Au Honduras, ces oiseaux sont désormais protégés par leurs anciens chasseurs

"C'est à mon tour de les aider." Lorsqu'ils ont réalisé la gravité de la menace d'extinction à laquelle était confrontée la population d'aras rouges qu'ils braconnaient, les membres du peuple natif des Miskitos se sont engagés à la protéger à tout prix.

De Jorge Rodríguez
Publication 9 févr. 2023, 17:47 CET
Un ara rouge se perche sur une branche d'arbre à La Mosquitia, au Honduras, dont il ...

Un ara rouge se perche sur une branche d'arbre à La Mosquitia, au Honduras, dont il est l'oiseau national. La région abrite la plus grande zone de nature sauvage d'Amérique centrale, et est le seul endroit du pays où ces oiseaux volent librement. L'ara rouge était menacé d'extinction, mais la population s'est reconstituée grâce aux efforts de conservation soutenus par le peuple natifs des Miskitos.

PHOTOGRAPHIE DE Alejandro Cegarra

LA MOSQUITIA, HONDURAS – Il est 4 h 30 du matin. Le soleil se lève derrière une forêt de pins, et des tons clairs et chauds commencent à décorer le ciel. En fond sonore, les cris d’un petit groupe d’apu pauni, nom donné par le peuple natif des Miskitos aux aras rouges (Ara macao), se font entendre. Ces petits oiseaux se toilettent mutuellement en attendant Anayda Pantin Lopez, qui a consacré les douze dernières années à les protéger.

« Je le fais avec beaucoup d’amour, car ils sont comme mes enfants », confie Pantin. « Je leur donne du riz avec des haricots, du yucca et du plantain. Quand nous le pouvons, nous achetons de la nourriture pour oiseaux. »

Les Miskitos vivent à La Mosquitia, région située dans le coin nord-est du Honduras qui abrite la plus grande zone sauvage d’Amérique centrale, et qui est le seul endroit du pays où les aras rouges peuvent voler librement. Pantin et son mari, Santiago Lacuth Montoya, vivent dans le petit village de Mabita, où la plupart des habitants protègent ces oiseaux exotiques et le reste de la faune qui les entoure.

Deux fois par jour, elle prépare à manger pour les quarante à soixante aras qui viennent se nourrir dans son village. Mais ce n'est pas tout. Elle travaille également dans un centre de sauvetage dans lequel les oiseaux récupérés des bras des braconniers, ou les petits retirés de leur nid, sont pris en charge jusqu’à leur retour dans la nature.

Il y a quelques années, son mari Lacuth subvenait aux besoins de la famille en plantant des haricots, des plantains et des yuccas, ainsi qu’en vendant des œufs et des petits de aras comme animaux de compagnie, sans se douter de l’impact négatif que cette activité avait sur la population d’oiseaux. Lorsqu’il a appris que le nombre d’aras était en chute libre, Lacuth a décidé de protéger leurs nids, et a confronté d’autres braconniers afin de tenter de les convaincre de suivre ses traces.

« Ils m’ont menacé, mais j’ai tenu bon, car je voulais convaincre tout le monde d’arrêter de braconner les poussins. Pendant de nombreuses années, je n’ai pu acheter de la nourriture pour ma famille que grâce à la vente d’aras. Maintenant, c’est à mon tour de les aider. »

Jusqu’à 1990, la chasse et la vente d’espèces sauvages étaient autorisées par la loi du pays ; des milliers d’aras ont disparu, mettant certaines espèces en danger d'extinction.

 

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    DU BRACONNAGE À LA CONSERVATION

    Les aras de cette région du Honduras ont une habitude unique : ils nichent dans des pins imposants. Dans leurs autres aires de répartition, du Mexique à certaines régions de l’Amazonie brésilienne, ils nichent généralement dans des forêts tropicales de feuillus qui perdent leurs feuilles de façon saisonnière.

    Héctor Portillo a commencé à se rendre à La Mosquitia pour étudier l’espèce il y a plus de vingt ans. En 2010, ses recherches ont permis de déterminer que la population d’aras rouges était tombée à 100 individus seulement, contre 500 en 2005.

    Son travail a attiré l’attention de plusieurs organisations internationales, telles que One Earth Conservation, établie à New York, qui a alloué des fonds pour un programme de surveillance et de renforcement de la population d’aras avec le soutien des résidents natifs. D’anciens braconniers ont reçu une prime quotidienne de 10 euros environ pour prendre soin des aras, et Panting est devenu le directeur de projet de la communauté.

