À la dérive : l'habitat fragilisé des phoques du Groenland

Scientifique devenue photographe, Jennifer Hayes documente la naissance des bébés phoques dans l’Atlantique nord-ouest depuis plus de dix ans. Alors que les hivers deviennent de plus en plus chauds, elle évoque leur lutte pour survivre.

De Jennifer Hayes
Publication 24 févr. 2024, 10:18 CET
Un jeune phoque du Groenland nage dans le golfe du Saint-Laurent. Les femelles mettent bas sur ...

Un jeune phoque du Groenland nage dans le golfe du Saint-Laurent. Les femelles mettent bas sur la glace. Durant deux semaines, les blanchons font des réserves de graisse en vue de leur sevrage, pour supporter l’eau glaciale et survivre par eux-mêmes.

PHOTOGRAPHIE DE Jennifer Hayes

Retrouvez cet article dans le numéro 293 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine

En plongée sous une cathédrale de glace blanche, j’entendais les sifflements, les cris et les couinements des bébés phoques du Groenland. Autour de moi, dans les eaux glaciales du golfe du Saint-Laurent, des phoques adultes tournoyaient avec grâce dans leur monde sous-marin. Sur le plafond de glace au-dessus de nous, des milliers de nouveau-nés se reposaient.

C’était en mars 2011, dans l’archipel de la Madeleine. Avec David Doubilet, j’avais entrepris de photographier ces animaux dans le cadre d’un reportage sur l’écosystème marin du golfe du Saint-Laurent, un recoin de l’Atlantique Nord débordant de vie. Traditionnellement, l’hiver, la banquise y devient l’aire de mise bas la plus méridionale de l’espèce.

« Cherchons la glace, nous dit Mario Cyr, notre guide. S’il y a de la glace, il y aura des phoques. » Il avait raison : des femelles gestantes avaient localisé des blocs dérivants non loin de l’Île-du-Prince-Édouard, s’y étaient installées et y avaient donné naissance à leurs petits. Nous avons navigué dans la banquise et passé une semaine à documenter leur comportement sur et sous l’eau.

Leur troupeau était dispersé dans un puzzle de petites plaques de glace balayées par les vents et entourées de neige fondue à moitié gelée. La journée, le soleil dansait sur les mères et leurs petits à la fourrure duveteuse. La nuit, les cris des blanchons résonnaient dans la coque du bateau durant notre sommeil. Les phoques du Groenland ont besoin de mettre bas sur la glace. 

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    Des mères et leurs petits sont dispersés sur la banquise fracturée à la fin février 2020. Du fait du réchauffement des températures et des vents, la glace - sur laquelle on distingue les taches de sang des mises bas – a continué à se briser.

    PHOTOGRAPHIE DE Jennifer Hayes

    Migrant depuis l’Arctique dès la fin du mois d’août, ils recherchent la banquise à la fin février, lorsque chaque femelle gestante donne naissance à un unique petit. Les mères allaitent leur blanchon pendant leurs deux premières semaines de vie pour qu’ils constituent leurs réserves de graisse, avant de les abandonner lorsqu’elles partent s’accoupler. Les petits dépendent de cette graisse jusqu’à ce qu’ils sachent nager et chasser eux-mêmes leur nourriture. Pour apprendre à devenir un phoque du Groenland, les blanchons ont besoin de temps et d’une glace stable.

    Mais les hivers dans le golfe du Saint-Laurent se réchauffent deux fois plus vite que les étés, à un rythme de plus de 2 °C tous les cent ans, note Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à Pêches et Océans Canada. Résultat : la banquise diminue et, avec elle, les sites pouvant accueillir les femelles et leurs petits.

    Une mère et son petit se saluent par un «baiser », en 2011. Dans un troupeau, les femelles identifient leurs bébés en leur touchant le nez pour sentir leur odeur. Pendant l’allaitement, les blanchons glissent parfois de la glace. Ils ne peuvent survivre longtemps dans l’eau.

    PHOTOGRAPHIE DE Jennifer Hayes

    Les scientifiques tendent à parler des hivers de la région en termes de bonnes ou de mauvaises années de glace. Les premières, caractérisées par des hivers plus froids et une banquise épaisse et étendue, se raréfient : la glace de mer dans le golfe s’amenuise depuis au moins  1995. Les secondes, dues à des hivers doux donnant une glace mince et fragile, sont désormais plus communes. Et elles peuvent être dévastatrices pour les phoques. Ce fut le cas en 2011.

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