Véhicules autonomes : quel intérêt pour les métropoles françaises ?

Pour réduire les embouteillages et limiter la pollution, les véhicules sans conducteur sont-ils une solution ? À Transpolis, une ville test située à 50 km de Lyon, des ingénieurs expérimentent ces nouveaux modes de transport.

De Julie Lacaze
Publication 18 avr. 2019, 17:43 CEST
Comment nous déplacerons-nous dans les villes du futur ? Une possibilité prometteuse : le minibus sans ...
Comment nous déplacerons-nous dans les villes du futur ? Une possibilité prometteuse : le minibus sans chauffeur, testé dans les Jardins de la baie, à Singapour.
PHOTOGRAPHIE DE Andrew Moore

Et si les Lyonnais se déplaçaient bientôt en minibus sans conducteur ? « Des ingénieurs testent actuellement le tout premier véhicule 100 % autonome (V.A.) qui sera mis en circulation en France », s’enthousiasme Stéphane Barbier, directeur du développement de Transpolis, une ville laboratoire qui a ouvert à la fin de l’année 2018 pour mener des essais grandeur nature sur les modes de transport de demain.

D’une surface de 30 ha, Transpolis est située dans une ancienne base militaire, près de Saint-Maurice-de-Rémens (Ain). Le parcours du minibus, qui reliera le 1,5 km séparant l’arrêt de tramway Décines Grand Large du Groupama Stadium, en banlieue est de Lyon, y a été reproduit à l’identique : traversée d’un rond-point, franchissement d’un feu tricolore et passage devant un lycée. Avant de pouvoir accueillir les premiers supporters à l’été 2019, le véhicule devra se faufiler dans la circulation à la vitesse moyenne de 18 km/h. Ses performances seront analysées durant trois mois par 22 ingénieurs. Transpolis a bénéficié de 20 millions d’euros de fonds publics et privés. Elle accueille aujourd’hui une trentaine de projets de développement de V.A., dont ceux de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) : bus, navettes, camions de livraison ou encore automobiles légères individuelles.

Les 80 ha d’une ancienne base militaire située près de Saint-Maurice-de-Rémens (Ain) abritent désormais Transpolis, un laboratoire grandeur nature pour tester les véhicules autonomes en développement. L’un de ses actionnaires, l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR), y mène des expérimentations en conditions proches du réel.
PHOTOGRAPHIE DE Transpolis

Excepté le minibus sans conducteur, qui circulera au milieu des voitures, le transport collectif et de marchandises par des V.A. se fera plutôt, en France, dans des voies dédiées. « Cette technologie pourrait se généraliser rapidement, dans les cinq ans à venir, avance Stéphane Barbier. En revanche, son usage privé relève encore de la science-fiction. » Si les voitures récentes sont déjà équipées de technologies performantes d’assistance à la conduite (détection d’obstacles, maintien dans la voie, freinage d’urgence, assistance aux créneaux), les V.A. sont encore loin de pouvoir s’insérer dans un environnement complexe — comme les centres-villes où coexistent voitures, vélos, trottinettes, piétons — car elles passeraient leur temps à s’arrêter. « Sur un rond point comme celui de la place de l’Étoile, à Paris, la technologie actuelle, contrairement à l’intelligence humaine, ne permettrait pas de rouler de manière fluide », précise Stéphane Barbier.

 

INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES ET ÉCOLOGIQUES ENCORE LIMITÉS

Des chercheurs du Laboratoire Ville Mobilité Transport (LVMT), commun à l’IFSTTAR, l’École des Ponts et l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, travaillent sur les perspectives d’évolution des pratiques de mobilité et sur les nouveaux enjeux liés aux déploiements progressifs des V.A.. Ils s'interrogent, eux aussi, sur le développement futur de ces véhicules.

Tout d’abord, en terme de coût. Les investissements publics nécessaires pour faire circuler les véhicules autonomes pourraient être importants : « Réseau de télécommunications, panneaux communicants, bornes de recharge (pour les V.A. électriques), liste Thomas Le Gallic, chercheur au LVMT. De tels systèmes nécessitent de faire évoluer les infrastructures pour permettre aux véhicules de communiquer en temps réel avec l’environnement. Ces investissements posent question s’ils sont principalement dédiés à des V.A. individuels. » En effet, dans un premier temps, ces véhicules seront haut de gamme, réservés aux personnes les plus aisées. Selon une étude publiée en juin 2018 par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), il fallait débourser 65 000 euros de plus, en 2017, pour un V.A. individuel à haute autonomie, par rapport au prix moyen d’un modèle standard thermique neuf. Rien que le Lidar de la Google car (un radar utilisant les ondes optiques émises par un laser) coûte 8 000 euros ! À plus long terme, l’écart entre les différents types de véhicules devrait se résorber, mais serait encore de 12 000 euros en 2030.

