Plus aucun éléphant africain ne pourra être capturé pour être envoyé à des zoos

Les instances internationales ont décidé une interdiction quasi complète de capturer et d’envoyer des éléphants loin de leur habitat naturel.

De Dina Fine Maron
Pour résoudre ce que les autorités déclarent être un problème de surpopulation d'éléphants et compenser le ...
Pour résoudre ce que les autorités déclarent être un problème de surpopulation d'éléphants et compenser le coût de la conservation de l'espèce, le Zimbabwe a vendu de jeunes éléphanteaux à la Chine ces dernières années.
PHOTOGRAPHIE DE Beverly Jourbert, Nat Geo Image Collection

GENÈVE - En août 2019, lors de la 18e réunion triennale d'un traité international sur le commerce d'espèces sauvages, les participants ont approuvé une proposition limitant les exportations d'éléphants d'Afrique sauvages. La nouvelle législation stipule que les éléphants du Botswana, du Zimbabwe, de Namibie et d'Afrique du Sud ne peuvent être exportés que vers des pays africains, territoires dans lesquels les éléphants vivent ou vivaient. À noter toutefois une exception : l'exportation peut être autorisée si un pays peut prouver que l'acheminement d'un éléphant vers d'autres destinations présente un réel avantage pour la conservation de l'espèce.

La proposition de loi s'est avérée être l'un des sujets les plus polémiques de la réunion de deux semaines tenue par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction (CITES), au cours de laquelle 182 pays et l'Union européenne se sont réunis pour discuter des réglementations commerciales. 

Des groupes de défense des animaux et de nombreuses organisations de protection de la nature ont salué cette décision, bien que certains pays d'Afrique australe s'y soient opposés avec véhémence et que les États-Unis et une association zoologique européenne aient exprimé des réserves.

« L’interdiction de l'enlèvement des bébés éléphants de leur famille pour satisfaire les besoins des zoos est une grande victoire pour le bien-être animal », déclare Frank Pope, PDG de l’organisation à but non lucratif Save the Elephants, basée à Nairobi. De nombreuses autres organisations de protection des animaux et de conservation de la faune ont fait écho à ce sentiment.

La capture et la vente d'éléphants vivants font l'objet de critiques croissantes, étayées au fil des années par les découvertes scientifiques relatives à la complexité du comportement et de l'intellect des éléphants. Ce sont des créatures sociales intelligentes dont les liens familiaux, très forts, durent toute une vie. Et ces dernières années, plusieurs observations ont permis de prouver que les éléphants avaient recours à des outils, travaillaient ensemble pour atteindre des objectifs communs, pleuraient leurs morts et étaient capables d'empathie. 

Mis bout à bout, ces éléments rendent le fait que cet animal puisse être retiré à son groupe à un âge particulièrement jeune pour être vendu à un zoo particulièrement troublant.

« Comme nous, les éléphants ressentent de la joie lorsqu'ils retrouvent leur famille et du chagrin lorsqu'ils en sont brutalement séparés. Comme nous, ils ont besoin d'amis et d'espace pour s'épanouir. Les dommages physiques et psychologiques causés par leur capture traumatique et leur vie en captivité sont bien documentés », déclare Joyce Poole, experte en comportement des éléphants et exploratrice National Geographic. Les jeunes éléphants sont particulièrement vulnérables. La séparation de leur groupe social peut causer un traumatisme psychologique, entraînant des troubles comme la dépression, l'anxiété, l'agressivité et peut parfois même provoquer des décès prématurés.

Quelques pays d'Afrique australe, notamment le Zimbabwe, qui abrite une population d'environ 82 000 éléphants, et le Botswana, qui compte 130 000 spécimens, se disent de plus en plus confrontés à deux problèmes qui peuvent justifier ce type de captures et de ventes : maintenir ces animaux sauvages loin des Hommes et de leurs terres, qu'ils peuvent respectivement tuer et détruire, et compenser les coûts de la conservation de l'espèce.

Selon ces pays, une des solutions consiste à vendre des éléphants aux zoos du monde entier. Le Zimbabwe, par exemple, a pris pour habitude de vendre des éléphanteaux à la Chine, et l'Eswatini (ancien Swaziland) a fait acheminer dix-sept éléphants vers des zoos américains en 2016, affirmant qu'ils auraient sinon été abattus.

