La pandémie de coronavirus, un tournant pour le climat ?

Avec l’arrêt des activités provoqué par la crise sanitaire actuelle, les émissions de gaz à effet de serre baissent. Mais pour enrayer le changement climatique, c’est une transformation durable qu’il faut amorcer.

De Manon Meyer-Hilfiger
Publication 17 avr. 2020, 10:15 CEST
La fumée d'une centrale de chauffage urbain s'élève au-dessus des nuages, à Grenoble.

La fumée d'une centrale de chauffage urbain s'élève au-dessus des nuages, à Grenoble.

PHOTOGRAPHIE DE François Henry, Rea, Redux

Le Covid-19 a mis l’économie mondiale sur pause : avions cloués au sol, rocades et autoroutes vidées de leurs voitures, production au ralenti voire à l’arrêt... Les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre sont touchés. Avec, pour conséquence, une baisse des émissions de CO2.

Mais, « pour que le climat arrête de se réchauffer, il faut que les émissions de dioxyde de carbone diminuent, année après année, régulièrement, pour devenir nulles » rappelle Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). « Cette crise sanitaire crée des drames et de la solitude. Ce n’est pas cela, la lutte contre le changement climatique. Ce n’est pas un arrêt des activités dont nous avons besoin. Mais bien une transformation des systèmes de production et de consommation dans la durée. Si l’on repart comme avant, nous n’aurons rien gagné pour le climat » prévient-elle. 

« Avec le plan de relance, le gouvernement va pouvoir contrôler l’économie. La question est : va-t-on remettre une pièce dans la machine, ou passer aux investissements décarbonés ? » renchérit François Gemenne, chercheur en sciences politiques spécialiste des impacts du changement climatique.

« Lors d’une sortie de crise, le risque est de relancer l’économie en faisant ce que l’on sait déjà faire, comme les grands chantiers d’autoroute par exemple. De revenir au monde que l’on connaît » s’inquiète Valérie Masson-Delmotte.

Avec le danger d’un rebond des émissions de gaz à effet de serre, comme après la crise financière de 2008. Si, en 2009, les émissions de dioxyde de carbone dues aux énergies fossiles et à l’industrie du ciment avaient diminué de 1,4 %, en 2010 en revanche, la reprise économique les avait fait bondir de 5,9 %. Ce sursaut, c'est déjà le chemin que semblent emprunter les États-Unis. Fin mars, l'Agence de protection de l'environnement (EPA) américaine a annoncé la suspension de ses contrôles durant la pandémie de Covid-19, laissant les entreprises déterminer elles-mêmes si elles sont en mesure d'appliquer toutes les normes environnementales en vigueur. Une décision dénoncée comme un droit à polluer par les militants écologistes outre-Atlantique. 

Sur le Vieux Continent, le « Green Deal », le plan de réduction des gaz à effet de serre de l’Union européenne, est sous pression. En raison de la crise sanitaire, plusieurs pays demandent le report de l’objectif de neutralité carbone prévu pour 2050. A cela s’ajoute le prix du pétrole, historiquement bas, qui vient encore compliquer la transition énergétique. 

Pourtant, la rénovation des bâtiments, l’investissement dans des énergies renouvelables et dans des infrastructures de transport durable (métro, pistes cyclables), ainsi que la réhabilitation des milieux naturels, constituent autant de secteurs créateurs d’emplois et bénéfiques pour le climat. Les projets qui offrent des synergies entre le court et le long terme sont nombreux, rappelle Stéphane Hallegatte, économiste à la Banque mondiale. Et certaines continuités peuvent émerger entre le confinement et l'après-crise, à l’image du télétravail. Il contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre et pourrait perdurer, au moins partiellement, selon Valérie Masson-Delmotte. 

En attendant les divers plans de relance des économies nationales, les scientifiques tirent déjà certaines conclusions de la pandémie de Covid-19.  « Pour pousser les gouvernements à l’action climatique, il faut que l’on arrête de créer de la distance en parlant d’objectifs à très long terme, en mentionnant des horizons à 2100. Nous devrions plutôt parler des conséquences en 2025 » conclut François Gemenne. « Il est aussi nécessaire d’insister sur les effets sanitaires du réchauffement. Par exemple, avec la fonte du pergélisol [sol gelé des régions arctiques, ndlr], d’anciens virus pourraient réapparaître. »

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