Que mange-t-on à Tokyo ?

Le Tokyo culinaire ne se résume pas aux sushis et autres sobas. Chose surprenante, c'est dans la capitale japonaise que vous pourrez déguster quelques-uns des meilleurs mets de l'Occident au monde.

De Stan Parish
Photographies de Takashi Yasumura
PHOTOGRAPHIE DE Takashi Yasumura

En 2007, Ivan Orkin, un « juif de Long Island » comme il se définit, est devenu le premier Américain à servir des ramens à Tokyo. Le succès fut immédiat. Aujourd'hui, Ivan Orkin est le propriétaire et le chef d'Ivan Ramen et d'Ivan Ramen Slurp Shop, tous deux situés à New York. Comme il partage sa vie entre New York et Tokyo, son compte Instagram (@ramenjunkie) est devenu un guide de restaurants des deux villes. « On me demande tout le temps des recommandations », sourit-il. « Je leur conseille fortement d'essayer autre chose que les sushis, les yakitori et le tempura. À Tokyo, la pizza napolitaine est aussi bonne, voire meilleure, qu'à Naples. C'est la même chose pour la cuisine française ». Mais si les Japonais sont connus pour être des experts de la copie, ne vous attendez pas à retrouver exactement les mêmes mets qu'en Occident. « Au Japon, lorsque vous goûtez la cuisine étrangère, il a toujours une touche japonaise ».

 

DES COCKTAILS UNIQUES ET SURPRENANTS

Takao Mori, barman au Mori Bar, est en train de préparer son cocktail signature, le martini japonais.
PHOTOGRAPHIE DE Takashi Yasumura

Takao Mori, 71 ans et barman au Mori Bar, est considéré au Japon comme le grand-père du Martini. C'est dans son petit bar sans fenêtres, situé au 10e étage d'un bâtiment de Ginza, qu'il sert son cocktail signature, un gin Boodles réhaussé d'une pointe de vermouth, d'une goutte d'Orange Bitters et d'un peu de citron. Préférez-le au martini classique, mais attention : plus fort que la version normale, c'est à vos risques et périls si vous en commandez plus d'un. La coupe élégante et gravée au diamant dans laquelle il est servi est plus grande qu'elle n'y paraît...

Au Bar High Five, situé à Ginza, c'est le barman qui décide pour vous. Un mur tout entier du bar est recouvert de l'ensemble des alcools servis. Indiquez à l'un des serveurs vos préférences et préparez-vous à être surpris par des alcools locaux exotiques qui subliment les classiques et créent de nouveaux cocktails que vous ne trouverez jamais ailleurs.

Au Gen Yamamoto, un petit bar pouvant accueillir 8 personnes, la dégustation de six cocktails peut paraître excessive. Mais l'alcool passe en arrière-plan des saveurs de fruits et de légumes de saison. Récemment, un jus de prune frais était proposé, rehaussé de liqueur de cerise et d'une touche de wasabi, tout comme du kabocha râpé, servi avec les graines grillés de la courge et un whisky fumé japonais. Six cocktails, ce n'est pas assez au Gen Yamamoto.

 

DES PIZZAS COMME EN ITALIE

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    La pizza Marinara, dont la croûte est à tomber et la mozzarella fumée un incontournable.
    PHOTOGRAPHIE DE Takashi Yasumura

    Tsubasa Tamaki n'est jamais allé en Italie. À 39 ans, ce chef a perfectionné l'art de la pizza dans les pizzerias Savoy et Strada de Tokyo, réputées toutes deux pour être les meilleures de la ville. En février 2017, Tsubasa Tamaki a décidé de faire cavalier seul. Sa pizza signature, la Tamaki, est une révélation ; la mozzarella fumée y est pour beaucoup. Ne repartez pas sans avoir goûté à la pizza Marinara, dont la croûte est à tomber. Contrairement à la version napolitaine qui devient dure, les bords de la pâte sont croustillants et bien cuits, ce qui contraste avec son centre moelleux. Le sel Tamaki, saupoudré dans le four et qui cuit à travers la pâte croustillante, vient apporter une saveur surprenante. Quant aux garnitures, elles sont réparties de façon méticuleuse sur la pizza pour profiter de chaque saveur à chaque bouchée. Si, avec cela, ce n'est pas la meilleure pizza au monde...

     

    LE SAINT-GRAAL DU BURGER

    Pour goûter au bœuf Wagyu grillé du chef Kentaro Nakahara à Sumibiyakiniku Nakahara, réservez obligatoirement, de préférence plusieurs mois en avance. Dans son dernier restaurant, Kentaro Nakahara propose deux plats : un burger, avec un, deux ou trois steaks, et des frites. Contrairement aux burgers finement hachés, le steak 100 % Wagyu est grossièrement découpé puis assemblé pour former une boule et ensuite cuit sur un grill avant d'être aplati. Les steaks Wagyu sont bien grillés à certains endroits, mais restent saignants à l'intérieur, le résultat d'une cuisson parfaite. Pour sublimer le tout, de la laitue croquante, une tranche de cheddar qui imprègne le steak, des tomates bien mûres et un pain à burger sont de rigueur. Le goût du bœuf est aussi mis en valeur par une sauce type Milles-îles. En quelques mots, c'est un burger plaisir comme vous n'en avez jamais mangé. En plus, il est étonnamment léger pour un burger qui allie autant de saveurs et de textures. Vous pouvez, que dis-je, vous devez, en manger plus d'un.

