Cet amphibien réapparaît 30 ans après sa « disparition »

C’est la première fois qu’on observe un Atelopus mindoensis vivant depuis trente ans. La plupart des chercheurs s’accordaient à dire que cette espèce était éteinte, emportée par la chytridiomycose.

De Jason Bittel
Publication 28 avr. 2020, 17:03 CEST
L’Atelopus mindoensis fait partie des 25 espèces d’amphibiens du genre Atelopus, un des plus touchés par ...

L’Atelopus mindoensis fait partie des 25 espèces d’amphibiens du genre Atelopus, un des plus touchés par le champignon chytride.

PHOTOGRAPHIE DE Melissa Costales

Dans l’obscurité de la nuit, Melissa Costales prête une oreille attentive aux coassements qui s’élèvent dans les forêts nébuleuses du nord de l’Équateur.

On est alors en août 2019. Melissa Costales, biologiste en conservation à l’université du Nouveau-Brunswick a pris l’avion avec des collègues pour visiter une réserve privée à la recherche de Breviceps – de petits amphibiens de couleur brune qui ressemblent à des feuilles mortes. À la tombée de la nuit, les chercheurs en ont déjà repéré une douzaine.

Soudain, un des chercheurs remarque la présence d’une tache lumineuse verte sur une feuille. Tous se penchent pour regarder de plus près. Ils en ont le souffle coupé.

« Nos yeux ne nous jouent pas de tours. L’incroyable Atelopus mindoensis est bel et bien devant nous ! », s’exclame Costales.

C’est la première fois qu’on voit un Atelopus mindoensis vivant depuis trente ans. La plupart des chercheurs s’accordent à dire que cette espèce est éteinte, emportée par la chytridiomycose, une maladie infectieuse fatale causée par le champignon Batrachochytrium dendrobatidis.

Partout dans le monde, cette maladie décime des populations entières d’amphibiens depuis trois décennies. Elle empêche les animaux d’absorber l’oxygène et l’eau à travers leur peau perméable. La maladie est particulièrement virulente chez les amphibiens du genre Atelopus. (A lire : « L’apocalypse des amphibiens ».)

Selon les chercheurs, la redécouverte de l’Atelopus mindoensis pourrait être un signe prometteur pour la survie de cette espèce d’amphibiens.

« La réapparition de l’Atelopus mindoensis trente ans plus tard signifie peut-être qu’il a développé une forme de résistance au champignon chytride », explique Costales qui a récemment publié une étude à ce sujet dans la revue Herpetological Notes.

Les chercheurs ont recensé plusieurs espèces d’amphibiens ayant développé une résistance au champignon mortel. On pourrait citer, à titre d’exemples, le Rana sierrae, l’Atelopus varius et le Colostethus panamansis.

Cependant, il faudra mener plus d’essais cliniques pour évaluer la portée réelle du rétablissement, un peu comme dans le cas du coronavirus chez les êtres humains, souligne Jamie Voyles, spécialiste en écologie des maladies à l’université du Nevada à Reno.

« De nombreuses maladies, dont la pandémie actuelle, montrent que les infections et les épidémies ont tendance à s’atténuer », indique Voyles, qui n’a pas pris part à cette nouvelle étude. « Il y a une phase épidémique au début mais, souvent, la maladie perd de sa gravité au fil du temps. Les amphibiens vivent une expérience similaire. »

 

LES DERNIERS DES SURVIVANTS ?

Il existe vingt-cinq espèces d’Atelopus en Équateur. Toutes sont classées comme menacées, en danger critique d’extinction ou présumées éteintes. Plus de la moitié des espèces semblent avoir disparu depuis les années 1980.

La réapparition de l’Atelopus mindoensis en fait la neuvième espèce Atelopus à revenir à la vie. 

Cet amphibien de moins d’un centimètre et demi de long est, comme nombre de ses congénères, remarquable. Il a la couleur d’un citron vert tacheté de brun. Le noir perçant de l’œil contraste avec la dorure de l’iris.

Après cette découverte extraordinaire en août dernier, Costales et ses collègues ont vu cinq autres fois des amphibiens en retournant à la même réserve. Ils préfèrent taire les noms des espèces. Trois fois, il s’agissait de juvéniles, ce qui signifie qu’il y a accouplement. Un bon présage, selon Costales.

Bien que le champignon chytride soit présent à proximité, deux des amphibiens capturés par l’équipe ont été testés négatifs à la chytridiomycose. Deux hypothèses sont possibles : soit les amphibiens n’ont jamais été exposés audit champignon, soit ils ont développé une résistance en repoussant les spores fongiques.

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    « Il est fort probable qu’il s’agisse d’une population relique », dit Voyles. « Cela signifie qu’il y a eu un goulot d’étranglement génétique et que nous sommes en présence d’espèces ayant survécu à l’épizootie. »

     

    TROP TÔT POUR COASSER VICTOIRE

    Cette découverte est passionnante, insiste Cori Richards-Zawacki, herpétologue à l’université de Pittsburgh et collaboratrice de Voyles.

    « Chaque espèce d’Atelopus qui ressurgit met en évidence l’importance du suivi continu et la chance que nous avons d’en savoir plus sur le processus de récupération après une épidémie, grâce à ces créatures si résilientes », écrit-elle dans un e-mail. 

    La redécouverte de l’Atelopus mindoensis nous rappelle également qu’il faut faire preuve de prudence avant de déclarer une espèce éteinte, ajoute Richards-Zawacki. « Il est déjà difficile d’obtenir des fonds pour enquêter sur les espèces en voie de disparition mais, pour sonder les espèces éteintes, il est presque impossible de trouver un financement. »

    Costales met tout en œuvre pour que l’Atelopus mindoensis ne soit plus jamais victime de négligence.

    Avec l’aide du musée de zoologie de l’université San Francisco de Quito, elle a commencé à élaborer un programme de surveillance de l’espèce. Costales espère rassembler les fonds nécessaires pour acheter une partie du terrain où les Atelopus mindoensis sains ont été trouvés pour en assurer la protection.

    « Il est vrai que les Atelopus mindoensis découverts récemment ne sont pas infectés par le champignon chytride », conclut-elle. « Leur survie est cependant loin d’être garantie. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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