L'héritage culturel de Bangkok menacé par l'urbanisation

Visitez ces quatre lieux incontournables de Bangkok avant qu'ils ne disparaissent.

De Sunny Fitzgerald
À Bangkok, des bateaux colorés naviguent sur le fleuve Chao Phraya. Avec l'urbanisation, certaines communautés et ...
À Bangkok, des bateaux colorés naviguent sur le fleuve Chao Phraya. Avec l'urbanisation, certaines communautés et traditions uniques de la ville risquent de disparaître.
PHOTOGRAPHIE DE Lauryn Ishak, T​he New York Times, Redux

Si vous partez dans la Cité des Anges de la Thaïlande, vous avez certainement déjà prévu de vous délecter de « street food », de parcourir la fameuse rue Khao San, bordée d'étals de souvenirs et de bars et d'admirer l'architecture époustouflante du Palais royal. Mais si vous voulez vivre une expérience unique dans cette ville animée, quittez les sentiers battus et enfoncez-vous dans les ruelles des quartiers historiques voisins, avant qu'il ne soit trop tard.

« Nous sommes en train de perdre le cœur et l'âme de Bangkok », avertit Michael Biedassek, un Bangkokien d'origine allemande et fondateur de l'agence de voyage éthique Bangkok Vanguards.

De nouveaux projets de développement urbain menacent certains des quartiers les plus anciens et les plus riches culturellement de la ville, au même titre que les traditions. Le gouvernement a aussi annoncé son intention de « nettoyer » la capitale thaïlandaise en interdisant les commerces ambulants : les célèbres étals de nourriture présents dans toute la métropole risquent donc de disparaître.

« L'architecture, les traditions, la nourriture, les habitants et leur mode de vivre en disent beaucoup sur un lieu », explique Michael Biedassek. « Si nous faisons disparaître tout cela, le charme du lieu disparaît aussi et tout devient remplaçable. C'est ce qui s'est produit dans d'autres villes du monde entier. Si l'identité de Bangkok disparaît, que nous restera-t-il ? La ville ne sera plus qu'une copie d'autres villes internationales ».

Avec son équipe, Michael Biedassek œuvre à la protection de l'identité de Bangkok en proposant des visites guidées des quartiers de la ville. Pendant ces visites, les touristes découvrent des zones de la ville les plus importantes d'un point de vue historique. En plus d'être une expérience unique pour les touristes, ces visites à visée éducative permettent aussi aux visiteurs de tisser des liens avec les locaux, de créer une relation plus forte avec la ville, de générer plus d'argent via le tourisme et de mettre en évidence la valeur historique et culturelle de ces quartiers, menacés de disparition.

En tant que touristes, nous pouvons nous sentir impuissants, voire responsables, du développement des destinations populaires. Bien que nous n'ayons pas toujours l'opportunité de parler directement avec les responsables politiques locaux, nous pouvons choisir où passer notre temps et où dépenser notre argent. 

Certains quartiers et aspects de la culture de Bangkok sont menacés. Alors essayez de les visiter ou d'en profiter avant qu'ils ne disparaissent.

 

CHAROEN CHAI

Ce quartier, situé dans l'un des plus grands Chinatown au monde, a une histoire très riche. Il y est pour beaucoup dans l'économie de la ville et la renommée de sa gastronomie. Baladez-vous dans les rues, les boutiques et les temples colorés de Charoen Chai pour admirer l'architecture historique du lieu et découvrir des rituels chinois spirituels et la culture traditionnelle du commerce.

Même si les scènes de rue de Charoen Chai (Rue Charoenkrung Soi 23) constituent un véritable musée vivant, le quartier a ouvert son propre musée, où il met en avant ses valeurs et sa culture et les partage avec les visiteurs. Un petit détour par le musée vous permettra de mieux comprendre Charoen Chai tout en contribuant à l'économie locale.

Si vous ne voulez pas y aller seul(e), Bangkok Vanguards vous propose des visites guidées personnalisées du quartier. Baptisées Bye Bye Chinatown, un nom qui convient malheureusement bien à l'avenir de Charoen Chai, ces visites guidées font découvrir aux visiteurs la culture, la cuisine et les habitants de ce quartier au riche patrimoine.

En avril 2017, la mairie de Bangkok a décidé d'interdire la « street food », dans le but de « nettoyer » la capitale thaïlandaise pourtant réputée dans le monde entier pour sa nourriture urbaine. Pour le moment, les célèbres étals de nourriture de Yaowarat ont échappé à l'interdiction.
PHOTOGRAPHIE DE Frank Heuer, Laif, Redux

NANG LOENG

Cela fait plus de 200 ans que Nang Loeng est l'oasis culinaire du centre de Bangkok. Diverses cultures asiatiques vivent dans ce quartier, ce qui explique la multitude de saveurs, d'odeurs et de bruits qui attirent tous les amoureux de la gastronomie, des locaux en passant par les touristes.

À l'origine, il s'agissait d'un marché de produits frais, qui a ouvert en 1900. Par la suite, le lieu est devenu un espace de restauration, où l'on peut déguster des plats dont la recette a été transmise de génération en génération. Avec la construction de la ligne de métro orange, la ligne MRT, le quartier pourrait bien voir de nouveaux projets de développement urbain sortir de terre. Si vous vous rendez à Nang Loeng, ne passez pas à côté de quelques-uns des meilleurs curry et kanom, un dessert typique, de la ville. Le Monument à la Démocratie est également à voir : il se trouve à 5 - 10 min à pieds depuis Nang Loeng, mais si vous préférez, vous pouvez prendre le taxi.