     

    LE PARADIS DU STEAK

    Pour trouver Shima Steak, vos yeux ne vous seront d'aucune aide : il n'y a aucune enseigne, aucun nom n'est écrit sur la porte de ce restaurant qui se trouve juste en-dessous de la chaîne japonaise de café, Tully's Coffee. Fiez-vous plutôt à votre odorat et suivez les effluves de bœuf Wagyu rôti. C'est le chef Oshima Manabu qui importe la viande vieillie sous plastique (wet-age)depuis Kyoto, sa ville natale et la cuit sur des brochettes dans un four qu'il a lui même conçu.

    En fonction des saisons, les steaks sont accompagnés de haricots verts, d'une simple purée de pomme de terre ou d'une carotte. Cela peut faire penser à la cuisine d'une cantine, mais les ingrédients sont tout de même plus frais. Et puis, vous n'êtes pas là pour les légumes. Même si vous ne trouverez pas le goût très fort des minéraux du steak vieilli à sec (dry-aged) chez Shima, vous ne serez pas déçus par la saveur riche du bœuf, dont la texture est incroyable. Les filets sont persillés à souhait, rendant le steak si tendre à la cuisson qu'il pourrait être coupé avec une cuillère en plastique. En lieu de dessert, optez pour le célèbre sandwich au steak de Shima, véritable star d'Instagram : deux tranches de pain de mie badigeonnées d'une sauce maison au secret bien gardé et garnis de petits morceaux de bœuf Wagyu. Découpé en trois et placé dans un bento, ce sandwich est véritablement le plat à emporter des empereurs. L'hôtesse vous conseille de ne pas mettre votre sandwich au réfrigérateur et de le consommer sous 24 heures. Je serais très surpris que quelqu'un ait attendu aussi longtemps avant de le dévorer.

     

    PÂTES ITALIENNES À LA JAPONAISE

    Les petits plats que le chef Luca Fantin sert dans son restaurant de la tour Ginza, situé au-dessus de la boutique Bulgari sont très italiens, modernes et raviront vos papilles. Originaire de Trévise en Italie, Luca Fantin importe pourtant peu de produits de son pays natal, hormis les pâtes sèches, le Parmigiano-Reggiano et le riz Carnaroli vieilli. Tout le reste, ou presque, provient du Japon, un pays qui partage de nombreux points communs avec l'Italie d'après le chef. « Les saisons sont les mêmes, les deux pays sont situés sur le même parallèle et le climat est assez similaire », indique Luca. Aucun plat italien ne manque au menu, qui marque des points en associant le meilleur de l'Occident au meilleur de l'Orient. Un plat qui vous surprendra sans aucun doute est l'assiette de spaghetti à l'encre noire de calamar, cuit dans un bouillon de calamar et accompagné d'une purée de coquilles Saint-Jacques et d'une sauce à la roquette qui rehausse le tout. Le plat est également garni de aori ika cru, du calamar de récif. Grâce aux coups de couteau méticuleux qu'a acquis Luca Fantin avec les années, le calamar fond en bouche. Si vous fermez les yeux, vous risquez bien d'être emporté dans un monde imaginaire, où Italie et Japon se mêlent.

    Les pâtes à l'encre de seiche du restaurant Bulgari il Ristorante-Luca Fantin ont fait sa renommée.
    PHOTOGRAPHIE DE Takashi Yasumura

     

    LA CUISINE FRANÇAISE REVISITÉE

    Le chef Shinobu Namae n'a que faire des suppositions concernant son restaurant au nom français, L'Effervescence. « Cela ne m'intéresse pas de savoir comment ils sont catégorisés », déclare-t-il au sujet des plats qu'il sert dans son restaurant distingué par deux étoiles Michelin. « Je veux être libre dans ce que je fais et que mes clients se sentent libres aussi ». Pour Shinobu Namae, la liberté consiste à mélanger techniques et traditions pour un maximum de plaisir et d'effet. Cela se retrouve dans le petit bol en feuille d'or qui contient un savant mélange de vin et de saké et est servi au début du repas, ou encore dans la version haut de gamme du chausson aux pommes de chez McDonald's : Shinobu Namae propose ici un chausson français feuilleté, farci à la lotte, à la truffe noire et au lard. Ayant eu pour mentor le légendaire Michel Bras, c'est lorsque le chef Shinobu Namae exploite sa connaissance de la cuisine française associé à son héritage culturel personnel que L'Effervescence offre ce qu'il y a de mieux, comme ce pigeon grillé au-dessus d'un feu de paille qui lui confère un fort goût fumé et boisé. Il est servi avec une « sauce aux intestins » et des palourdes finement découpées au gingembre, qui proviennent d'Hokkaido. Pour accompagner ce mets, Akio Matsumoto, le sommelier pour qui le vin n'a plus aucun secret comme le saké, vous conseillera un Côte-Rôtie juteux et complexe en bouche. Le menu déjeuner, composé de 8 plats, coûte environ 86 €, mais le prix en vaut vraiment la chandelle.

    Le pigeon servi au restaurant l'Effervescence.
    PHOTOGRAPHIE DE Takashi Yasumura

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