Attaques animales : les cobras royaux s’affrontent avec style

Une nouvelle étude offre une vue détaillée des combats entre cobras royaux. Des vidéos montrent que le venin n’est pas impliqué dans leurs joutes, plutôt rituelles, avec à la clé le droit de se reproduire.

De Joshua Rapp Learn
Publication 9 mai 2025, 14:11 CEST
Les cobras royaux, comme Ophiophagus hannah au Vietnam, se battent pour des partenaires de reproduction. Mais ...

Les cobras royaux, comme Ophiophagus hannah au Vietnam, se battent pour des partenaires de reproduction. Mais la première analyse scientifique de leur comportement suggère que ces combats n’impliquent curieusement que peu de cannibalisme ou de venin.

PHOTOGRAPHIE DE Artur Tomaszeck

Le ballet des deux cobras mâles qui s’enroulent l’un autour de l’autre est si hypnotisant que l’on aurait presque l’impression d’observer un rituel de reproduction. Et c’est, en un sens, ce qu’il se passe.

Les mâles, dépassant aisément les trois mètres de long, s’entortillent entre eux durant une demi-heure dans une lutte rituelle pour pousser la tête de leur adversaire dans la terre en un bruit sourd et déshonorant. Le prix de cette joute ? Un accès aux femelles. Ce n’est pas tant leur combat qui est étonnant mais que ces reptiles, connus pour dévorer d’autres serpents et s’adonnant à l’occasionnel cannibalisme, chargés de venin toxique ne choisissent pas le chemin le plus violent vers la victoire. À la place, ils s’engagent dans une compétition aux codes très rituels dont les règles sont tacitement connues des combattants.

« Les cobras royaux sont venimeux. Ils pourraient facilement se mordre et s’entretuer s’ils le voulaient », explique Max Jones, un chercheur spécialisé en conservation de la vie sauvage à l’Institut polytechnique de l’État de Virginie, Virginia Tech.

Des extraits vidéo de cette lutte entre cobras mâles ou entre d’autres serpents apparaissent parfois sur YouTube ou sur d’autres plateformes. Mais les chercheurs n’avaient jusque là que mentionné ce comportement, jusqu’à ce que Max Jones et ses collègues décrivent les détails de trois de ces luttes entre des cobras royaux du Nord de la Thaïlande, dans la revue scientifique Ecology and Evolution.

 

CHERCHER LES COBRAS DANS LA NATURE

Les cobras royaux ont été quelque peu redécouverts. Ce que l’on ne pensait n’être qu’une seule espèce a récemment été divisée en quatre espèces distinctes. Par conséquent, les chercheurs tentent de déterminer les différences dans l’écologie et le comportement des différentes espèces.

Étudiant à l’université de technologie de Suranaree de Thaïlande, Max Jones a commencé à étudier ce qui a depuis été classifié en tant que cobra royal du Nord (Ophiophagus hannah) alors qu’il prenait part à un projet dans la Réserve de biosphère de Sakaerat, dans le Nord de la Thaïlande en 2016. Cette étude suivait les serpents grâce à des méthodes de pistage de radio-télémétrie, des implants chirurgicalement implantés dans les reptiles, afin de mieux comprendre leur histoire naturelle.

Pour éviter les combats à mort, les cobras royaux se disputent les faveurs des femelles... en dansant
En cas de dispute pour une femelle, les prétendants cobras dansent dans une bataille jusqu'au sommet.

En 2019, Max Jones a été le témoin d’un combat rituel alors qu’il menait des recherches sur le terrain dans la réserve. « C’était un événement spectaculaire », se rappelle-t-il.

Plus tard, au cours de la même année, le scientifique a fait l’acquisition d’une vidéo d’un autre combat filmé sur un campement du Parc national de Kaeng Krachan, au sud-ouest de Bangkok. Et, dans un troisième cas, l’équipe a découvert des preuves d’un combat en suivant les trajectoires des données du système de traque des cobras. Un mâle avait remplacé un autre sur son territoire dans la réserve de Sakaerat, et une conversation qui s’en est suivie avec un fermier a fait pointer les pistes vers un combat entre les deux serpents.

« [Le comportement de combat] est difficilement observable dans la nature », explique Alexandre Missassi, zoologue au musée Parense Emílio Goeldi de Belém, dans le Nord-Est du Brésil. Il a étudié les combats rituels entre les mâles chez les serpents mais n’a pas pris part à la récente étude de Max Jones. Le scientifique a salué les nouvelles observations, et considère qu’elles sont de grandes additions à la connaissance d’ores et déjà existante de l’histoire naturelle des cobras.

