Pourquoi les paresseux risquent-ils leur vie pour aider les papillons de nuit ?

Quand le paresseux fait ses besoins, il s'expose aux redoutables prédateurs de la jungle, mais il peut compter sur l'aide de précieux alliés.

De Hicks Wogan
Publication 7 juin 2025, 10:32 CEST
Quand le paresseux fait ses besoins, il s'expose aux redoutables prédateurs de la jungle, mais il ...

Quand le paresseux fait ses besoins, il s'expose aux redoutables prédateurs de la jungle, mais il peut compter sur l'aide de précieux alliés.

PHOTOGRAPHIE DE Doug Parker, National Geographic

Pendant des siècles, chaque fois que l'Homme a posé les yeux sur un paresseux pour la première fois, il n'a pu s'empêcher de le tourner en ridicule. En 1526, le conquistador espagnol Gonzalo Fernández de Oviedo y Valdés écrivait des paresseux qu'il avait aperçus sous les tropiques des Amériques qu'ils étaient « laids », « inutiles » et « l'animal le plus stupide au monde ». En 1749, le naturaliste français Georges-Louis Leclerc, Comte de Buffon, les qualifia de « forme la plus basse de l'existence » en affirmant « qu'un seul défaut de plus aurait suffi à rendre leur vie impossible ».

Que de mots cruels pour une créature qui habite cette planète depuis au moins 50 millions d'années. 

Oui, les paresseux n'entendent pas très bien, ils ne voient pas très loin non plus et ils sont lents. L'espèce détient même le titre de mammifère le plus lent de la planète, mais cette léthargie est une stratégie qui vise à économiser de l'énergie. Malgré cette incapacité à distancer ses prédateurs, le paresseux a trouvé la formule qui lui convient.

S'ils peuvent nous sembler solitaires, ils ne sont pourtant pas les seuls artisans de leur succès. Le paresseux opère au sein d'une entente tripartite avec les papillons de nuit et les algues, qui vivent tous deux dans l'épaisse fourrure de l'animal, où ont également élu domicile des champignons, des tiques et d'autres insectes. « Le paresseux est un mammifère fascinant, fantastique et bizarre qui a su rallier à sa cause une multitude d'organismes dans le seul but de survivre », déclare Jonathan Pauli, un écologue de l'université d'État du Wisconsin­ à Madison qui a étudié cette relation symbiotique. 

Les surprenantes stratégies de survie du paresseux

Après s'être prélassé pendant des jours dans la canopée de la forêt, en grignotant ici et là quelques feuilles empoisonnées, lentement, pour laisser le temps à son foie et aux quatre compartiments de son estomac de digérer les toxines, le paresseux tridactyle sent venir l'heure de sa défécation hebdomadaire. Au lieu de se laisser aller à ses besoins depuis les hauteurs, l'animal entame une interminable descente. 

L'expédition est extrêmement risquée, comme en témoignent les images capturées pour la série Underdogs de National Geographic. En plus de consumer un dixième de ses calories journalières, l'aventure expose le paresseux aux nombreux prédateurs qui rôdent sur le sol de la jungle où il se retrouve bien souvent incapable de se défendre… mais pas toujours. Plus de la moitié des décès de paresseux documentés par les chercheurs de l'équipe de Pauli au Costa Rica se sont produits lors de ces excursions. S'il n'est pas attendu au pied de l'arbre par un jaguar, le paresseux creuse alors une petite cuvette dans le sol et fait, enfin, ses besoins.

C'est là qu'interviennent les papillons de nuit. Les femelles, dont certaines espèces vivent exclusivement sur les paresseux, pondent immédiatement leurs œufs dans les excréments. Ces œufs deviennent des larves coprophages, qui se nourrissent de matière fécale, puis ces larves se transforment en papillons adultes qui volent à la recherche de leur propre petit coin de paradis poilu. Certaines études ont recensé jusqu'à 120 papillons de nuit sur un seul paresseux.

De leur côté, les papillons de nuit sèment des nutriments sur la fourrure du paresseux, notamment de l'azote, soit par la matière fécale, soit par leur mort et leur décomposition. Combiné à l'eau de pluie, l'azote favorise la croissance d'algues, des algues qui donnent au paresseux une couleur verte, un allié redoutable pour se camoufler face aux oiseaux de proie qui patrouillent dans les environs. Plus il y a de papillons de nuit sur le paresseux, plus il y a d'azote et donc d'algues, dont se nourrit également l'animal. Bien que les chercheurs n'aient pas observé le comportement, l'équipe de Pauli a identifié des algues en analysant le contenu de l'estomac des paresseux.

Pour les chercheurs, une chose est sûre : le paresseux, les papillons et les algues bénéficient mutuellement de cet arrangement. À présent, des scientifiques au Costa Rica se demandent si le microbiome présent sur les paresseux pourrait également être bénéfique pour la santé humaine. De nombreux experts sont convaincus que les paresseux sont résistants aux maladies ou aux infections ; en analysant des échantillons de fourrure, l'équipe costaricaine a isolé des bactéries inconnues qui pourraient conduire au développement de nouveaux antibiotiques. À l'heure où l'inquiétude enfle face aux superbactéries qui se jouent de nos actuels médicaments, pourquoi ne pas trouver de nouveaux remèdes sur le ventre des paresseux ?

Un animal présenté par le passé comme une créature inutile et une erreur de l'évolution deviendrait alors un héros, suffisamment sophistiqué pour sauver des vies humaines. Et nous, nous aurions été bien lents à reconnaître le véritable potentiel du paresseux.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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