Ce phoque s'est retrouvé cerné par des orques déterminées à le dévorer

En Antarctique, une population d'orques utilise une technique étonnante transmise de génération en génération pour chasser des proies installées sur la banquise, à l'abri de la plupart des prédateurs marins.

De Natasha Daly
Photographies de Bertie Gregory
Publication 14 sept. 2023, 15:42 CEST
Alors qu'elles foncent sur le phoque qu'elles ont pris en chasse, les orques pivotent sur le ...

Alors qu'elles foncent sur le phoque qu'elles ont pris en chasse, les orques pivotent sur le côté à l'unisson. L'élan crée une grande vague qui peut être assez puissante pour faire tomber le phoque du morceau de banquise sur lequel il se réfugiait.

PHOTOGRAPHIE DE Bertie Gregory

Lorsqu’il remarque enfin la présence des orques, le phoque de Weddell est déjà encerclé. Quelques instants auparavant, avant que les têtes de trois orques ne sortent de l’eau, l’animal se reposait tranquillement sur un morceau de banquise au fond d’un canal de l’Antarctique. Mais le repos est fini, les orques ont désormais trouvé leur proie.

Sur cette plateforme de glace, le mammifère de près de 450 kg serait inaccessible à la grande majorité des autres prédateurs marins. Ce groupe d’orques, composé d’une matriarche accompagnée de sa fille et de sa petite-fille, compte toutefois parmi la centaine d’individus qui sont parvenus à maîtriser une technique de chasse unique qui consiste à se rassembler et à former une vague suffisamment puissante pour faire basculer les proies logées sur la banquise.

Une orque mord un phoque crabier. Contrairement aux phoques de Weddell, grands et dociles, les phoques crabiers sont agressifs et peuvent être difficiles à faire basculer en utilisant la technique des vagues. La fonte des glaces ayant pour effet de maintenir davantage de phoques sur la terre ferme, ces orques doivent chasser tout ce qu'elles ont à leur disposition.

PHOTOGRAPHIE DE Bertie Gregory

Une fois leur cible identifiée, les orques forment une ligne de combat et foncent vers la banquise. Juste avant de l’atteindre, en un seul mouvement synchronisé, les membres du groupe pivotent pour se mettre sur le côté, puis plongent sous l’eau. Cet élan crée une vague si puissante qu’elle inonde la couche de glace, fissure sa surface et frappe le phoque, qui s’agite dans tous les sens. Lentement et méthodiquement, les orques répètent le mouvement. La glace se fissure davantage. À la troisième charge, la vague déstabilise le phoque, qui tombe dans l’eau. Le malheureux s’efforce de grimper sur un morceau de glace puis, attrapé par une orque, disparaît dans les profondeurs.

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    Des orques observent un groupe de phoques crabiers allongés sur un morceau de banquise. Cette technique d'espionnage en surface permet aux orques d'observer leur environnement en maintenant sa tête hors de l'eau, parfois pendant plusieurs minutes, et en utilisant ses nageoires pectorales pour se maintenir à flot.

    PHOTOGRAPHIE DE Leigh Hickmott

    Un phoque de Weddell s'allonge tandis qu'une orque sort de l'eau afin de l'espionner dans son dos. Plus tard, un groupe d'orques est parvenu à le faire tomber dans l'eau.

    PHOTOGRAPHIE DE Tom Walker

    « C’est un moment tout à fait sinistre à observer », confie Bertie Gregory, réalisateur primé de films animaliers qui a passé une décennie à suivre ces super-prédatrices, connues sous le nom d’orques de type B1, une population qui vit près de la banquise. Le niveau d’intelligence dont elles font preuve pour créer chaque vague « est stupéfiant », ajoute-t-il. « Ce n’est pas subtil. Elles résolvent des problèmes grâce à un travail d’équipe très complexe. Elles utilisent l’eau comme un outil. » Parfois, il suffit d’une vague, soit environ cinq minutes, pour qu’un phoque soit projeté à la mer. D’autres fois, un groupe peut faire jusqu’à trente vagues, ce qui peut prendre deux à trois heures, avant d’attraper sa proie. Avec cette méthode, il est rare d’observer des chasses ratées. « Ce comportement n’est pas inné ; elles ont appris à le maîtriser pendant des décennies », explique Gregory. « À chaque fois qu’elles font des vagues, on a presque l’impression qu’il s’agit davantage d’une expérience destinée à l’apprentissage qu’à la chasse. »

    Plusieurs groupes familiaux d'orques, qui utilisent les vagues pour déstabiliser leurs proies, se réunissent pour socialiser. Ce rassemblement d'une vingtaine d'individus est constitué d'environ 20 % de la population connue d'orques de type B1 dans l'ouest de la péninsule antarctique.

    PHOTOGRAPHIE DE Bertie Gregory

    Un phoque crabier et un manchot Adélie se reposent sur un morceau de banquise, espionnés par une orque mâle. L'orque a tenté de chasser le phoque, mais après plusieurs vagues suivies par une poursuite dans l'eau, le phoque est parvenu à s'échapper.

    PHOTOGRAPHIE DE Leigh Hickmott

    Avec le réchauffement de l’Antarctique et la disparition de la glace de mer, les phoques de Weddell passent cependant de plus en plus de temps sur la terre ferme, hors de portée des prédatrices. Afin de déterminer comment les orques de type B1 s’adaptent à un habitat qui se réchauffe, les scientifiques ont identifié tous les individus du groupe, soit environ une centaine. Ils ont ainsi constaté que les orques de type B1 perdent environ 5 % de leur population chaque année. Nous ne savons pas si ce sous-groupe « s’éteindra ou s’il adaptera simplement son comportement », admet Gregory. Quoi qu’il en soit, les orques ayant de moins en moins l’occasion d’appliquer cette technique de chasse unique, « nous sommes en train d’assister à l’extinction d’une culture ».

    Une orque cherche des phoques à chasser, entourée par des morceaux de glace de mer et de glaciers flottant à la surface d'un canal de l'Antarctique. La couverture de glace devait être beaucoup plus importante dans cette zone il y a quelques années encore. En février dernier, la glace de mer de l'Antarctique a atteint des niveaux très faibles, qui n'avaient encore jamais été atteints.

    PHOTOGRAPHIE DE Bertie Gregory

    Lorsqu'il était enfant, en Angleterre, Bertie Gregory se souvient avoir été la cible de moqueries car il était « totalement obsédé par le monde naturel ». Cet enthousiasme, associé à ses talents de photographe et de réalisateur, lui a valu un BAFTA pour la photographie et le prix du meilleur présentateur au festival du film Jackson Wild en 2019. Dans sa série Au plus près des animaux avec Bertie Gregory, disponible en streaming sur Disney+, Gregory emmène les téléspectateurs devant et derrière la caméra, ainsi que sur terre et sous l'eau, à la recherche de comportements rarement observés chez les animaux sauvages. Explorateur National Geographic depuis 2015, il a passé plusieurs années à suivre les orques de type B1 en Antarctique.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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