, chacune symbolisant une âme perdue ce jour-là.

Les monuments de la ville rendent hommage aux vies perdues pendant et après l'explosion. Des statues en l'honneur des 20 000 ressortissants coréens tués ont été érigées ainsi qu'un Monument de la paix des enfants en hommage à Sadako Sasaki, une jeune survivante qui succombera plus tard d'une leucémie. Il y a même une plaque dédiée aux prisonniers de guerre américains qui ont péri. Tous les symboles d'Hiroshima transmettent le même message. Comme l'indique le cénotaphe du parc du Mémorial de la Paix : « Reposez en paix, l'erreur commise ne sera pas répétée ».

Le dôme de Genbaku était le seul édifice à être resté debout dans la zone où la bombe atomique a explosé.
PHOTOGRAPHIE DE Jean-baptiste Rabouan, Laif, Redux

LES TÉMOIGNAGES DES SURVIVANTS

Si la date anniversaire est certes le moment de l'année le plus populaire pour les amateurs de tourisme noir, des milliers de touristes se rendent chaque jour à Hiroshima afin d'en apprendre plus sur les effets de la bombe atomique et de coopérer avec des personnes comme Kosei Mito et d'autres bénévoles non officiels du parc. Ils se positionnent sous le dôme emblématique de la bombe atomique, seul édifice encore debout au centre de l'explosion. Autrefois salle de la préfecture, les vestiges de ce site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO sont devenus l'un des avertissements les plus marquants contre la guerre nucléaire.

Mito se trouvait dans le ventre de sa mère au moment de l'explosion, ce qui en fait un Hibakusha, le terme japonais employé pour désigner les survivants de la bombe. D'après ses archives, il aurait servi de guide à 28 000 touristes en 2016. L'afflux d'Américains (1 600 au cours des six derniers mois) qu'il a constaté indique un intérêt international croissant.

Keiko Ogura est une autre Hibakusha et est à la tête du groupe des Interprètes de la paix d'Hiroshima. Sa mission consiste à informer les visiteurs internationaux. Keiko Ogura était âgée de huit ans lors de l'explosion de la bombe mais porte toujours ce qu'elle qualifie de « cicatrices invisibles ». Tout au long de la guerre, Hiroshima avait été épargnée par les bombardements. Une série de raids aériens la nuit précédant l'attaque a inquiété son père et elle a survécu à l'explosion grâce à la décision de son père de ne pas l'envoyer à l'école ce jour-là. Elle forme d'autres survivants afin qu'ils livrent leurs histoires en anglais et participent chaque année à des séances de témoignages ouvertes au public organisées au musée.

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    Le cénotaphe du parc du Mémorial de la Paix d'Hiroshima porte l'inscription japonaise suivante : « Reposez en paix, l'erreur commise ne sera pas répétée ».
    PHOTOGRAPHIE DE Sean Pavone, GETTY IMAGES

    LA LEÇON DE L'HISTOIRE

    Avec l'aide d'autres organisations, ces histoires se fraient un chemin aux quatre coins du globe. Clifton Truman Daniel, petit-fils du président Harry S. Truman (l'homme qui a donné l'ordre de lancer les bombes atomiques), travaille en collaboration avec Hibakusha Stories. Cette organisation à but non lucratif réunit les survivants de la bombe atomique et les descendants des victimes au sein des écoles de New York. Daniel était le premier membre de la famille Truman à se rendre au Japon lorsqu'il a été invité par la famille de Sadako Sasaki.

    Sadako et son frère, Masahiro, se trouvaient à un moins de deux kilomètres de l'explosion. Masahiro avait beau n'avoir que quatre ans, il se souvient s'être extirpé des décombres de sa maison et avoir remonté une rivière peuplée de cadavres. Dix ans plus tard, Sadako, comme de nombreux enfants exposés aux radiations, a contracté une leucémie.

    « Elle a refusé les médicaments antidouleurs car ils étaient trop coûteux pour notre famille qui était de plus en plus accablée par les dettes », explique Masahiro. « Elle ne se plaignait jamais. Au lieu de cela, elle se concentrait sur ces petites grues de papier. Elle en a réalisé plus d'un millier. » Selon une légende japonaise, ces grues permettent d'exaucer vos vœux. Une statue de Sadako a été érigée dans le parc du Mémorial de la Paix et les visiteurs y laissent souvent des grues de papier en guise de symbole de paix.

    Masahiro et son fils Yuji souhaitent envoyer un message de paix et de réconciliation au monde entier par le biais de l'histoire de Sadako. En plus d'encourager le dialogue entre les camps opposés de la guerre, ils ont fait don des grues de papier originales de Sadako. Ses grues ornent désormais le monument commémoratif de l'Arizona à Pearl Harbor, la bibliothèque Truman située dans la ville d'Independence dans l'État du Missouri, la bibliothèque de la paix située en Autriche et la ville de São Paulo au Brésil.

     

    Ari Beser est réalisateur et auteur de The Nuclear Family. Sa bourse Fulbright-National Geographic Digital Storytelling octroyée par National Geographic pour l'année 2015-2016 lui a permis de donner la parole aux centaines de milliers de victimes actuelles de la technologie nucléaire. Il est le petit-fils du lieutenant Jacob Beser, seul militaire américain à bord des deux Boeing B-29 ayant lâché les bombes atomiques sur le Japon au cours de la Seconde Guerre mondiale.

     

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