Découverte : l’ornithorynque serait l’un des rares mammifères fluorescents

La fourrure des ornithorynques brille lorsqu’elle est exposée à une source de lumière noire. Cette découverte interroge les scientifiques : quel rôle peut donc jouer cette fluorescence chez ces étranges mammifères ?

De Douglas Main
Publication 12 nov. 2020, 15:52 CET, Mise à jour 8 nov. 2021, 11:46 CET

Les ornithorynques sont biofluorescents, c’est-à-dire que leur fourrure émet une lueur bleu-vert lorsqu’elle est exposée aux ultraviolets (UV). Cette photographie, qui fait partie d’une image composite ayant servi au cours d’une étude, utilise un filtre jaune qui révèle une couleur plus « fidèle » de la fluorescence de la fourrure.

PHOTOGRAPHIE DE Jonathan Martin, Northland College, Anich et al. 2020

L’ornithorynque est l’une des créatures terrestres les plus étranges, à bien des égards. Bien qu’il s’agisse d’un mammifère, cette espèce endémique d’Australie pond des œufs et dispose d’épines vénéneuses sur ses pattes arrière. Elle arbore également une queue semblable à celle d’un castor et un bec semblable à celui d’un canard, qu’elle utilise pour détecter ses proies en chassant la nuit, les yeux fermés.

La liste des étranges caractéristiques de l’animal vient désormais de s’allonger : les scientifiques ont récemment découvert que sa fourrure était fluorescente.

Dans une étude récente publiée dans la revue Mammalia, les scientifiques racontent avoir découvert que la fourrure des ornithorynques émettait une lueur bleu-vert lorsqu’elle était exposée aux ultraviolets (UV), un spectre lumineux invisible à l’œil humain.

« J’étais un peu ébahie de [voir] que l’ornithorynque était un animal biofluorescent », confie Paula Anich, auteure principale de l’étude, en particulier parce qu’il s’agit déjà d’« un animal singulier ».

Cette découverte élargit les connaissances scientifiques relatives à la biofluorescence, qui s’avère plus répandue dans le règne animal que ne le pensaient les chercheurs.

« Cela apporte une observation supplémentaire du fait que de nombreux animaux sont biofluorescents et soulève des questions sur la fonction éventuelle de ce phénomène pour les espèces », explique David Gruber, explorateur National Geographic et chercheur spécialisé dans l’étude de la fluorescence chez les créatures marines qui n’a pas pris part à l’étude.

Ce cliché montre à quoi ressemblent les ornithorynques lorsqu’ils sont exposés aux ultraviolets (UV). D’après le chercheur Jonathan Martin, cette dernière « sature tout dans la lumière violette, c’est la raison pour laquelle l’appareil photo a dû mal à enregistrer ce que l’œil voit. Le filtre jaune réduit la couleur violette, et ainsi, l’image révèle une couleur plus “fidèle” de la fluorescence ».

Avec l'aimable autorisation de Jonathan Martin, Northland College, Anich et al. 2020

 

DES POLATOUCHES AUX ORNITHORYNQUES

La biofluorescence correspond au phénomène selon lequel une substance, par exemple la fourrure, absorbe la lumière à une longueur d’onde et en émet une à une longueur d’onde différente. Le vert, le rouge, l’orange et le bleu sont des couleurs courantes de la biofluorescence.

En l’espace de quelques années, les scientifiques ont découvert que plusieurs types de carapaces de tortues de mer, de champignons et de polatouches étaient biofluorescents. Si les scientifiques en ignorent toujours les raisons, ce phénomène servirait comme moyen de camouflage ou de communication entre les individus d’une même espèce.

En 2019, Paula Anich, mammalogiste au Northland College d’Ashland dans le Wisconsin, et ses collègues avaient découvert que lorsque les polatouches étaient exposés aux ultraviolets, la fourrure de leur ventre émettait une lueur rose. (À lire : Découverte : le polatouche est l'un des rares mammifères fluorescents.)

Ces études ont conduit l’équipe au Field Museum de Chicago, où les chercheurs ont exposé des peaux conservées de polatouches aux ultraviolets. Par curiosité, ils ont fait la même chose avec un spécimen d’ornithorynque entreposé sur place et qui a émis une lueur.

Peu après la publication de l’étude de Paula Anich, un autre article de recherche annonçait que le corps d’un ornithorynque tout juste tué sur une route en Australie avait émis une lueur après avoir été exposé à une source de lumière noire, une lampe qui émet des ultraviolets.

Cela a validé la découverte de Paula Anich et démontré que les ornithorynques vivants, pas seulement les morts, étaient très certainement fluorescents, avance Gilad Bino, spécialiste des ornithorynques à l’université de Nouvelle-Galles du Sud de Sydney, en Australie.

« L’ornithorynque ne cessera jamais de m’étonner », déclare-t-il au sujet de la nouvelle étude, à laquelle il n’a pas pris part.

 

UN MOYEN DE COMMUNICATION OU DE CAMOUFLAGE ?

Les scientifiques ignorent toujours pourquoi les ornithorynques émettent une lueur.

D’après Paula Anich, il est peu probable que ce phénomène joue un rôle important dans la communication avec d’autres individus de l’espèce, car ces animaux sont nocturnes et ont les yeux fermés lorsqu’ils nagent.

La biofluorescence pourrait toutefois leur permettre d’éviter certains prédateurs qui voient les ultraviolets. Paula Anich pense que l’absorption des UV et l’émission d’une lueur bleu-vert pourraient constituer une forme de camouflage.

Gilad Bino juge aussi cette hypothèse comme plausible. De nombreux animaux, y compris la plupart des oiseaux, peuvent voir les UV et l’ornithorynque a notamment pour prédateurs endémiques des grands poissons, comme la morue de Murray, des oiseaux de proie et des dingos.

Il se peut également que cette caractéristique n’ait aucune fonction réelle et qu’il ne s’agisse que d’un trait de caractère ancestral conservé par l’ornithorynque avec ses autres caractéristiques primitives, comme le fait de pondre des œufs.

Paula Anich et Gilad Bino espèrent tous deux étudier un ornithorynque vivant afin de confirmer la découverte relative à la biofluorescence et d’en apprendre davantage sur la fonction de cette caractéristique.

« Au vu de ces découvertes, vous pouvez être sûr que je prendrais un projecteur à UV la prochaine fois que j’irai sur le terrain », confie Gilad Bino.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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