Ces salamandres se parachutent depuis les plus hauts arbres du monde

Au fil de l'évolution, ces petits amphibiens ont développé une stratégie étonnante pour fuir les prédateurs et survivre aux chutes accidentelles des plus hauts séquoias de notre planète.

De Jude Coleman
Publication 24 mai 2022, 14:28 CEST
Wandering_salamander_redwood

Une salamandre errante (Aneides vagrans) adulte s'accroche à l'écorce d'un séquoia de Californie. Ces amphibiens de 10 centimètres de long ont élu domicile dans la canopée, qui a été peu étudiée.

PHOTOGRAPHIE DE Christian Brown

Lorsqu’elles sont dérangées par un prédateur dans la canopée des plus hauts arbres du monde, certaines salamandres sont confrontées à une tâche qui semble redoutable : sauter dans le vide pour se mettre en sécurité plusieurs dizaines de mètres plus bas.

Le biologiste Christian Brown, de l’université de Floride du Sud, s’est longtemps demandé comment ces salamandres errantes de l’espèce Aneides vagrans pouvaient survivre à des sauts aussi importants dans les séquoias côtiers du nord de la Californie, d’autant plus qu’elles ne sont pas dotées de membranes ou de voiles dédiées comme d’autres amphibiens « volants ».

De nouvelles expériences réalisées à l’aide d’une soufflerie miniature ont révélé que ces créatures audacieuses de 10 centimètres de long utilisent les mêmes techniques que les parachutistes humains. Selon une nouvelle étude publiée dans la revue Current Biology, les animaux ralentissent leur descente comme le ferait un parachutiste, en soulevant leur poitrine et en étirant leurs membres dans une sorte de pose exagérée d’étoile de mer.

On sait qu’environ 200 espèces de salamandres dans le monde grimpent dans les arbres, mais un tel comportement aérien chez les salamandres n’avait jamais été décrit auparavant, indique Brown.

Une salamandre Aneides vagrans adopte une posture de parachutiste lors de l'expérience en soufflerie.

PHOTOGRAPHIE DE Christian Brown

« C’est une salamandre intrépide de 5 grammes qui grimpe sur les plus grands arbres de la Terre et qui n’a pas peur de faire un saut dans le vide », dit Brown. « Je trouve que c’est inspirant, et j’espère ne pas être le seul. »

 

INSPIRÉ PAR NATIONAL GEOGRAPHIC

Brown a découvert cette espèce de salamandres dans le numéro d’octobre 2009 du magazine National Geographic consacré aux séquoias. Il a immédiatement été inspiré par la canopée des séquoias et les animaux particuliers, et souvent peu étudiés, qui y vivent.

Pour leur étude, Brown et son équipe ont utilisé une soufflerie miniature pour simuler la chute libre des salamandres, un peu comme une salle de parachutisme pour amphibiens.

Ils ont ensuite prélevé cinq salamandres errantes sur le sol d’une forêt californienne et les ont lâchées une par une dans la soufflerie. Pour chaque expérience, l’équipe a enregistré les mouvements de l’animal avec des vidéos au ralenti. Ils ont ensuite répété l’expérience avec quinze individus de trois autres espèces de salamandres nord-américaines qui passent plus ou moins de temps dans les arbres.

Dans chacun des quarante-cinq essais, les Aneides vagrans se sont immédiatement placées en position d’étoile de mer, ce qui crée une résistance qui permet de ralentir la chute de l’animal. L’effet est similaire à celui d’une personne qui sort sa main par la fenêtre de la voiture et l’oriente contre le vent.

Dans plus de la moitié des essais, les salamandres Aneides vagrans ont également ondulé leur queue pour corriger leur trajectoire. Parfois, elles inclinent leurs virages, replient une patte et pivotent autour d’elle en plein vol. Ces efforts donnaient aux salamandres un contrôle précis de leur descente et ralentissaient leur vitesse d’environ 10 %.

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    L’équipe a constaté que les autres espèces de salamandres participant à leurs expériences parachutaient également, mais que ce comportement était plus rare chez les amphibiens qui passent moins de temps dans les arbres. La salamandre Ensatina eschscholtzii, qui réside au sol, n’a parachuté que dans trois essais sur quarante-cinq.

    « C’est une très bonne étude qui combine l’histoire naturelle et la conception expérimentale », déclare Gary Bucciarelli, écologiste à l’université de Californie, à Los Angeles, qui n’a pas participé à ces travaux. « Cela ouvre de nombreuses questions sur ce qui se passe réellement dans leur habitat naturel. »

     

    UN MODE DE TRANSPORT

    Le corps des salamandres errantes Aneides vagrans est aussi construit pour glisser : relativement plat, avec de longues jambes et des pattes qui, proportionnellement au corps, sont plus grandes que celles de la plupart des salamandres, explique Brown. Ce physique unique en fait également de bonnes grimpeuses.

    Ces adaptations suggèrent également que leurs prouesses en parachute sont utiles pour d’autres scénarios que les chutes accidentelles ou la fuite des prédateurs. Les salamandres peuvent probablement se laisser tomber sur de nouveaux tapis de fougères (les plateformes végétales qui s’accumulent sur les branches des arbres) pour chercher des partenaires, de l’eau ou de l’ombre, explique-t-il. Une étude récente soutient cette idée en révélant qu’Aneides vagrans a tendance à ne pas descendre le long des troncs d’arbres.

    « C’est un mode de transport », dit Brown. C’est comme « prendre l’ascenseur de la gravité ».

    Ces recherches sont particulièrement importantes, selon le biologiste, car les écologistes ignorent encore beaucoup de choses sur la canopée des séquoias côtiers anciens. Les arbres les plus hauts sont difficiles d’accès et nécessitent un équipement et un entraînement spécifiques.

    Ces habitats se sont par ailleurs considérablement réduits. Après des décennies d’exploitation commerciale, il ne reste plus que 5 % environ des séquoias anciens de Californie, et les feux de forêt continuent de menacer le reste. Le changement climatique est également susceptible de modifier le délicat environnement brumeux des canopées, ce qui pourrait mettre la vie de ses résidents en péril.

    « Nous avons absolument besoin de données de référence pour la canopée des séquoias afin de pouvoir comprendre comment elle évolue, et de pouvoir la protéger », affirme Brown.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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