Le recul inexorable des Sundarbans

Dans la région des Sundarbans, la mangrove constitue une barrière naturelle contre les marées et les cyclones. Mais avec l’abattage des arbres et la montée des mers, elle disparaît peu à peu.

De Rédaction National Geographic
Publication 6 août 2019, 11:13 CEST
Des ouvriers réparent les digues en terre qui doivent protéger l’île de Sagar des inondations.
Des ouvriers réparent les digues en terre qui doivent protéger l’île de Sagar des inondations.
PHOTOGRAPHIE DE Arko Datto

En février 2018, une partie de la digue contenant la rivière Chunar, à l’ouest d’East Dhangmari, au Bangladesh, s’est effondrée pour la troisième fois en un an. Seize maisons ont été emportées lors de cette tragédie quasi routinière. Mais la multiplication des calamités les mois suivants a contraint les habitants les plus âgés et les plus avertis à reconnaître qu’il ne s’agissait pas de fléaux habituels. Le rendement des rizières à la saison sèche de 2018 a chuté à souvent moins d’une demi-tonne par hectare, ce qui a fait monter le prix du riz. Dans de nombreux champs au sol salé, les légumes ont tout bonnement cessé de pousser.

Une chose, cependant, sur laquelle les villageois des régions côtières pensaient pouvoir toujours compter était les Sundarbans, la plus vaste mangrove continue de la planète. Couvrant plus de 10 000 km² de part et d’autre de la frontière indo-bangladaise, cette dense zone marécageuse, composée d’arbres résistants aux inondations, forme une muraille verte qui absorbe les ondes de tempête et atténue la violence des pires cyclones. Pour les habitants, cette forêt est aussi une source abondante de miel, et ces eaux regorgent de poisson. 

Après des années de mauvais traitements de la part des Hommes et de la nature, la mangrove semble atteindre ses limites. La coupe illégale du bois, qui sert essentiellement à construire des logements pour la population locale, en pleine expansion, a dégarni les abords de la forêt. Dans le même temps, les barrages en amont des fleuves ont réduit l’alimentation en eau douce des Sundarbans, tandis que la montée du niveau des mers introduit plus d’eau salée dans la mangrove. Or l’augmentation de la salinité de l’eau décime de nombreuses et précieuses espèces d’arbres, tel le sundari (Heritiera fomes), qui donne son nom à cette zone. 

Dans la mangrove, le sol disparaît. Sans les racines enchevêtrées qui stabilisent la terre, celle-ci s’érode et se délite dans la mer. Les îles du fleuve Hooghly, dans le delta du Gange, à la lisière occidentale des Sundarbans, sont déjà à un stade avancé de dégradation. Au moins trois îles qui étaient couvertes de mangrove il y a un siècle ont disparu : Lohachahara, Suparibhanga et Bedford. D’autres subissent une érosion accélérée : Sagar a perdu environ 50 km² depuis le milieu du xxe siècle, alors même qu’elle accueillait des réfugiés en provenance des îles voisines, en voie de disparition.

Mais dans la bataille pour préserver la mangrove – et, sur le long terme, peut-être le Bangladesh –, les difficultés vont croissant. Dacca a donné son feu vert à la construction d’une centrale à charbon à Rampal, en lisière des Sundarbans. Financée en partie par l’Inde, cette initiative pourrait ouvrir la voie à d’autres industries polluantes. La Chine propose d’élever de nouveaux barrages dans le bassin du Brahmapoutre, ce qui pourrait compromettre un peu plus l’alimentation en eau douce de la forêt. Et le climat ne cesse de changer, provoquant des variations de températures, des tempêtes et des pluies toujours plus imprévisibles. La Banque mondiale prévoit que, d’ici à 2050, plus de 13 millions de Bangladais – dont un grand nombre de ceux vivant autour des Sundarbans – pourraient migrer à cause de crises climatiques.



Dans le numéro de juillet 2019 du magazine National Geographic, reportage dans la région des Sundarbans par Peter Schwartzstein.

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