La couche d'ozone pourrait se reformer d'ici 43 ans

Après 38 ans de surveillance et de protection, le trou dans la couche d'ozone semble en bonne voie de rétablissement. Selon le dernier communiqué du conseil scientifique du Protocole de Montréal, il devrait complètement se résorber d'ici 2066.

De Lou Chabani
Publication 16 janv. 2023, 18:44 CET
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D'après de nouvelles données scientifiques, le trou dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique est en train de se refermer.

PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, National Geographic Creative

Placée sous très haute surveillance depuis 1985, l’évolution du trou dans la couche d’ozone semble aller dans la bonne direction, selon le dernier rapport de l’ONU.

« La couche d’ozone nous protège des radiations ultraviolettes C, B et A émises par le Soleil. Les UV C sont les plus énergétiques, et sont complètement filtrés par [la couche d’ozone] », présente Cathy Clerbaux, directrice de recherche du CNRS. « Plus les rayons sont énergétiques, plus ils sont susceptibles d’induire des problèmes. Il n’y aurait pas eu d’émergence de la vie sans cette couche d’ozone. »

Située dans la stratosphère, bien au-dessus des nuages, la couche d’ozone est une strate de gaz de plusieurs kilomètres d’épaisseur. Apparue il y a 3,5 milliards d’années, elle doit son origine à l’oxygène relâché dans l’atmosphère par les tout premiers organismes photosynthétiques.

Apparus sous l’eau, à l’abri des rayons UV, ces organismes primitifs ont permis une modification drastique de la composition de l’atmosphère. Cet apport constant en oxygène a ainsi permis l’apparition d’une couche d’ozone protectrice, puis un changement radical d’une atmosphère réductrice à une atmosphère oxydante.

Cette transition, connue sous le nom de « catastrophe de l’oxygène », a entraîné la disparition d’une grande partie des premiers microorganismes et a permis l’apparition de formes de vie respirant de l’oxygène. Pourtant, après des milliards d’années d’équilibre, une perturbation importante a été enregistrée au niveau du pôle Sud à partir du milieu des années 1980.

Chaque année, en septembre, à la fin de l’hiver polaire, une diminution drastique des niveaux d’ozone atmosphérique engendre un trou dans notre bouclier planétaire. À l’origine de cet accroc : l’utilisation de chlorofluorocarbures (CFC), des gaz très stables utilisés en grande quantité dans de nombreux domaines.

Interdits à l’utilisation en 1985 par le Protocole de Montréal, leur disparition des rayonnages constitue encore aujourd’hui l’un des meilleurs exemples de coordination mondiale en termes de protection de l’environnement.

Cet investissement a par ailleurs été payant, la guérison du trou dans la couche d’ozone étant à présent prévue pour 2066.

 

SE MÉFIER DU GAZ QUI DORT

« [Les CFC], à l’origine, étaient des gaz assez "magiques", parce qu’ils sont tout à fait inoffensifs pour la santé. Ils sont incolores, inodores, ils ne prennent pas feu… Il n’y avait que des avantages à ces gaz quand on a commencé à les introduire dans les années 1970 », explique Mme Clerbaux.

Gaz réfrigérant, propulseurs d’aérosol, extenseurs de mousses… : à la suite de leur invention par Thomas Midgley Jr. dans les années 1920, les CFC ont rapidement trouvé de nombreux usages industriels. Pourtant, si leur stabilité leur confère une grande polyvalence, c’est également cette dernière qui les rend particulièrement dangereux pour l’environnement.

« On n’a jamais pensé que ces gaz géniaux étaient tellement stables qu’ils restaient dans l’atmosphère, passaient la barrière des nuages et se retrouvaient dans la stratosphère », explique la directrice de recherche. « Là, ils sont décomposés par les rayons du soleil, et les chlores sont séparés et réagissent avec l’ozone. »

C’est en 1984 que les chercheurs ont remarqué leur impact sur la couche d’ozone, des mesures étranges commençant à apparaître dans les relevés. Selon Cathy Clerbaux, le soudain effondrement des niveaux d’ozone au-dessus de l’Antarctique a d’abord été associé à un défaut de matériel, du moins jusqu’à ce que le remplacement du matériel et leur réapparition annuelle écartent les doutes.

