Non, les serpents ne sont pas sourds !

Une nouvelle étude australienne montre que les serpents réagissent aux voix humaines.

De Manon Meyer-Hilfiger, National Geographic
Publication 23 mars 2023, 14:41 CET
Le taïpan est l'une des espèces de serpents venimeux les plus mortelles, les plus rapides et ...

Le taïpan est l'une des espèces de serpents venimeux les plus mortelles, les plus rapides et les plus grandes au monde.

PHOTOGRAPHIE DE Matthijs Kuijpers / Alamy Banque D'Images

Lors d’une randonnée, pourrait-on chanter pour éloigner les serpents, au lieu de taper avec un bâton sur le sol ? C’est ce que suggère une nouvelle étude australienne de l’université de Queensland, publiée en février 2023 dans la revue Plos One. Les serpents ne sont pas sourds, contrairement à ce que l’on croit. Certes, ils n’ont pas d’oreilles externes. Impossible de deviner, au premier coup d’d’œil, qu’ils peuvent capter les vibrations aériennes du son. Et pourtant, ils sont en mesure d’entendre nos voix.

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont testé 19 serpents de sept espèces différentes. Ces derniers, non anesthésiés, pouvaient se déplacer librement dans une pièce insonorisée – une première dans les études du genre. Plusieurs types de sons ont été émis : ceux de fréquences entre 1 et 150 Hz (celle que l’on ressent au sol), et de 150 à 300 puis de 300 à 450 Hz (des sons uniquement aériens).

Ainsi, « nous avons pu tester deux types d’audition : l'audition tactile par les écailles du ventre et l'audition aérienne par leur oreille interne » explique le Dr Christina Zdenek, biologiste à l’université de Queensland, en Australie, et autrice principale de l’étude. Et cette oreille interne est bien capable de capter les sons « aériens ». « Les vibrations aériennes font trembler de petits os, connectés à la mâchoire inférieure, qui transmet ensuite le signal au cerveau grâce à un fluide, le liquide périlymphatique » détaille la chercheuse australienne. Ce ne sont d’ailleurs pas les seuls animaux sans oreilles externes qui peuvent tout de même entendre les vibrations sonores aériennes. « Ce n’est pas commun, mais cela existe. Les papillons de nuit ont une excellente audition, tout comme les dauphins» liste Christina Zdenek.

Les chercheurs australiens de l'université de Queensland ont testé 19 serpents de sept espèces différentes. L'oreille interne de ces serpents est bien capable de capter les sons « aériens ».

 

PHOTOGRAPHIE DE Kyle Zenchyson/QUT Creative Industries

Avec ces oreilles internes cachées sous leurs écailles, que perçoivent véritablement les serpents ? « Ils entendent probablement des versions étouffées de notre univers sonore » explique la chercheuse. Ces reptiles ne distinguent que les basses fréquences (moins de 600 Hz), alors que les oreilles humaines captent un spectre beaucoup plus large (jusqu’à 10 000 voire 20 000 Hz selon les personnes). 

Au cours de l’expérience, l’équipe de scientifiques a pu montrer qu’ils réagissaient à des cris ou des voix fortes lors d’une conversation (85 décibels, à 1,2 m de distance). Les chercheurs n’ont pas encore fait les tests au niveau sonore d’une conversation normale (60 décibels).

Que faire alors face à un serpent ? Faut-il crier ? « Tout dépend des situations » détaille Christina Zdenek. « Si le serpent est à vos pieds, cela pourrait être dangereux de lui faire peur ». La discrétion s’impose alors. Si le reptile est plus loin, alors donner de la voix pourrait être une bonne idée. « Mais cela dépend des espèces. En règle générale, plus les serpents sont imposants, plus ils vont avoir tendance à se rapprocher du son ». L’explication : les plus grosses espèces ont moins de prédateurs, et donc moins de raisons d’être sur la défensive. Ainsi, lors de l’expérience, le python de Ramsay, qui mesure en moyenne 2 mètres, s’est mis à bouger davantage en réponse au son et s’en est même approché, tout en levant le tiers avant de son corps.  Un comportement qui évoque la curiosité.

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    « En revanche, les petits serpents comme les vipères de la mort, les serpents bruns ou encore les serpents diurnes comme les taïpans peuvent avoir à s'inquiéter des prédateurs rapaces. Ils semblent être beaucoup plus sensibles ». Certains de ces reptiles ont beau figurer au palmarès des plus venimeux au monde, ils craignent des prédateurs tels que les varans et les chats sauvages. Ainsi, ils ont plutôt tendance à s’éloigner du son, signe d’un comportement d’évitement.

    Pour poursuivre les recherches sur l’audition des serpents, la biologiste de l’université de Queensland voudrait maintenant tester ces dispositifs autoproclamés « répulsifs » des reptiles. « Ils sont vendus en grandes surfaces, notamment en Inde, où les serpents font des milliers de morts chaque année. Mais nous n’avons aucune preuve de leur efficacité, alors que certaines personnes dépensent des petites fortunes, à leur échelle, pour s’équiper ». Une manière pour la chercheuse de démêler les fantasmes de la réalité. 

    « Les serpents sont des créatures très vulnérables et timides qui se cachent la plupart du temps, et nous avons encore beaucoup à apprendre à leur sujet. Malheureusement, les recherches sur les serpents en particulier et les reptiles en général sont très peu financées. À titre d’exemple, nous avons dû compter sur des scientifiques bénévoles pour mener à bien nos expériences sur l’audition des serpents. Pourtant, il est essentiel de mieux comprendre ces animaux, pour mieux cohabiter avec eux » conclut-elle.

    Le taïpan, serpent très venimeux, a tendance à s'enfuir lorsqu'il entend des sons. 

     

    PHOTOGRAPHIE DE Chris Hay

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