Randonnée au Kazakhstan : une journée au Canyon de Charyn

Les couloirs, crevasses et colonnes imposantes du Canyon de Charyn, un parc national du Kazakhstan, sont désormais facilement accessibles aux randonneurs. La route qui y mène depuis Almaty a été rénovée et la signalisation des sentiers a été améliorée.

De Jessica Vincent
Publication 23 juin 2023, 15:41 CEST
Le Canyon de Charyn, qui s'étend sur près de 80 kilomètres et se trouve à trois ...

Le Canyon de Charyn, qui s'étend sur près de 80 kilomètres et se trouve à trois heures de route d'Almaty, abrite des dizaines d'espèces sauvages rares, ainsi que la plus grande population au monde de Fraxinus sogdiana, une espèce de frêne.

PHOTOGRAPHIE DE Lukas Bischoff Photograph, Shutterstock Images

Je fixe les yeux jaunes d'un autour des palombes (Accipiter gentilis). Il est perché sur un rocher isolé qui émerge d'une mer de steppe brûlée, la poitrine gonflée et la tête haute comme un guerrier prêt à se battre. Je suis si près que je peux voir les nuances de son plumage : les extrémités châtain foncé de ses ailes repliées et les rayures blanches et cannelle de son ventre faisant penser au pelage d'un tigre. Ses serres sont jaunes et son bec gris recourbé est assez pointu pour crever un pneu.

La rencontre a lieu sur la route du Canyon de Charyn, au Kazakhstan, à presque 200 kilomètres à l'est d'Almaty, à la suite d’un brusque freinage de notre conducteur. « Aigle », indique notre guide kazakhstanais, Sergei, en pointant du doigt, par-dessus le volant, une silhouette sombre émergeant des plaines couleur thé. Le cœur battant, nous prenons nos appareils photo et courons dans la poussière tourbillonnante pour apercevoir l'oiseau, un des emblèmes du Kazakhstan.

« C'est un faucon », chuchote-t-il, alors que nous nous rapprochons pour mieux le voir. Je constate que Sergei est déçu, mais pour quelqu'un comme moi, pour qui l’oiseau le plus excitant croisé depuis le début de l’année est une mouette à Brighton beach, apercevoir un faucon dans la steppe est plus que suffisant.

De retour dans la voiture, nous suivons le goudron fraîchement posé qui se faufile vers les montagnes enneigées de la chaîne Tian Shan, près de la frontière chinoise. Cette route, qui fait partie d'un investissement majeur dans l'infrastructure touristique du Kazakhstan, a été construite pendant la pandémie de COVID-19 afin d’améliorer l'accès depuis Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan, au Canyon de Charyn. Ce dernier, d’environ 80 kilomètres de long abrite l'une des plus grandes populations au monde de Fraxinus sogdiana, une espèce de frêne, ainsi que des dizaines d'espèces animales rares, dont le yanghir (Capra sibirica) et la gazelle à goitre (Gazella subgutturosa).

« Le Kazakhstan évolue rapidement », déclare Sergei alors que nous nous arrêtons à l'entrée du canyon où de nouveaux panneaux aident les visiteurs à s'orienter sur les sentiers. L'amélioration des installations sanitaires et la meilleure captation des signaux GPS ont également rendu le canyon plus accessible ces dernières années. « Notre passé, c'était le pétrole, mais notre avenir, c'est le tourisme, en particulier de ce type », déclare Sergei en montrant une carte des itinéraires de randonnée récemment installée qui indique les points de vue et les lieux de ravitaillement en eau.

Nous sommes dans la Vallée des châteaux, l'un des cinq canyons qui composent le parc national. C’est ici que se terminent les plaines que nous avons traversées et qui s’étendaient à perte de vue. Au lieu de cela, de grands blocs de grès rouge s'élèvent d'un ravin profond de 90 mètres, comme une gigantesque cité de gratte-ciel ciselée dans la roche. J'emprunte un sentier escarpé jusqu'au pied du canyon, passant mes mains sur la terre rouge et argentée sculptée par la rivière Charyn il y a 12 millions d'années. Ce qui me frappe le plus, c'est le silence : c’est si calme que je peux entendre battre mon cœur et le vent siffler entre les rochers. Si nous étions en Arizona, où le Grand Canyon voit circuler 100 fois plus de visiteurs que le Canyon de Charyn, je serais en compagnie de centaines de touristes. Cependant, ici, au Kazakhstan, un pays qui, il y a seulement trente-deux ans, faisait encore partie de l'Union soviétique, j'ai le sentier pour moi seule.

« Le Kazakhstan est un pays encore jeune, mais nous avons beaucoup à offrir », indique Sergei. Cheveux attachés en queue de cheval, vêtu d'une veste en cuir et de mitaines, il a davantage l'air de se rendre à un concert de heavy metal plutôt que de partir en randonnée. « Nous avons des montagnes, des déserts, des forêts, des villes modernes et des cultures anciennes. Je pense qu'il a fallu du temps pour réaliser à quel point notre pays regorge de diversité, mais se tourner vers le tourisme fait bouger les choses. »

L'étape suivante est le Yellow Canyon, une partie plus reculée du parc qui nécessite un 4x4 pour l'explorer. Notre chauffeur, l’air sérieux, qui n'a pas parlé depuis qu'il a repéré le faucon, se met soudain à sourire. Nous accélérons l’allure sur une piste de terre avant de plonger dans une série de fossés et de nids-de-poule assez grands pour s'y baigner. L'air a un goût de terre brûlée et mes yeux piquent à cause de la poussière qui filtre par les bouches d'aération du véhicule.

La voiture ralentit enfin et la poussière se dépose, révélant le grès blanchi par le soleil du Yellow Canyon. Alors que la Vallée des châteaux ressemblait à une ville, j'ai l'impression d'atterrir sur la surface de la Lune. Sur les montagnes de couleur sable qui s'étendent à perte de vue se dessinent des lignes et des sillons profonds, rappelant la peau d'un éléphant. Sergei m’indique que ces lignes sont des routes de montagne pour les yanghirs. Je plisse les yeux dans l'espoir d'apercevoir ces insaisissables bouquetins qui s'accrochent aux parois du canyon mais la chance n'est pas au rendez-vous, pour aujourd'hui du moins.

Nous marchons sur les crêtes du Yellow Canyon jusqu'à ce que les dernières lueurs du jour se perdent derrière les montagnes de Tian Shan. À cette heure, le grès jaune pâle reflète l'orange profond, puis le rose crépusculaire, du soleil couchant. Alors que nous rentrons à toute allure à Almaty, des million d'étoiles se mettant à scintiller dans le ciel, je ne peux m'empêcher de ressentir un pincement au cœur. J’aurais aimé rester un peu plus longtemps dans ce canyon étoilé où le ciel est infini et où les grands faucons aux airs guerriers planent au-dessus de la steppe ouverte.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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