Cette chouette peut chasser des proies cachées sous 50 centimètres de neige

La chouette lapone utiliserait les fréquences sonores et son visage particulièrement imposant pour repérer les petits animaux cachés sous d'épaisses couches de neige : une capacité "remarquable", selon les spécialistes.

De Carolyn Wilke
Publication 26 mai 2023, 12:19 CEST
Une chouette lapone femelle descend en piqué sur la neige, en Finlande.

Une chouette lapone femelle descend en piqué sur la neige, en Finlande.

PHOTOGRAPHIE DE Wild Wonders of Europe, Zacek, Nature Picture Library

Les chouettes lapones peuvent trouver et capturer des campagnols cachés sous près de 50 centimètres de neige. Grâce au travail d’une équipe de chercheurs, nous savons enfin comment ces rapaces peuvent accomplir un tel exploit.

Selon la nouvelle étude, publiée le 22 novembre dans Proceedings of the Royal Society B, lorsqu’elles planent au-dessus de la neige, les chouettes s’aident de leur large visage pour localiser les sons étouffés émis par leurs proies.

« La neige est connue pour absorber les sons », explique le responsable de l’étude, Christopher Clark, ornithologue à l’Université de Californie à Riverside, qui a mené cette année une série d’expériences destinées à mesurer des sons dans la province du Manitoba, au Canada.

Avant cette étude, les chercheurs croyaient que les rapaces se concentraient sur les ultrasons émis par les vibrations des rongeurs. Mais il semblerait que les chouettes soient également capables de capter des sons plus graves, tels que ceux créés par les campagnols lorsqu’ils creusent des tunnels sous la neige.

Bien que l’on pense souvent que les oreilles des chouettes se trouvent sur le sommet de leur tête, elles sont en réalité plus proches du centre de leur visage. Celui-ci est bordé d’un anneau de plumes qui réfléchissent les sons et les canalisent vers les oreilles de l’animal.

Plus le disque facial d’une chouette est grand, plus elle est capable d’entendre des fréquences basses. Selon Clark, la chouette lapone, que l’on trouve dans tout l’hémisphère nord, possède le disque facial le plus imposant de toutes les espèces de chouettes.

« Selon nous, la raison pour laquelle leur disque facial est aussi gros, c’est pour les rendre plus sensibles aux sons de basse fréquence. »

 

DANS LA NEIGE

En février 2022, Clark et ses collègues se sont rendus dans les forêts du Manitoba et ont repéré sept trous récents ; ces trous sont creusés par les chouettes lorsqu’elles plongent dans la neige pour chasser leurs proies.

L’équipe a creusé un trou supplémentaire à côté de chaque trou déjà présent, et y a placé des haut-parleurs. En raison des températures glaciales, qui ont atteint les - 30 °C, les chercheurs ont dû faire face à des soucis techniques. « C’était un travail exaltant, la mission ne cessait de mal tourner à cause de la météo », raconte Clark.

L’équipe a ensuite utilisé une caméra acoustique, dotée d’un réseau de microphones, pour enregistrer les différents bruits de l’environnement. Elle a ensuite diffusé un bruit blanc (un son à haute fréquence), et des enregistrements d’un campagnol (un son à basse fréquence) dans les haut-parleurs.

En manipulant les couches de neige sur les haut-parleurs, l’équipe a pu évaluer l’incidence qu’avait l’épaisseur de la neige sur les fréquences sonores. Les données ont par exemple révélé que, si une grande partie du bruit blanc pouvait traverser les couches de 20 centimètres de neige, seuls les sons de basse fréquence parvenaient à traverser les couches de 50 centimètres d’épaisseur ; et ce sont précisément ces sons que les chouettes sont capables de détecter.

 

LE MIRAGE ACOUSTIQUE

Clark et ses collègues ont ensuite étudié le mirage acoustique, un effet sonore auquel les chouettes sont confrontées lors de la chasse.

Lorsque les ondes sonores qui proviennent du sous-sol touchent la surface de la neige, leur trajectoire se courbe. En raison de ce phénomène de déformation sonore, que l’on qualifie de réfraction, l’origine du son semble provenir d’un endroit différent de celui d’où il est réellement émis : de ce fait, à moins que la chouette ne se trouve directement au-dessus de sa proie, elle ne parvient pas à la localiser au milieu de l’étendue de neige.

« C’est le même problème que nous rencontrons lorsque nous essayons de capter des objets sous l’eau », explique Megan Gall, écologiste sensorielle au Vassar College de Poughkeepsie, dans l’État de New York, qui n’était pas impliquée dans l’étude.

La chouette lapone, une vision hors du commun

Selon les données de la caméra acoustique, l’endroit d’où semble provenir un son peut dépendre de trois facteurs : la hauteur à laquelle se trouve l’observateur par rapport à la neige, sa distance horizontale par rapport au son, et la profondeur du son.

Lors de la chasse, les chouettes lapones ont tendance à voler ou à planer en direction leur proie. Une fois qu’elles sont à proximité d’un campagnol, elles planent au-dessus de lui pendant un laps de temps qui peut atteindre les 10 secondes, explique Clark. Ce vol stationnaire permet probablement aux rapaces de se concentrer sur un endroit précis, et ainsi de réduire le mirage acoustique.

« C’est sans doute le moment critique durant lequel elles peuvent écouter et repérer l’endroit précis où se trouve le campagnol », dit Clark.

 

SILENCE ET CONCENTRATION

« C’est une excellente première étape pour comprendre ce qui arrive au son », se réjouit Gall.

Selon la scientifique, il reste cependant encore beaucoup à apprendre, notamment au sujet des chouettes. De futures expériences pourraient permettre de déterminer de quelle manière ces prédatrices réagissent aux sons émis sous la neige. Les scientifiques pourraient même entraîner les oiseaux à attaquer, et observer si la précision de leur chasse évolue lorsque les scientifiques manipulent les sons.

Hermann Wagner, neuroéthologue à la retraite qui n’a pas non plus participé aux nouveaux travaux, relève que la capacité des chouettes à localiser leurs proies à de telles profondeurs est « remarquable ».

Les nouvelles recherches renforcent la théorie selon laquelle les chouettes lapones utilisent le calme à leur avantage, explique-t-il. Par exemple, grâce à des structures disposées sur leurs ailes, les battements ne sont pas bruyants et n’étouffent donc pas les sons émis par leurs proies.

« La chouette devient plus ou moins silencieuse, ce qui lui permet d’entendre beaucoup mieux. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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