Les baleines à bosses aident leurs congénères pris dans des filets de pêche

Les baleines sont-elles altruistes ? Une nouvelle étude scientifique, vidéos à l'appui, le laisse penser.

De Melissa Hobson
Publication 9 juin 2025, 10:32 CEST
Une baleine à bosse reste aux côtés d’une autre, emmêlée dans un filet de pêche. L’animal ...

Une baleine à bosse reste aux côtés d’une autre, emmêlée dans un filet de pêche. L’animal a passé plus de cinq heures avec elle, nageant en-dessous d’elle pour l’aider à respirer à la surface.

PHOTOGRAPHIE DE Dan Cesre, Taken during research activities conducted under NOAA NMFS permit # 22750.

Il y a deux ans de cela, en approchant deux baleines, Rachel Cartwright et son équipe de recherche ont remarqué un comportement intéressant. Alors que la plus jeune baleine était coincée dans une ligne de pêche, l’adulte a commencé à frapper l’eau de sa nageoire caudale de façon répétée.

En fin de compte, la plus jeune a compris ce que l’adulte faisait et a commencé à l’imiter. C’était comme si l’adulte montrait à la juvénile la marche à suivre. Et, petit à petit, la ligne de pêche dans laquelle elle était enchevêtrée a commencé à se défaire. « Les assistants de recherche l’ont surnommée Taylor, en hommage à l’interprète de “Shake if Off” », plaisante Rachel Cartwirght, éthologue de l’université publique de Californie, Chanel Islands à Camarillo.

Dans une nouvelle étude, elle et une équipe spécialisée dans l’échouage de cétacés, ont documenté les « baleines compagnons » et comment elles venaient en aide aux baleines à bosse prises dans des filets de pêche.

À une autre occasion, Rachel Cartwright étudiait la reproduction des baleines à bosse lorsque son équipe est tombée sur une baleine de deux ans prise au piège. Un adulte nageait lentement à côté, posant doucement sa nageoire pectorale sur la sienne, ou s’allongeant avec elle, rostre contre rostre, à la surface. À un moment, il semblait la protéger des requins tigre. « Il nageait en-dessous et les repoussait avec sa caudale », décrit-elle.

La deuxième baleine nageait sous l’eau, poussant la jeune femelle à la surface. « Il était clair qu’il ne tentait pas de s’accoupler avec elle », explique Rachel Cartwright. Les mâles se positionnent au-dessus lors de l’accouplement.

« J’ai trouvé cette situation vraiment intéressante car elle n’a rien à voir avec les baleines », ajoute la scientifique.

À la suggestion de l’expert en enchevêtrement de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA, en anglais : National Oceanic and Atmospheric Administration) et co-auteur de l’étude, Ed Lyman, l’équipe a fait appel aux réseaux d’échouage d’Alaska et d’Hawaï pour en apprendre plus sur la fréquence de ce comportement. En consultant les données, « nous avons réalisé que ce comportement est beaucoup plus commun que ce que nous pensions », explique Rachel Cartwright.

Sur les 414 cas d’enchevêtrements enregistrés entre 2001 et 2023, 54 à Hawaï et 260 en Alaska, les baleines « compagnons » ont apporté leur aide à 62 reprises.

Olaf Meynecke, étudiant-chercheur au sein de l’université Griffith, en Australie, qui n’a pas pris part à l’étude, a également observé ce comportement dans l’océan Pacifique Sud. Son équipe tentait de débarrasser une jeune baleine d’une bouée emmêlée autour de ses nageoires. Deux autres baleines étaient toutes proches.

