L'Afrique du Sud légalise la vente de cornes de rhinocéros

John Hume, premier éleveur de rhinocéros au monde, espère qu'une mise aux enchères contribuera à la protection des rhinocéros en difficulté du monde entier ainsi qu'à d'importantes retombées financières.

De Jani Actman
Publication 9 nov. 2017, 02:06 CET
Sur les terres de l'éleveur John Hume, à Klerksdorp, en Afrique du Sud, des rhinocéros broutent. ...
Sur les terres de l'éleveur John Hume, à Klerksdorp, en Afrique du Sud, des rhinocéros broutent. Avec plus de 1 500 rhinocéros, il possède la plus grande ferme de rhinocéros au monde. Il s'apprête à vendre les cornes de son énorme stock afin de financer la protection de ses rhinocéros.
PHOTOGRAPHIE DE David Chancellor, Kiosk

Dans la ville de Klerksdorp, à 160 kilomètres de Johannesburg, en Afrique du Sud, près de 1 500 rhinocéros peuplent le ranch de John Hume. Tous les 20 mois environ, cet homme, qui est le plus grand éleveur de rhinocéros au monde, administre un sédatif aux animaux avant de procéder à leur écornage. Il espère ainsi éloigner les braconniers et vendre un jour son stock de plus de six tonnes.

Ce jour est enfin arrivé. Ce lundi, l'éleveur a l'intention d'organiser une vente aux enchères en ligne afin de vendre 264 cornes de rhinocéros à des résidents sud-africains.

Si un moratoire sur l'achat et la vente de cornes de rhinocéros en Afrique du Sud est en vigueur depuis 2009, John Hume et un autre éleveur de rhinocéros ont intenté un procès afin de le rejeter en 2015. Le jugement définitif rendu en avril a ouvert la voie à la reprise du commerce intérieur, bien que l'interdiction relative au commerce international décrétée en 1977 reste, elle, en vigueur.

Le ministère de l'Environnement d'Afrique du Sud exige l'obtention d'un permis à toute personne souhaitant acheter ou vendre des cornes de rhinocéros. Dimanche, l'éleveur a obtenu in extremis une décision de justice favorable à son obtention, selon les tweets de journalistes sud-africains présents dans la salle d'audience.

L'objectif affiché de cette vente aux enchères en ligne de trois jours est de « récolter des fonds afin de financer l'élevage et la protection des rhinocéros », comme le mentionne le site web qui hébergera la vente, encadrée par la société Van's Auctioneers située à Pretoria.

L'Afrique du Sud abrite 70 % des 29 500 rhinocéros blancs restants dans le monde mais est en plein cœur d'une crise liée au braconnage. L'année dernière, les braconniers ont assassiné 1 050 rhinocéros dans le pays, contre 13 en 2007. Ils tirent profit de la demande de cornes de rhinocéros, introduites clandestinement en Chine et au Vietnam pour être sculptées en bibelots et en objets d'art ou pour leur usage dans la médecine traditionnelle. Les cornes de rhinocéros sont en kératine, la même protéine qui compose les cheveux et les ongles humains et leurs propriétés curatives semblent infondées.

Selon le site de vente aux enchères, John Hume dépense 170 000 $ par an pour la protection de ses rhinocéros, sans compter les frais supplémentaires liés à leur alimentation et aux soins vétérinaires. Une partie de ces dépenses est également destinée à leur écornage.

Le commerce national de cornes en Afrique du Sud a suscité la controverse et le courroux de la plupart des groupes de protection animale. D'après ses opposants, il n'existe pratiquement aucun marché intérieur pour la corne de rhinocéros en Afrique du Sud et toute corne vendue au sein du pays est susceptible d'être acheminée clandestinement à l'étranger.

Ce rhinocéros blanc aux yeux bandés vient juste d'être écorné. Au-delà de l'écornage des animaux afin de dissuader les braconniers, John Hume emploie un personnel de sécurité à temps plein pour les protéger.
PHOTOGRAPHIE DE David Chancellor, Kiosk

« Je vois mal l'intérêt d'une vente aux enchères nationale de cornes de rhinocéros, en dehors de celui d'envoyer des signaux contradictoires au reste du monde », déclare Ross Harvey, économiste et responsable de recherche à l'Institut d'affaires internationales d'Afrique du Sud. « Le marché intérieur en Afrique du Sud étant quasi inexistant, on est en droit de se demander à qui les acheteurs de cette vente revendront leurs cornes. »

Les opposants s'inquiètent de la vente aux enchères de l'éleveur notamment en raison des pages d'accueil en vietnamien et en chinois, en plus de celle en anglais. « M. Hume a de toute évidence un marché plus large en tête, ce qui, selon moi, remet en question ses véritables motivations quant à la vente de cornes », a écrit Joseph Okori, responsable du siège régional sud-africain du Fonds international pour la protection des animaux, dans un post sur le site web de l'ONG.

L'opposition à la vente aux enchères est si virulente que des pirates informatiques ont pris les commandes du site la semaine dernière. « Votre manque de compassion à l'égard des animaux est scandaleux et a été traité en conséquence », affichait une déclaration sur le site piraté, qui a depuis été rétabli. Un groupe dénommé National Frog Agency/Central Frog Services répondant au pseudonyme de @NFAGov sur Twitter a revendiqué cette cyberattaque.

John Hume, quant à lui, déclare sur le site de la vente aux enchères que le commerce légal de cornes de rhinocéros fera concurrence au commerce illégal et entraînera la baisse du prix de la corne. Sur le marché noir sud-africain, il peut atteindre 6 000 $ le kilo. D'après Phys.org, Johan Van Eyk, de la société Van’s Auctioneers, a cependant déclaré à l'Agence France-Presse qu'aucun prix d'ouverture ne serait fixé.

« Nous devrons tenir compte du prix que les acheteurs sont prêts à mettre afin d'avoir une idée du prix sur le marché légal », a-t-il expliqué. Les 264 cornes mises en vente pourraient peser près de 500 kilos au total.

Le gouvernement sud-africain insiste sur le fait que des mesures de protection sont prévues afin que les cornes ne se retrouvent pas sur le marché noir. « Le ministère accorde beaucoup d'importance à la surveillance de la circulation des cornes. Pour cette raison, des systèmes sont en vigueur afin que cette surveillance soit effective », a déclaré dans un communiqué publié le 17 août Edna Molewa, ministre de l'Environnement.

Elle a évoqué le système de délivrance des permis, les exigences relatives au balisage, la base de données nationale répertoriant les cornes de rhinocéros et l'exigence d'un profil ADN de chaque corne, comme autant d'exemples illustrant la surveillance des cornes par le gouvernement. 

John Hume a également l'intention d'organiser une vente aux enchères physique au mois de septembre.

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