 

LA STREET FOOD

En avril 2017, le gouvernement de la métropole bangkokienne a annoncé l'interdiction des stands de « street food » et son intention de faire disparaître des trottoirs les vendeurs ambulants d'ici la fin de l'année 2017. Cette interdiction a déjà été mise en pratique dans les zones commerciales du centre de la ville, autour de Siam Square et de Pratunam.

Pour le moment, le gouvernement a déclaré qu'il épargnerait Yaowarat et Khao San Road. Toutes les boutiques ambulantes n'ont pas quitté les trottoirs de la ville. Nous ignorons toujours quelles seront les conséquences de cette interdiction sur les nombreux vendeurs ambulants de la ville : en effet, de nombreux locaux achètent à manger dans ses « échoppes » et elles sont aussi très populaires auprès des touristes. Leur interdiction aura donc certainement un effet sur l'économie de la ville. Alors, si vous le pouvez, nous vous conseillons de goûter au maximum la street food de Bangkok. À Yaowarat Road et au marché Wang Lang, vous pourrez trouver quelques-unes des meilleures petites douceurs de la ville.

 

LES QUARTIERS DES CANAUX

Autrefois, les klongs, c'est-à-dire les canaux de Bangkok, étaient des routes de transport et de commerce particulièrement dynamiques. Au fil du temps, la plupart des canaux ont été comblés pour permettre le développement urbain. Alors que certains quartiers et leurs klongs ont été épargnés par le développement urbain, ce n'est pas le cas pour tous, et en particulier ceux situés le long du fleuve Chao Phraya, qui font l'objet de projets de développement.

Le quartier de Pom Mahakan a lui déjà succombé à l'urbanisation. Il y a peu, les toutes dernières maisons en teck de la ville, situées dans ce quartier historique coincé entre le canal Ong Ang et la forteresse de la vielle ville ont été rasées pour faire place à un parc censé attirer les touristes. Ces maisons constituaient un musée vivant non officiel, qui rendaient hommage au passé, aux habitants et à la culture de Bangkok. Mais le gouvernement de la ville n'a pas compris c'était justement pour admirer l'architecture des maisons détruites et s'imprégner de la vie des habitants du quartier que les touristes venaient.

La bataille opposant ce quartier au gouvernement de la métropole bangkokienne a débuté dans les années 1990, lorsque ce dernier a commencé à réclamer les terres. À l'époque, certains habitants avaient accepté de vendre leur maison qui ont par la suite été détruites, tandis que d'autres ont résisté et ont reçu des avis d'expulsion. Les derniers irréductibles habitants sont restés jusqu'en mai 2018. Ils avaient même proposer au gouvernement une alternative : créer un petit parc tout en conservant les maisons du quartier pour créer un musée vivant du patrimoine, géré par les habitants du quartier qui souhaitent partager leur mode de vivre avec les touristes, plutôt que d'abandonner leurs maisons et voir leurs vies réduites à quelques mots gravés dans les dalles de béton.

Mais le gouvernement l'a finalement emporté, arrachant à Bangkok une partie importante de son héritage, laissant les habitants de Pom Mahakan sans abri et dévastés.

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    « J'ai été invité au dernier dîner du quartier, juste avant que leurs maisons ne soient rasées », a expliqué Michael Biedassek. « Les habitants étaient accablés par le chagrin. Le gouvernement n'a pas tenu sa promesse de préserver ces bâtiments à l'architecture unique et à l'histoire exceptionnelle, les derniers de la sorte dans la ville. Ces maisons existaient depuis la création de Bangkok et c'est une partie de l'histoire de la ville qui a été effacée ».

    Michael Biedassek et des locaux estiment qu'aucun endroit de la ville n'est à l'abri de la destruction.

    « Je sais qu'il y a des projets de développement urbain dans mon quartier [le long des canaux] », confie Michael Biedassek. « Il semblerait que le gouvernement de la ville veuille construire une rue ou une promenade jusqu'à la forteresse de la vieille ville. Si ce projet se concrétise, il se peut que de nouveaux projets fleurissent pour développer le bord de la promenade, affectant directement le quartier dans lequel je vis ».

    Pour lui, il existe plusieurs façons de lutter contre ce fléau. L'une d'entre elles consiste à démontrer la valeur de ces quartiers et de leur patrimoine et de continuer à faire découvrir aux touristes le vrai visage de Bangkok, ses habitants, son histoire et le mode de vie sur lequel la ville s'est construite. Pour permettre aux voyageurs de s'immerger dans la vie au bord des canaux, Michael Biedassek a récemment ouvert Innspire, une ancienne maison d'artiste que son équipe et lui-même ont transformé en maison d'hôtes.

    Les visites guidées culturelles, culinaires ou historiques organisées par Bangkok Vanguards se poursuivent dans certains quartiers le long des canaux et autour du centre historique de la ville. Au cours de ces visites, les touristes se « perdent » dans les dédales de ruelles, cèdent à une petite faim en s'arrêtant devant un vendeur ambulant, voguent sur les canaux, discutent avec les habitants et partagent même un repas avec eux. Cette expérience est une occasion unique pour les visiteurs de découvrir le vrai visage de la capitale thaïlandaise, avant que tout cela ne disparaisse.

     

    Sunny Fitzgerald est une journaliste indépendante, spécialisée dans les voyages responsables. Elle écrit aussi pour Lonely Planet et le magazine Kama`aina. Vous pouvez la suivre sur Instagram ou consulter son site Internet.

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