 

LES RÈGLES DES COMBATS RITUELS DES COBRAS

Bien que Max Jones et ses collègues n’aient documenté qu’un petit nombre de combats, leur travail trahit certaines des règles rituelles des luttes entre cobras. Les trois combats se sont déroulés durant la saison de reproduction, ce qui est cohérent avec les théories qui voudraient que les combats soient liés au phénomène. Si aucune femelle n’a été aperçue, les chercheurs suspectent qu’elles n’étaient jamais loin.

Les joutes ressemblent à des combats de lutteurs : chaque mâle tente d’appuyer son menton sur la tête de l’autre pour l’enfoncer dans le sol. Cela se produit encore et encore, un va-et-vient sans vainqueur jusqu’à ce que l’un des serpents, souvent le plus petit, s’éloigne en rampant. Au cours des trois combats, aucune morsure entre les adversaires n’a été observée.

Lors des deux luttes qui ont été directement observées, les cobras n’ont même pas déployé leur coiffe. Selon Max Jones, ce comportement n’est sûrement pas considéré par les serpents comme nécessaire ; leur collerette sert surtout à effrayer les autres créatures qui ne sont pas au courant du venin dangereux dont ils sont porteurs. Mais un cobra connaît les cobras. « Dans ces situations, ils ne gagnent rien [à déployer leur coiffe], cela n’aurait aucun sens, ils ne feraient peur à personne », ajoute-t-il.

 

LA TAILLE COMPTE POUR LES COMBATTANTS

Dans la plupart de ces cas, les serpents étaient gros, le plus petit mesurait 3,5 mètres de long, et le plus grand dépassait les quatre mètres. Les cobras enroulaient leur long corps autour de l’autre, un peu comme des scoubidous, et ils gardaient leur tête en l’air. « C’est un entortillement de serpents », décrit Max Jones.

Le respect pour la taille de leur adversaire serait ce qui les retient de se mordre. Les cobras, à l’instar d’autres représentants de la famille des élapidés tel que le serpent corail, sont connus pour dévorer d’autres serpents. Ils choisissent leurs proies parmi les espèces plus petites. Les cobras ne sont pas non plus réfractaires au cannibalisme. Les mâles vont jusqu’à dévorer des femelles plus petites en dehors des périodes de reproduction.

les plus populaires

    voir plus

    Il en résulte des combats aux enjeux importants quand les combattants ne boxent pas dans la même catégorie de poids et qu’il ne s’agit pas de lutte pour une femelle. C’est l’explication de Vinícius Mendes, un ophiologue de l’institut TaxaMundi au Brésil, qui a étudié les combats de serpents corail, mais qui n’a pas pris part à la récente étude. S’il y avait une grosse différence de taille, on observerait plus de morsures, dit-il.

    Ces combats rituels ne se sont cependant pas soldés par des bains de sang car les serpents étaient de taille et de poids relativement similaires. Un cobra mâle plus grand serait une pilule trop dure à avaler, littéralement.

     

    PROTÉGER LES HABITATS DES COBRAS

    L’un des trois combats observés par Max Jones et son équipe a duré au moins une demi-heure. Le vainqueur a probablement gagné le droit d’essayer de s’accoupler avec une femelle des environs, cachée aux yeux des chercheurs. Mais elle ne devait pas s’attendre à grand-chose immédiatement du serpent, sans doute épuisé de sa lutte marathonienne.

    « Pour deux serpents aussi énormes, ce doit être un événement extrêmement intense et, j’imagine, épuisant », pense Max Jones.

    Selon lui, cette lutte souligne l’importance de la conservation des habitats de reproduction des cobras qui peuvent être plus vulnérables aux humains lorsqu’ils se remettent de leur démonstration de force pour gagner les faveurs d’une femelle. Les humains craignent souvent les cobras royaux, bien que les attaques soient rares et ne survenant la plupart du temps pas sans une menace préalable. Mais les combats dans les zones ouvertes les rendent vulnérables aux machettes des humains, qui profitent de leur épuisement pour leur trancher la tête, déplore Max Jones.

    En apprendre plus sur les différents habitats que les cobras privilégient pour leurs luttes et, en général, pour se reproduire, devrait aider à les protéger, remarque Vinícius Mendes. Si les habitats protégés sont plus vastes, les reptiles qui perdent leur bataille sont plus susceptibles de partir en exploration et, si la chance leur sourit, de trouver une femelle avec laquelle se reproduire s’ils ont encore l’énergie pour.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

    les plus populaires

      voir plus
      loading

      Découvrez National Geographic

      • Animaux
      • Environnement
      • Histoire
      • Sciences
      • Voyage® & Adventure
      • Photographie
      • Espace

      À propos de National Geographic

      S'Abonner

      • Magazines
      • Livres
      • Disney+

      Nous suivre

      Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2025 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.