Les faucons pèlerins font un retour sous haute surveillance à Paris

Absents depuis 1947 de la capitale, les faucons pèlerins y ont fait leur grand retour. L’espèce profite de la chaleur, des hauts immeubles et de l’abondance de pigeons. Interview d’Emmanuel du Chérimont, bénévole à la Ligue pour la protection des oiseaux.

De Julie Lacaze
Faucon pèlerin - Falco peregrinus.
PHOTOGRAPHIE DE Wikimédia Commons, Carlos Delgado

Quand les premiers faucons pèlerins sont-ils revenus en région parisienne ?

Emmanuel du Chérimont, membre du groupe faucon de la délégation Île-de-France de la LPO : En 2011, notre équipe a observé que des faucons pèlerins tournaient autour d’un nichoir à faucon crécerelle, installé sur la cheminée de la CPCU (Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain), à Beaugrenelle (Paris 15e). Nous l’avons vite agrandi pour qu’il puisse les accueillir. Et, grande nouvelle, un couple est parvenu à y faire des petits en 2013. Les ornithologues les attendaient depuis 1947, date de leur disparition dans la région. Le DDT et d’autres pesticides organochlorés, utilisés pour l’agriculture, avaient réduit presque à néant l’espèce en Europe. Grâce à des mesures de protection, Bruxelles, Hambourg, Barcelone et beaucoup d’autres grandes villes d’Europe ont rapidement vu le retour du rapace. Mais, à Paris, alors que l’oiseau est protégé depuis 1976, il aura fallu attendre trente-six ans… Si bien que les chercheurs français se faisaient gentiment chahuter au sujet de cette absence lors des congrès scientifiques.

 

Aujourd’hui, combien de ces rapaces sont présents en Île-de-France ?

Emmanuel du Chérimont : Dans la région, il y a une dizaine de couples, parmi lesquels celui de la cheminée de Beaugrenelle, qui se reproduit tous les ans depuis 2013. À Paris, quelques individus isolés sont aussi observés dans le 13e arrondissement. Sur ce site, un couple a tenté de nicher, il y a deux ans, mais deux de ses œufs ont disparu et un a été abandonné, probablement à la suite d’une attaque de goélands. En dehors de la capitale, un couple est présent sur les docks de Saint-Ouen (93). Un autre niche à Ivry-sur-Seine (94), au point de confluence entre la Seine et la Marne. Sur la tour de la TéléDiffusion de France (T.D.F), au fort de Romainville, aux Lilas (93), un couple a également eu deux jeunes cette année. Dans les Hauts-de-Seine, des individus vivent près des tours de la Défense. On en observe aussi quelques-uns, isolés, dans les Yvelines et en Seine-et-Marne. Contrairement à ce qu’on a pu entendre, il n’y a pas de faucon pèlerin sur la tour Eiffel ou sur les flèches de Notre-Dame. Ce sont des faucons crécerelles. Une troisième espèce niche dans la région : le faucon hobereau, installé en périphérie de Paris, dans les bois de Boulogne et de Vincennes ainsi que dans certains cimetières de banlieue.

 

Quels types de missions menez-vous avec la LPO sur le terrain ?

E.d.C : Nous avons installé, dès la fin novembre 2012, une caméra pour suivre le nichoir de Beaugrenelle. Les images sont visibles en ligne par le grand public. Une équipe de la T.D.F vient également d’installer un dispositif vidéo dans le nichoir du fort de Romainville. En plus de sensibiliser les citoyens, ces images permettent de documenter le type de proies consommées par l’espèce et ses pratiques en matière de reproduction. Les faucons pèlerins ne mangent que des oiseaux capturés en vol. En ville, il s’agit essentiellement de pigeons. Mais nous avons découvert qu’ils consommaient aussi des étourneaux, des pics et, plus surprenant, des mésanges. Ces petits oiseaux volent bas, or on pensait que les faucons pèlerins ne pratiquaient que la chasse de haut vol. Concernant la reproduction, les images nous ont appris que les comportements des oiseaux varient énormément d’un couple à l’autre.

À Beaugrenelle, par exemple, le mâle s’aplatit, en signe de soumission, face à la femelle, lorsqu’il rejoint le nid. Cette année, le couple a eu quatre petits. Au début, le mâle rapportait la nourriture, mais la femelle lui interdisait de les nourrir. Petit à petit, il a été autorisé à donner la becquée. Autre mission : notre quarantaine de bénévoles est très présente sur le terrain, de janvier à mai, aux abords des nichoirs, durant la période de reproduction, et surtout au moment de l’envol des petits. S’ils sont blessés ou bloqués au sol, nous les envoyons au centre d'accueil de la faune sauvage (Cedaf), de l’école nationale vétérinaire d’Alfort, pour se refaire une santé. Cette année, deux juvéniles de Beaugrenelle y ont été emmenés. L’un, très affaibli, était tombé au sol et a pu être sauvé ; l’autre n’a pas survécu à la trichomonose aviaire, une maladie parasitaire qui se caractérise par des abcès jaunâtres dans la gorge, l’œsophage et le jabot, rendant difficile la respiration et l'ingestion.

 

Quelles menaces pèsent encore sur les faucons pèlerins ?

E.d.C : Le faucon n’est plus menacé de disparition. On dénombre aujourd’hui plus de 1 600 couples sur l’ensemble du territoire français. Le Code de l'environnement prévoit jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amendes en cas de délit de destruction d’une espèce protégée. Malgré cela, il y a encore aujourd'hui un trafic vers le Moyen-Orient (la fauconnerie est un sport populaire en Arabie). Le faucon pèlerin est l’oiseau le plus rapide du monde.

Des œufs et des juvéniles sont braconnés à des fins de croisements avec des faucons sacres, utilisés traditionnellement pour la fauconnerie en Arabie, pour améliorer leur performance. D’autres menaces pèsent toujours sur l’espèce. Les chasseurs, qui les tirent, et certains éleveurs de pigeons, qui les empoisonnent. À Zurich, un colombophile a ainsi empoisonné ses pigeons pour qu’ils déciment ensuite des faucons pèlerins. Son procès est en cours. En France, la querelle avec les éleveurs est moins problématique, car ce type d’élevage n’est plus très populaire en dehors du nord du pays.

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