L'Afrique, nouvel eldorado de l'huile de palme ?

Sur le continent, le développement du palmier à huile se heurte à des situations cadastrales complexes et à la résistance des populations locales.

De Julie Lacaze
Publication 18 déc. 2018, 10:39 CET
Dans l’ouest du Gabon, le géant agro-industriel singapourien Olam a ouvert deux nouvelles plantations de palmier ...
Dans l’ouest du Gabon, le géant agro-industriel singapourien Olam a ouvert deux nouvelles plantations de palmier à huile, chacune avec sa propre huilerie. La forêt couvre les trois quarts du pays. Les autorités veulent développer l’agriculture commerciale, mais sans les atteintes à l’environnement que l’Asie du Sud-Est a connues.
PHOTOGRAPHIE DE David Guttenfelder

Seulement 4 % de l’huile de palme mondiale est produite en Afrique. Selon une étude européenne, publiée dans la revue PNAS, la surface potentielle de plantation sur le continent noir est gigantesque : environ 275 millions d’hectares. Des terrains principalement concentrés en Afrique centrale. L’huile de palme provient originellement de cette partie du monde, où elle entre dans la composition de nombreux plats traditionnels. Hors du continent, elle est massivement prisée des industries agroalimentaires (barre chocolatée, pâte à tartiner…), qui l'importent aujourd’hui essentiellement d’Indonésie et de Malaisie. L’Afrique pourrait-elle profiter à son tour de cette manne économique ? « L’instabilité politique et les volontés divergentes des populations locales freinent les investisseurs », tempère Laurène Feintrenie, chercheuse au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et auteure d’une étude sur le sujet avec le WWF.

Dans le cadre de ses recherches, la scientifique s’est penchée sur les potentialités de développement, en Afrique centrale, de deux types de plantations : les cultures industrielles recouvrant de vastes zones et les micro-huileries s’approvisionnant auprès de petites exploitations dispersées. « Au Cameroun ou en République démocratique du Congo (RDC), le second modèle est plus approprié, car les terres sont déjà occupées pour l’agriculture vivrière, avance Laurène Feintrenie. À l’inverse, le Gabon pourrait être l’un des rares candidats au développement industriel : ses habitants sont traditionnellement des chasseurs-cueilleurs, qui ne cultivent pas la terre. »

Le Gabon compte ainsi tirer profit de sa situation agricole particulière (lire notre reportage). Le groupe agroalimentaire singapourien Olam est d’ailleurs en train de s’y implanter. Le risque étant que ce développement entraîne des effets environnementaux et socioéconomiques néfastes tels que la déforestation, une perte de biodiversité ou la spoliation des terres, phénomènes répandus en Asie du Sud-Est. Pour limiter ces conséquences négatives, le gouvernement gabonais encadre cette croissance. « Des plans d’aménagement du territoire sont mis en place afin d’utiliser des zones déjà déforestées ou de savane, explique la spécialiste. L’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) a défini les zones les plus propices au développement agricole, permettant de minimiser les coûts environnementaux. Les zones définies pour le palmier à huile sont cohérentes avec les résultats de notre étude. Dans le cadre de la certification RSPO (« Table ronde sur l’huile de palme durable »), dans laquelle Olam est engagée, des concertations avec les villageois sont organisées. Ils doivent donner leur accord pour que les projets agronomiques voient le jour. De plus, le secteur crée de l’emploi. Cette économie émergente pourrait bénéficier à long terme aux nouvelles générations, qui seraient susceptibles de créer leurs propres plantations. »

Au Cameroun et en RDC, les relations entre investisseurs et populations locales se révèlent, en revanche, plus tendues. Ces pays ne disposent pas toujours de plan cadastral clair, les habitants possédant cependant des droits d’usage des terres. « En RDC, certains villages ont souhaité récupérer des terres sur d'anciennes plantations coloniales appartenant à un groupe belge, cite en exemple Laurène Feintrenie. Celui-ci a organisé des négociations avec les villageois et passé des accords incluant la restitution de certaines terres. Un décret prévoit que plus de la moitié du capital investi en RDC appartiennent aux Congolais, ce qui freine les investissements étrangers. »

Avec toutes ces contraintes, l’Afrique ne semble pas être la zone de production d’huile de palme la plus propice. « Le nouveau front, c’est plutôt l’Amérique du Sud, qui représente aujourd’hui 6 % de la production mondiale : la Colombie, le Brésil, le Pérou, le Mexique et le Honduras, avance la biologiste. Ces pays connaissent aujourd’hui un développement rapide du palmier à huile. Il va falloir veiller à ce qu’ils prennent le chemin d’une agriculture durable. »

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