Les éléphants d'Afrique sauvages sont vendus à des zoos du monde entier. Le 27 août, la majorité des 183 membres du traité international qui régit le commerce mondial des espèces sauvages ont conclu que le maintien de cette pratique était inacceptable. De nombreux experts invitent à ne plus séparer ces animaux intelligents, sensibles et sociaux de leurs groupes sociaux.
PHOTOGRAPHIE DE Bob Smith, Nat Geo Image Collection

La vente à l'export de jeunes éléphants d'Afrique capturés à l'état sauvage est un phénomène relativement nouveau. Selon les documents soumis à la CITES, avant le milieu des années 1990, les éléphanteaux n'étaient capturés que par voie de conséquence des opérations d'abattage des spécimens adultes.

Les zoos chinois, par exemple, ont importé plus d'une centaine de jeunes éléphants capturés au Zimbabwe depuis 2012, selon Humane Society International. Les importations ont été condamnées par la communauté internationale et les défenseurs du bien-être animal. Les responsables zimbabwéens ont quant à eux déclaré que leur pays devrait être autorisé à gérer sa faune comme bon lui semble.

 

« CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES »

Au cours du débat, l'UE a suggéré de modifier la proposition afin d'autoriser l'exportation d'éléphants au-delà des États de l'aire de répartition uniquement dans le cas de « circonstances exceptionnelles ». Cela exigerait de démontrer que le transfert de ces éléphants procure un certain nombre d'avantages en termes de conservation pour l'espèce. Les groupes d'experts sur les éléphants de la CITES et de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui définit le statut de conservation des espèces, devront être convaincus desdits avantages pour approuver le transfert des animaux.

Les États-Unis ont voté contre la proposition modifiée. Barbara Wainman, une porte-parole de la délégation américaine à la CITES, a déclaré à National Geographic que les États-Unis refusaient toute restriction géographique concernant les pays dans lesquels des éléphants pourraient être envoyés, préférant favoriser « le fait qu'un établissement est équipé pour accueillir et prendre en charge des éléphants. »

Barbara Wainman a déclaré que la préférence des États-Unis était qu'une autre disposition du traité définisse de manière adéquate l'approche fondée sur la science pour les décisions relatives au lieu d'envoi des éléphants. Elle a ajouté que d'autres dispositions n'étaient pas nécessaires pour définir les destinations « appropriées et acceptables ».

Dans le même temps, l'Association européenne des zoos et des aquariums (EAZA) a fait savoir par voie de communiqué : « L'EAZA se félicite du résultat concret du vote, qui empêchera l'importation d'éléphants sauvages capturés vers des destinations inappropriées ». Mais l'EAZA craignait que les nouvelles restrictions ne sapent le cadre réglementaire de la CITES en considérant les éléphants comme appartenant à une catégorie moins protégée du commerce international (comme la législation en place au Botswana et au Zimbabwe) comme équivalant essentiellement aux éléphants pour lesquels le niveau de protection est le plus élevé.

Les éléphants attirent le public des zoos, mais le groupe de spécialistes de l'éléphant d'Afrique de l'UICN s'inquiète « du faible succès de reproduction et de la faible espérance de vie des éléphants d'Afrique en captivité ». Les zoos, notamment américains, cherchent donc parfois à acquérir de nouveaux éléphants pour leurs installations.

« Le simple fait d'envoyer un éléphant sauvage dans un zoo ne répond pas à cette exigence », déclare Colman Criodain, responsable des politiques relatives aux espèces sauvages au World Wildlife Fund (WWF). Le groupe de spécialistes de l'éléphant d'Afrique de l'UICN partage également cet avis. Selon Criodain, le tout sera de savoir comment les zoos en démontreront les avantages.

Le groupe de spécialistes des éléphants d’Afrique de l’UICN a également déclaré qu’il ne pensait pas que les éléphants sauvages capturés en captivité seraient un bienfait pour la conservation et « n’approuve pas le retrait des éléphants d’Afrique de leur habitat naturel à des fins de captivité ». Pour le groupe, il faut fixer des normes élevées pour ce qui pourrait constituer des « circonstances exceptionnelles ».

Pour Mark Jones, responsable des politiques pour la fondation britannique Free Free Foundation, un groupe qui s'oppose à la capture d'animaux sauvages, il est préoccupant que la nouvelle législation ne s'applique qu'aux éléphants qui ne bénéficient pas des protections commerciales les plus strictes de la CITES. Les pays où les populations d'éléphants sont particulièrement menacées d'extinction, comme l'Eswatini, qui a expédié dix-sept éléphants vers trois zoos aux États-Unis en 2016, ne seraient pas couverts et pourraient continuer à exporter des éléphants.

Lors de la présentation de la proposition modifiée, l'Union européenne a déclaré n'avoir importé aucun éléphant vivant au cours de la dernière décennie et n'en avoir aucune intention pour les années à venir. Au cours du débat, la Chine n’a pas communiqué ses intentions ; les États-Unis non plus.

 

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Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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