Darfour : l'impossible retour des réfugiés de guerre

Après 15 ans de conflit et 300 000 morts, Omar el-Béchir, président soudanais, déclare la guerre finie et souhaite fermer les camps des réfugiés de guerre. La région est-elle prête au retour de sa population ?

De Juliette Heuzebroc
Publication 9 nov. 2017, 17:12 CET
Un enfant repart du puits avec des bidons d’eau dans un camp de réfugiés à Nyala, Darfour.
PHOTOGRAPHIE DE Raúl Touzon, National Geographic Creative

2003, à l’ouest du Soudan, le Darfour. La région est géographiquement et commercialement isolée du pays et se sent négligée par le gouvernement. Depuis les années 1980, les paysans darfouris ont systématiquement moins accès à l'eau et aux terres que les autres. Historiquement, le Darfour a toujours été une région agricole avec une majorité de cultivateurs noirs et une minorité arabe, soutenue par un gouvernement musulman. Lorsque la communauté agricole noire, en 2003, s’insurge pour lutter contre les inégalités dont elle est victime, le gouvernement prend les devants. Il arme des milices islamistes, principalement les Janjawids, et les envoie au Darfour pour prendre le contrôle de la région face aux tribus rebelles qui réclament une redistribution des ressources.

 

UN DÉPLACEMENT MASSIF DES POPULATIONS

Les milices envoyées par le gouvernement ont rapidement transformé le Darfour en région de non-droit : viols, massacres, destruction de villages entiers, etc. En 2005, les Nations Unies qualifient ces agissements de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, puis en 2007 envoient les casques bleus pour une mission de maintien de la paix.

Face à ce que les autorités internationales ont qualifié de « nettoyage ethnique », les Darfouris se sont vus obligés de fuir. Plus de deux millions de personnes se réfugient dans des camps de déplacés dont une majorité au Tchad, pays frontalier. La situation perdure depuis plus de 10 ans, et Action Contre la Faim rapporte qu’un tiers de ces réfugiés sont incapables de subvenir à leurs besoins. De plus, la pérennité des camps pose le problème de la sédentarisation des populations en zones précaires. Ce déplacement de population est considéré comme l’une des plus graves crises humanitaires que l’Afrique ait jamais connues.

À ce jour, l’ONU considère que plus de trois millions de personnes affectées par le conflit ont encore besoin d’aide humanitaire, dont plus de 1,6 millions sont réparties dans plus de 60 camps. Le Tchad, pays déjà instable avant le conflit, voit ses régions frontalières se fragiliser davantage.

Des enfants réfugiés se reposent dans un camp de Senette, au Tchad. Le 2 juin 2004, après les attaques de leur village dans le Darfour, au Soudan, leur famille a franchi la frontière.
PHOTOGRAPHIE DE Hilhne Caux

FERMER LES CAMPS DE DÉPLACÉS ?

Ce lundi 6 novembre, Omar el-Béchir, visé par deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale pour génocide et crimes contre l’humanité, a appelé à vider et fermer les camps de déplacés du Darfour. Ce dernier estime que la guerre dans cette région est terminée. Si les affrontements ont effectivement diminué, l’ONU s’est récemment inquiété de la perduration des violences exercées par les milices, qui bénéficient d’une impunité réelle, et continuent d'affronter les rebelles.

L’ONU est préoccupée par l'annonce du président soudanais qui, après avoir fait régulièrement expulser des ONG depuis 2009, veut se débarrasser des dernières présences humanitaires. Omar el-Béchir accuse même les ONG de faire des bénéfices aux dépends des réfugiés : « [Les ONG] investissent dans la souffrance du peuple soudanais et font des affaires au nom de l’aide aux déplacés. » Face à ces accusions, l’ONU s’oppose au démantèlement des camps de déplacés et estime que « Le manque de services de base et d’infrastructures, ajouté à l’insécurité qui prévaut dans certains secteurs, continuent d’empêcher des déplacés de revenir dans leurs régions d’origines. »

Empêtré depuis 15 ans dans un conflit qu’ils n’ont pas souhaité, les Darfouris risquent d’avoir à souffrir de cette interminable attente que la situation ne se stabilise de manière durable dans la région.

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