Pourquoi les grands requins blancs préfèrent-ils les courants chauds ?

Deux grand requins blancs femelles, Mary Lee et Lydia, ont été les sujets d'une nouvelle étude. Celle-ci révèle que les grands requins blancs passent beaucoup de temps dans les tourbillons de turbulence chauds de l'océan.

De Douglas Main
Un grand requin blanc nage dans les eaux au large des îles Neptune.
Un grand requin blanc nage dans les eaux au large des îles Neptune.
PHOTOGRAPHIE DE Brian J. Skerry

Malgré leur notoriété, la vie des grands requins blancs est encore relativement peu connue.

De nombreuses questions restent encore sans réponse : où passent-ils la majeure partie de leur temps ? Qu'est-ce qui guide leurs mouvements énigmatiques ? Pourquoi les requins, une fois adultes, quittent-ils souvent les côtes où les proies sont en abondance pour le grand large ?

Une étude récemment publiée dans la revue Scientific Reports permet de faire lumière sur ces questions. Dans le cadre de cette recherche, les scientifiques ont suivi les mouvements de deux grands requins blancs femelles, Mary Lee et Lydia, dans l'ouest de l'Atlantique à l'aide de balises satellites très sophistiquées. L'équipe a découvert que lorsque ces animaux partaient pour le grand large, ils passaient une grande partie de leur temps à nager dans des courants circulaires chauds, appelés tourbillons de turbulence. En moyenne, les requins passent les trois-quarts de leur temps dans ces tourbillons.

Camrin Braun, co-auteur de l'étude et doctorant au Massachusetts Institute of Technology et à l'Institut océanographique de Woods Hole, rappelle aussi que les requins passent jusqu'à 40 % de leur temps à plus de 180 mètres de profondeur.

Cette découverte fut une réelle surprise pour les scientifiques. Les scientifiques pensaient que les tourbillons chauds étaient des zones où la vie marine était peu présente, et où les proies étaient rares.

« Au début, nous étions vraiment perplexes », confie Camrin Braun.

 

LA VIE DES PROFONDEURS

Mais des études récentes ont remis cette théorie en cause.

Comme en surface les tourbillons ne grouillent pas de vie, les scientifiques ont commencé à regarder un peu plus en profondeur. Ce qu'ils ont découvert dépassaient toutes leurs attentes.

Selon une étude publiée en 2014, la zone mésopélagique de l'océan, c'est-à-dire celle comprise entre 200 et 1000 mètres de profondeur, abriterait 10 fois plus de poissons que ce qui était auparavant estimé. Le New York Times estime même que la biomasse, ou la masse des poissons, que l'on trouve dans cette zone de l'océan correspondrait à 100 fois le poids de fruits de mer pêchés chaque année dans le monde.

Une autre étude a estimé la biomasse dans différentes zones de l'Atlantique. Les scientifiques ont découvert que c'était dans ces tourbillons d'eau chaude que la biomasse était la plus élevée.

Autre élément surprenant que révèle l'étude, « les requins sont des animaux à sang chaud et doivent maintenir leur température corporelle au-dessus de celle de l'océan pour digérer leur nourriture », a expliqué Peter Gaube, responsable de l'étude et océanographe senior au Applied Physics Laboratory (laboratoire de physique appliquée) de l'Université de Washington.

Plus les requins s'enfoncent dans les profondeurs et plus ils s'exposent à des eaux plus froides. Par conséquent, ils doivent avoir une bonne raison d'agir de la sorte, indique Camrin Braun.

Ce sont des courants océaniques qui s'entrecroisent et légèrement plus chauds que l'eau environnante qui forment les tourbillons. Ces courants permettent à la chaleur de pénétrer plus que d'habitude dans la zone mésopélagique.

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    Tobey Curtis, spécialiste des requins au National Marine Fisheries Service aux États-Unis, qui n'a pas pris part à l'étude, pense que grâce à ces tourbillons, les requins blancs plongent plus facilement et chassent sans avoir froid.

    « Cette étude dévoile comment ces requins arrivent à survivre si loin des côtes, là où les proies sont nombreuses », indique-t-il.

     

    UN COMPORTEMENT EXPLIQUÉ PAR LA PRÉDATION

    En 2013 et en 2013, les scientifiques ont posé sur les deux grands requins blancs femelles une balise qui enregistre leur position horizontale. Une autre balise mesurant la température de l'eau et la profondeur a aussi été posée sur Lydia. Grâce à ces balises, les chercheurs peuvent suivre les mouvements des requins en 3D dans l'océan Atlantique.

    La pose des balises avait été effectuée par une équipe de scientifique à bord d'un bateau appartenant à OCEARCH, une organisation à but non lucratif qui suit le moindre mouvement des requins blancs en temps réel.

    De manière générale, les données des balises révèlent qu'en journée, les requins restent la majeure partie de leur temps sous l'eau alors que la nuit, ils remontent à la surface. Ces mouvements correspondent notamment aux migrations quotidiennes des calamars, ce qui indique que les requins blancs suivent leurs proies.

    Si les données des balises des deux requins ne doivent pas être considérées comme une généralité, elles concordent tout de même avec les informations collectées lors d'une autre étude, publiée l'année dernière et co-écrite par Camrin Braun. Celle-ci révèlait aussi que les animaux qui s'aventuraient au large passaient une grande partie de leur temps à plus de 180 mètres de profondeur, certainement pour chasser.

    « Ces résultats s'appliquent très certainement à d'autres grands requins blancs, mais aussi aux autres grands prédateurs qui voguent au large » pour trouver de la nourriture, a expliqué Tobey Curtis.

    Un groupe de requins ne fait qu'une bouchée des petites proies

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