Ensuite, l’essor des V.A. ne garantit pas une diminution de la pollution et des embouteillages. Certaines études internationales prévoient une baisse du trafic, à la seule condition que les voitures soient... partagées. Dans le cas du véhicule autonome individuel, c’est l’effet inverse qui risque de se produire. Des personnes qui n’avaient pas le permis, ou qui étaient trop âgées pour conduire, pourraient avoir plus facilement accès à des voitures pour se déplacer. Autre conséquence : les transports en commun classiques seraient partiellement délaissés au profit de V.A., individuels ou partagés, avec une capacité d'accueil moindre. Il est également possible que les propriétaires de V.A. décident d’habiter encore plus loin de leur lieu de travail, grâce au confort que leur apporte une mobilité autonome au quotidien, permettant de travailler ou lire dans un espace jugé plus adapté et plus sécurisé que les transports en commun. De plus, à l’image des nouveaux systèmes de livraison rapide de repas et de petits colis (Uber Eats, Deliveroo, etc.), d’autres services d’acheminement de marchandises en continu, via des V.A., pourraient se développer. « Tout cela peut avoir pour effet d’augmenter davantage l’étalement urbain et le nombre de voitures en circulation, » estiment le chercheur et sa collègue Anne Aguiléra, également du LVMT.

Sur l’impact environnemental, enfin, l’utilisation des V.A. fait débat. Les véhicules autonomes à la demande, des sortes de robots-taxis, et même les V.A. possédés par des particuliers, pourraient tourner souvent à vide, le temps de trouver un client ou une place de stationnement. Ces différents effets augmenteraient donc globalement le nombre de kilomètres parcourus et la consommation d’énergie associée à la mobilité. « Si ces véhicules sont thermiques, cela pourrait élever la quantité de gaz à effet de serre émise dans l’atmosphère, estime Anne Aguiléra. S’ils sont électriques, d’autres problèmes environnementaux se posent, notamment ceux liés à la fabrication, au recyclage des batteries et à la production d’électricité. Par ailleurs, les véhicules électriques ne suppriment pas la pollution engendrée par les microparticules produites par le freinage. »

 

CONSÉQUENCES SOCIALES ET FIABILITÉ

Sur le plan social, les conséquences possibles du déploiement des V.A. sont tout aussi contrastées. D’un côté, il pourrait offrir de nouveaux services de mobilité à des personnes qui rencontrent des difficultés à se déplacer. De l’autre, il entraînerait la disparition de certains emplois, comme ceux des chauffeurs de bus. Or, il faut rappeler le rôle social que jouent ces derniers, qui ne font pas que conduire. « Quand un usager des transports en commun rentre la nuit, la présence humaine le rassure », affirme Anne Aguiléra. Les chauffeurs occupent aussi une place particulière au sein d’un quartier, aidant les personnes âgées ou handicapées à monter à bord des véhicules, etc. « Dans les transports en commun japonais, par exemple, il y a du personnel partout, dit la chercheuse. C’est très agréable pour l'usager ! Il ne faudrait pas que l’émergence des V.A. aille dans le sens d’une diminution des services ».

L’acceptabilité de la technologie et sa fiabilité font également l’objet de controverses : le décès d’une cycliste renversée par une voiture sans conducteur testée par Uber, en mars 2018, aux États-Unis, a entraîné une baisse de sa popularité. Selon un sondage Ipsos, réalisé en 2017, seulement 26 % des Français auraient confiance en ce nouveau mode de transport. De nombreux défis devront donc être relevés avant que les V.A. fassent partie de notre quotidien. D’ici là, reste à la société et aux pouvoirs publics de faire les bons choix pour que le déploiement des V.A. aille dans le sens d’une mobilité durable et sûre sur l’ensemble du territoire.

 

En avril 2019, le magazine National Geographic propose un numéro spécial sur les villes de demain. 

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