Guerre en Ukraine : que deviennent les animaux domestiques abandonnés ?

Apeurés, assoiffés, affamés, les animaux aussi sont victimes des conflits armés. Des militants s’unissent pour leur venir en aide et tenter d’accompagner au mieux leurs maîtres désemparés.

De Margot Hinry
Publication 21 avr. 2022, 16:04 CEST
20 chats provenant d'un refuge près de Korosten, une zone située au nord-ouest de Kiev touchée ...

20 chats provenant d'un refuge près de Korosten, une zone située au nord-ouest de Kiev touchée par les bombardements,  ont été conduits par des bénévoles vers la Pologne. Ils sont arrivés dans des caisses à légumes en plastique et des caisses en bois attachées avec de la ficelle, et ont été sur la route pendant plus de 30 heures. Ils ont été emmené en Pologne par la suite.

PHOTOGRAPHIE DE Molly Condit

Fuir son domicile, son quartier, sa ville et son pays en guerre, c’est aussi avoir à prendre des décisions pour savoir qui fera partie du voyage. Cela a été le cas de nombreuses personnes souhaitant monter dans les trains bondés et très sélectifs qui quittaient les gares d’Ukraine. 

Dans l'Union européenne, il existe des règles d’accueil communes pour les animaux domestiques : il faut faire une demande d’identification de l’animal, prouver la validité de son vaccin contre la rage et être muni d'un passeport européen pour animaux. Cela concerne essentiellement les chats, les chiens et les furets. Les animaux originaires de l'espace extra-européen sont quant à eux soumis à des règles plus strictes selon le pays dans lequel leurs maîtres souhaitent les faire entrer.

Pour ces raisons, lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, beaucoup d’animaux ont dû être abandonnés par leurs propriétaires. « De nombreux refuges en Ukraine collectent les animaux. Ils nous ont fait part de beaucoup de chiens et chats abandonnés dans les gares. Être confronté au choix de pouvoir sauver leur propre vie ou aucune en restant en Ukraine avec leur animal de compagnie... ce doit être une décision incroyablement difficile à prendre » souligne tristement Daniel Cox, directeur des campagnes de PETA Allemagne.

« On a eu une victoire avec les conditions d’accueil assouplies » explique Marie-Morgane Jeanneau, la directrice des campagnes de PETA France. Face aux demandes de nombreuses associations et fondations de protection des animaux, l’Europe s’est adaptée aux conditions extrêmes de la guerre en proposant un accueil nettement plus simple pour tous ces animaux. En France, le gouvernement précise qu’un dispositif d’urgence a été mis en place permettant d’accueillir les animaux qui ne répondent pas aux exigences habituelles. Les propriétaires d’animaux qui ne répondent pas à ces critères doivent rapidement contacter « un vétérinaire ou la Direction Départementale de la Protection des Populations du département de destination, en charge de la surveillance sanitaire de ces animaux ». 

« Les animaux sont aussi des victimes de ce conflit, auxquelles on ne pense pas forcément. Notre mission chez PETA, c’est d’aider les animaux partout où ils ont besoin de nous » affirme la porte-parole de PETA France.

Comme National Geographic l'avait indiqué dans le récit du sauvetage de l’ourse Masha, « des dizaines de milliers d’animaux sont restés dans des zoos, fermes, sanctuaires, refuges, voire dans les rues dans toute l’Ukraine. La nourriture se fait rare, particulièrement dans les endroits qui sont sous le feu de l’artillerie ennemie, et de nombreuses zones sont inaccessibles pour l’aide extérieure. Les zoos et sanctuaires racontent que leurs animaux sont traumatisés par les bombardements, se recroquevillant en entendant les sirènes de raids aériens et les explosions, courant dans les clôtures, et allant même jusqu’à abandonner leurs petits. » 

Marie-Morgane Jeanneau précise que dans un premier temps, les équipes de l’association étaient positionnées à la frontière de la Pologne et de la Roumanie. L’idée était d’accueillir les personnes et leurs animaux, proposer une identification ou des vaccinations aux animaux dans le besoin. « Une clinique a été mise en place pour aider et fournir des soins aux animaux », des vétérinaires proposaient leur aide, de la nourriture ou encore du matériel.

Voyage de chiens vers la Pologne

PHOTOGRAPHIE DE PETA-D

« Beaucoup de personnes viennent avec des animaux dans les bras, dans des cages improvisées ou bien sans cage de transport » témoigne Carmen Arsene, présidente de l'association Eduxanima de la Fédération Nationale de Protection des Animaux (FNPA). Située en Roumanie, à 500 kilomètres de la frontière ukrainienne, l’association Eduxanima se rend régulièrement en Ukraine et propose son aide dans une clinique mobile. Là, les militants proposent de la nourriture, de l'eau, des colliers, des harnais, des laisses.

