Mobilité : une si lointaine banlieue...

Quelles solutions pour réduire le temps de trajet des Franciliens ?

De Corinne Soulay
Publication 24 avr. 2019, 09:03 CEST
Journal, livre, smartphone... autant de supports permettant d’agrémenter les trajets d’usagers du RER C.
Journal, livre, smartphone... autant de supports permettant d’agrémenter les trajets d’usagers du RER C.
PHOTOGRAPHIE DE Valérie Dubois, Hanslucas.com

Les statisticiens les appellent les « navetteurs ». Chaque jour, en Île-de-France, ces actifs quittent leur commune de résidence ou leur arrondissement parisien pour rejoindre leur travail. Un ballet qui concerne environ 4 millions de personnes – les trois quarts des travailleurs de la région, selon l’Insee –, occasionnant cohue dans les transports et bouchons sur les routes. 

Difficile de préciser le temps moyen que les navetteurs consacrent à cette migration pendulaire : 68 minutes aller-retour selon le ministère du Travail, 84 minutes d’après l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU). « Ce temps a fortement augmenté depuis les années 1970, pointe Frédérique Prédali, urbaniste transport à l’IAU. Environ 500 000 actifs franciliens passent quotidiennement plus de deux heures dans leur voiture et 1 million dans les transports en commun, ce qui dégrade leur qualité de vie. » 

Ces chiffres dépassent en effet, et de loin, la durée idéale du trajet domicile-travail, évaluée à 16 minutes dans une étude de l’université de Californie (2001). Soit un temps relativement court pour arriver frais et dispos au travail le matin, et suffisamment long pour pouvoir décompresser avant de rentrer chez soi le soir. 

L’influence négative des longs trajets sur le bien-être des salariés a été confirmée dans le baromètre Paris Workplace Ifop-SLF 2018. Ces actifs sont également moins sociables avec leurs collègues et moins fidèles à leur entreprise. Au-delà de 40 minutes de trajet, ils restent en moyenne 16 minutes de moins par jour au travail que les autres. L’équivalent, sur une année, de huit jours ouvrés.

Comment alléger la vie des navetteurs ? Plusieurs solutions émergent. Parmi les plus évidentes, la consolidation de l’offre de transports en commun. Le tramway, qui avait disparu de la région à la fin des années 1930, est de retour. Depuis 1992, dix lignes ont été créées, et quatre sont en projet. Le Tram 13 Express, en cours de réalisation dans les Yvelines, connectera Saint-Cyr-l’École à Saint-Germain-en-Laye en 30 minutes, contre une heure actuellement. 

Réduire les temps de parcours, c’est aussi l’objectif du Grand Paris Express. Concrètement, il s’agit de prolonger la ligne 14 du métro et de créer quatre nouvelles lignes. « Elles seront connectées au réseau de transport existant, précise Catherine Barbé, directrice des partenariats stratégiques de la Société du Grand Paris. Il sera plus simple de se rendre d’un point à un autre de l’Île-de-France sans passer par Paris, et plus rapide de rejoindre le coeur de la capitale. Le Grand Paris Express reliera également les trois aéroports (Orly, Le Bourget, Roissy-Charles-de-Gaulle), les quartiers d’affaires, les pôles scientifiques, ce qui facilitera l’accès à l’emploi. »

« C’est le dernier grand projet possible en matière d’infrastructures, pointe Frédérique Prédali. Désormais, il faut élaborer des solutions de mobilité au cas par cas. » Pour maintenir l’attractivité de la région, toutes les parties concernées – salariés, entreprises, région, communes… – doivent participer à la réflexion. « Les emplois sont concentrés dans certains secteurs, poursuit l’urbaniste. Dans ces zones, le Conseil régional pourrait, par exemple, décaler les horaires des étudiants et des lycéens afin qu’ils ne viennent pas grossir le flot des voyageurs. » À Boulogne-Billancourt, un système de péage positif a été testé en 2017 : ceux qui n’utilisaient pas leur voiture aux heures de pointe recevaient un bonus de 2 euros par trajet.

Depuis le 1er janvier 2018, la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte impose aux entreprises qui regroupent plus de 100 salariés sur leur site de mettre en place un plan de mobilité. Le but ? Optimiser les déplacements des employés, mais aussi réduire le trafic routier et la pollution qui en découle. Des entreprises peuvent ainsi se regrouper pour créer des sites de covoiturage communs ou instaurer des mesures incitatives.

L’IAU mise aussi sur le développement de nouvelles pratiques de mobilité. À la gare de Versailles-Château-Rive-Gauche, la start-up We trott’ propose un service payant de trottinettes électriques, rangées dans des casiers. « Cette offre complète les trajets en train et règle le problème des trottinettes abandonnées sur la voie publique », analyse Frédérique Prédali.

Plus innovant encore, Alain Thébault a imaginé un bateau de cinq places à propulsion électrique, capable de voler sur l’eau. Sa SeaBubble a été testée sur la Seine, en mai 2018. « Elle ne fait pas de bruit, pas de vague et ne rejette pas de CO2, s’enthousiasme le créateur. Elle pourrait permettre d’aller d’Issy-les-Moulineaux à Paris-Gare-de-Lyon en une quinzaine de minutes, soit deux fois plus vite qu’avec les transports en commun actuels. Mais il nous faut encore trouver des emplacements pour les quais. »

Autre piste de réflexion : développer des formes de travail n’induisant plus de pics de déplacements, comme le télétravail ou les activités indépendantes. Dans ce cadre, la région Île-de-France projette de créer mille espaces de travail collaboratif d’ici à 2021.

Mais, pour Frédérique Prédali, le changement n’interviendra pas sans éduquer les plus jeunes : « Il faut développer des solutions de ramassage scolaire à pied, apprendre aux enfants à utiliser leur vélo… et éviter de les emmener à l’école en voiture si des alternatives existent. » En somme, montrer aux navetteurs de demain que d’autres façons de se déplacer sont possibles.

 

Cet article a été publié dans le magazine National Geographic n° 235, daté d'avril 2019.

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