    « [En tant qu’organisation], nous sommes présents sur tout le continent américain, mais en raison de l’engagement de Pantin, de Lacuth et de toute la communauté, le projet de Mabita compte parmi les projets les plus intéressants que nous connaissons », affirme LoraKim Joyner, fondatrice de One Earth Conservation.

    Lors des premières patrouilles, Lacuth et son frère ont récupéré sept bébés aras, et les ont ramenés chez lui pour permettre à sa femme de s’en occuper. Pantin a immédiatement endossé le rôle de cuisinière, d’infirmière et de mère de substitution pour les petits, pendant qu’ils apprenaient à voler par eux-mêmes. « Elle les fait vivre. Tout le monde n’en est pas capable », commente son mari.

    Bien qu’ayant leur propre famille à nourrir, dont six enfants et d’autres jeunes, le couple a choisi de partager une partie de ses récoltes avec les oiseaux. « Il est vital de prendre soin d’eux », affirme Pantin. « Parfois, la nourriture se fait rare, mais nous faisons toujours de notre mieux pour qu’ils aient quelque chose à manger. »

    Chaque année, de novembre à mai, les aras pondent entre deux et quatre œufs ; les petits naissent les yeux fermés et avec un faible plumage. Pendant les dix premières semaines, les deux parents s’occupent de leurs bébés, et les nourrissent quatre à six fois par jour. Les petits mettent entre quarante et quarante-cinq jours pour atteindre leur taille adulte, et dix à seize semaines pour voler et apprendre à se nourrir seuls.

    Les habitants de Mabita n’étaient pas conscients des conséquences néfastes de l’extraction des bébés aras de leur environnement naturel. « Dans la région, nous n’avons pas beaucoup d’argent. Avant 2010, le seul moyen d’en gagner était de vendre les aras », explique Lacouth, l’ancien braconnier devenu écologiste. « Lorsque j’ai vu qu’ils étaient en voie de disparition, j’ai décidé, avec la communauté, de les protéger. Les aras m’ont aidé à survivre, et maintenant c’est à mon tour de les aider. »

    D’autres habitants de Mabita se sont joints à la mission de Lacuth et Pantin. Ils ont appris à manipuler les petits, à les mesurer, à les peser et à documenter les informations en vue des recherches et analyses scientifiques ultérieures.

    « J’aimais beaucoup avoir des perroquets chez moi comme animaux de compagnie, mais le LoraKim nous a expliqué l’importance de ces oiseaux pour la nature et pourquoi ils devraient être libres », explique Celia Lacoth, la seule enseignante de la communauté.

    En 2014, des fonds supplémentaires ont été alloués par le U.S. Fish and Wildlife Service (USFWS), et la Charles Darwin Foundation est également intervenue afin de soutenir les efforts de conservation et d’engagement communautaire. Ces ressources ont permis de systématiser le processus de documentation et de marquer à l’aide de points GPS les arbres qui abritaient des nids d’aras. La zone de protection et de surveillance est passée d’environ 15 000 hectares en 2010, à près de 400 000 hectares aujourd’hui.

    « Grâce à cela, nous avons pu en savoir plus sur l’état de conservation de la biodiversité dans la quasi-totalité de la région de la Mosquitia », se réjouit Portillo.

     

    UNE PROMESSE

    Depuis le début du projet, la population d’aras rouges est passée de 500 à plus de 800 individus. Les progrès accomplis jusqu’à présent pourraient cependant ne pas pouvoir continuer, le financement du programme de participation communautaire ayant pris fin en juin 2022.

    D’autres programmes visant à aider à garder la trace des animaux sont toutefois en cours. Un centre a été construit afin de faire connaître les aras aux visiteurs de la région, et le gouvernement hondurien s’est engagé à créer un « bataillon vert » au sein de l’armée pour éloigner les braconniers, écarter les trafiquants de drogue et empêcher l’exploitation forestière illégale qui nuirait aux zones dans lesquelles les oiseaux font leurs nids.

    En attendant, les membres des Miskitos ont promis de continuer à protéger l’oiseau national de leur pays.

    « Nous avons vu que le nombre d’oiseaux avait augmenté. Mais cela ne change pas notre objectif, qui est de continuer à prendre soin d’eux afin que nos enfants et petits-enfants aient la possibilité de profiter de tout ce que la nature a à nous offrir », s’engage Pantin.

    Alejandro Cegarra est établi à Mexico. En 2022, il a photographié des aras au Venezuela, son pays d'origine. Suivez-le sur Instagram. | Établi au Guatemala, Jorge Rodríguez est un nouveau contributeur de National Geographic. Suivez-le sur Twitter.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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