« Un problème important pour les chats est que beaucoup d'entre eux n'ont pas de litière pendant un, deux voire trois jours pendant le transport, ils souffrent de problèmes urinaires » étaye Carmen Arsene. Les militants ont aménagé un van qui propose un espace où les animaux peuvent se reposer en attendant de reprendre leur chemin avec leurs propriétaires, vers les frontières voisines. « Les gens étaient essentiellement en transit, certains restaient dans le camp et repartaient le lendemain ».

D’autres équipes de défenseurs des animaux sont entrées sur le territoire ukrainien afin de faire sortir des animaux ou de leur apporter de la nourriture. Contactés par des refuges sur place, les différents organismes ont travaillé ensemble pour évacuer ces animaux et les conduire vers des refuges allemands, polonais et roumains. 

Les équipes de PETA sont actuellement entre les terres polonaises et hongroises et tentent d’établir une solution à plus long terme pour soutenir les refuges aux alentours. « Il y a eu aussi toute une mission qui a consisté à livrer des tonnes de nourriture à peu près partout dans le pays. Tout ce travail a été fait avec plusieurs groupes de militants locaux. Ils connaissent le pays, ils ont leur réseau, ils sont capables d’orienter l’aide puisqu’ils connaissent la réalité du terrain. [...] Les membres de PETA ont travaillé avec un réseau de bénévoles ukrainiens incroyables qui ont fait des miracles pour mettre les animaux en sécurité. C’est grâce à ces personnes courageuses que des chats et des chiens de toute l’Ukraine ont pu être sauvés » témoigne Marie-Morgane Jeanneau.

 

DES MILLIERS D'ANIMAUX DÉJÀ SAUVÉS 

PETA compte déjà plus de 200 tonnes de provisions livrées en Ukraine, qui pourraient nourrir « plus de 80 000 animaux » sur tout le territoire selon les chiffres communiqués par PETA France. Carmen Arsene estime qu’environ 5 000 animaux ont traversé la frontière roumaine. 

Parmi les différents animaux domestiques envoyés dans des refuges aux frontières voisines, la plupart ont trouvé des familles d’accueil. Certains ont retrouvé leurs maîtres et maîtresses et d’autres sont toujours soignés par les équipes de bénévoles, selon les porte-parole des différentes associations.

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    Des chats récupérés par PETA sont transportés vers l'Autriche.

    PHOTOGRAPHIE DE PETA-D

    Depuis le premier jour de la guerre, Daniel Cox précise qu’une équipe est constamment sur place. « Basée en Pologne et se déplaçant en Ukraine chaque jour, nous avons pu sauver plus de 1 000 animaux. Ces animaux sont venus de toute l'Ukraine jusqu'à Lviv, qui est comme une plaque tournante pour les animaux et les humains en fuite. De là, nous récupérions les animaux, faisions les deux heures et demie de route jusqu'à la frontière polonaise, puis traversions la Pologne, en emmenant les animaux dans des refuges ou des cliniques partenaires s'ils avaient besoin de soins médicaux urgents. »

    Sur les blogs et sites web des associations militantes pour les animaux, les témoignages sont nombreux. « On voit des animaux errants partout dans les rues, des animaux sont régulièrement empoisonnés. Les tentatives des organisations étrangères d'y mener des projets de stérilisation ont été bloquées. Il n'y a que très peu de refuges pour animaux. Dans les refuges publics, les animaux sont négligés et apeurés, et on continue d'y tuer. Il n'y a pas de soins médicaux, on laisse souvent les chiens capturés mourir de faim » peut-on lire sur le site de White Paw, une association allemande de défense des animaux. 

    Venir en aide à ces animaux pris au piège de la guerre, c’est aussi risquer sa vie. « Parmi les personnes avec qui PETA UK était en contact, deux militants sont décédés. Ils étaient en train de transporter des animaux, ils ont probablement été pris dans une fusillade » déplore la porte-parole de PETA France. 

    Des chiens sont transférés dans des abris sécurisé en Pologne après avoir quitté l'Ukraine

    PHOTOGRAPHIE DE PETA-D

    Certains Ukrainiens restent chez eux pour s’occuper de leurs animaux et aider les organismes sur place à sauver un maximum de chiens ou chats errants, ayant perdu leurs maîtres. Les équipes de bénévoles limitent au maximum leurs déplacements sur place et travaillent avec des entreprises de camionnage locales « qui transportent le fret indispensable jusqu'aux centres de distribution, où des organisations locales assurent ensuite le partage dans tout le pays. Le réseau d'organisations et de personnes qui aident les animaux en Ukraine est incroyable ! » précise Daniel Cox, qui a lui-même été sur place pendant le mois de mars.

    La question des animaux sauvages, gardés dans des zoos, des refuges ou des réserves est suivie par d’autres associations spécialisées ou parfois mieux équipées. Le gouvernement ukrainien n'a pour l'instant pas pu prendre d’initiative pour venir en aide aux animaux sauvages, « le pays est au milieu d'une guerre qui s'intensifie encore, nous devons en prendre conscience » conclut le militant allemand.

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