L’une se tenait à côté de la baleine, prête à intervenir en cas de problème, et l’autre se trouvait en-dessous. Olaf Meynecke avait l’impression que cette dernière disait « Si tu n’arrives plus à flotter et que tu commences à couler, j’essaierai de te maintenir à la surface. »

Le lien fusionnel entre les baleines et leurs baleineaux

Olaf Meynecke a observé des baleines adultes tenter de venir en aide à des baleineaux enchevêtrés, même dans des cas où la mère était présente « Il peut y avoir quatre, cinq, six autres baleines adultes qui sont là clairement en soutien de l’animal en détresse », explique-t-il. Mais, au cours de l’étude, plus de la moitié des soixante-deux incidents ont eu lieu sur des adultes. Il ne s’agit donc pas simplement de veiller sur les juvéniles.

Ce comportement a notamment été filmé entre deux baleines à bosse adultes par une équipe de National Geograhic, lors du tournage d'Incroyables migrations.

 

POURQUOI LES BALEINES PROTÈGENT-ELLES D’AUTRES BALEINES ?

En étudiant les cas documentés, les chercheurs se sont rendu compte que ce comportement avait déjà été observé, surtout lors de la chasse aux baleines, maintenant interdite dans la majorité des pays depuis 1986. Lorsqu’une baleine était capturée, « d’autres baleines arrivaient et restaient à leurs côtés lors de la capture », dit Rachel Cartwright.

Cela mettait en danger ces baleines courageuses, alors ce comportement est probablement devenu de moins en moins courant. « Si vous êtes ce genre de baleines qui aident d’autres baleines, vous allez vous faire capturer, imagine l’éthologue, alors ce trait s’est fait de plus en plus rare. »

« Ce comportement pourrait être une forme d’empathie affective », suppose Anna Moscrop, directrice de politiques scientifiques de la Société britannique de conservation des cétacés. « Un individu reconnaît un état émotionnel tel que la détresse, sans vivre ce stimulus lui-même. »

Rachel Cartwright pense que cela pourrait également être un exemple de plasticité comportementale. Les baleines s’adaptent à un monde qui change, où les enchevêtrements font à présent partie de la vie courante.

Olaf Meynecke se demande si la raison pour laquelle on assiste plus souvent à ces comportements ne serait pas seulement parce que « plus de baleines sont en détresse dans les océans » mais aussi grâce aux technologies comme les drones, qui rendent la découverte et la documentation de ces comportements plus faciles.

 

PROTÉGER LES BALEINES DES FILETS DE PÊCHE

Les enchevêtrements, que ce soit dans des lignes d’amarrage, dans des filets, des cages à crabes et d’autres équipements de pêche abandonnés, représentent des menaces de plus en plus importantes. « Plus de 80 % des baleines sont victimes d’enchevêtrements au moins une fois dans leur vie et jusqu’à 25 % d’entre elles pourraient en être victimes mais parviendraient à s’en libérer seules. »

Observer des baleines désespérées se venant en aide les unes aux autres est « absolument déchirant », déplore Olaf Meynecke. « Ces pauvres animaux savent très bien ce qu’il se passe et ils ne peuvent rien y faire. Cela dépasse les individus. Il s’agit de situations très stressantes pour un grand nombre de baleines qui se trouvent dans les environs et qui communiquent pour s'entraider. »

De plus, les enchevêtrements, qui sont responsables de mort la mort de nombreuses baleines, sont évitables.

« La meilleure manière de protéger les mammifères marins de se retrouver pris au piège dans les équipements de pêche, c’est de réduire les risques de contact entre les animaux et ces équipements », insiste Anna Moscrop. L’un de moyens pour ce faire serait d’utiliser du matériel qui minimise les lignes qui restent dans l’eau, ce qui « réduirait drastiquement les risques d’enchevêtrements et sauverait les baleines ».

Nous avons un rôle à jouer là-dedans. « En tant que consommateurs, nous faisons des choix », explique Rachel Cartwright. « Il y a beaucoup d’options, il faut choisir des poissons pêchés de manière durable. »

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    Découvrez plus en détail l’interaction entre une baleine et son « compagnon » dans Incroyables migrations, en streaming sur Disney+.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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