« C’est l’endroit le plus froid du monde : tous les hivers, ce que l’on appelle un vortex polaire se crée. C’est une masse d’air froide qui se forme [en altitude], qui tourbillonne pendant les trois mois d’hiver, et qui peut atteindre les - 80 °C. »

En plus de cette masse d’air glaciale, l’hiver polaire se caractérise par les trois mois, de mai à août, durant lesquels le Soleil ne se lève pas : une nuit polaire qui ne s’achève réellement qu’en septembre, au retour du Soleil. Ce retour atteint son paroxysme en décembre, lors de la période des nuits blanches, durant laquelle le Soleil ne descend jamais plus bas que l’horizon.

Cependant, bien avant d’en arriver là, ce sont les tout premiers rayons de septembre qui viennent perturber la couche d’ozone. En effet, après avoir été stabilisées par le vortex polaire et l’obscurité, les conditions chimiques de la stratosphère changent brutalement avec le retour des rayonnements UV.

« [Le Soleil] va activer des réactions chimiques appelées cycles catalytiques, qui vont consommer l’ozone à toute vitesse », explique la chercheuse. « [Au cours de la nuit polaire], des nuages de glace et de nitrate se forment et piègent les chlores. Ils sont ensuite réactivés par les rayons UV et vont alors détruire l’ozone. »

Grâce à l’Interféromètre atmosphérique de sondage dans l’infrarouge (IASI), un satellite de surveillance, les chercheurs observent chaque année aux alentours de septembre, la disparition de l’ozone dans l’atmosphère.

« [En 1984], nous avons rapidement fait le lien avec d’autres parutions scientifiques démontrant l’action des chlores sur l’ozone dans certaines conditions. Une fois que nous avons compris les réactions chimiques et confirmé que le phénomène se produisait tous les ans […], nous avons mis en place des protocoles qui empêchent d’émettre ces [CFC]. »

Signé en 1985, le Protocole de Montréal est, à l’instar des différentes COP environnementales, une mesure internationale de protection de l’environnement, sous la houlette de l’ONU. Considéré comme l’un des accords internationaux les plus réussis de l’Histoire, il a permis d’arrêter net l’émission de ces gaz problématiques.

« Il faut cependant garder à l’esprit que s’ils ne sont plus émis, ils n’ont pas pour autant disparu », met en garde la directrice de recherche. « Ils restent dans l’atmosphère plusieurs dizaines d’années, mais on voit, lorsque l’on fait des mesures satellites, que le trou dans la couche d’ozone ne s’agrandit plus et que la concentration des [CFC] diminue chaque année. »

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    Relevés satellites de l'état de la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique par le satellite IASI. Selon les scientifiques, la zone bleue signalant une faible concentration atmosphérique en ozone devrait retrouver des teintes jaunes/vertes d'ici trente à quarante ans.

    Image satellite fournie par Dr. Cathy Clerbaux

     

    AU CHEVET DE LA COUCHE D'OZONE

    Si le trou dans la couche d’ozone demeure une préoccupation environnementale majeure, l’annonce de sa réduction est un immense soulagement pour la communauté internationale.

    En plus d’être la preuve concrète des capacités de coopération internationale sur le sujet de l’environnement, sa diminution éloigne également le spectre de problèmes bien plus graves.

    « L’ozone est le seul gaz dans l’atmosphère qui filtre les UV B et C », explique Sophie Godin-Beekmann, directrice de recherche au CNRS et présidente de la Commission internationale sur l’Ozone. « Leurs principales menaces pour la santé sont les cancers de la peau, le vieillissement cutané, les cataractes oculaires, [et] l’affaiblissement du système immunitaire. »

    Tout comme les rayons gamma ou X, les UV sont des rayonnements hautement énergétiques et peuvent avoir un lourd impact sur l’organisme. En cas de trop forte exposition, ils peuvent entraîner la destruction de l’ADN aussi bien chez l’Homme que chez tous les autres êtres vivants, aussi bien animaux que végétaux.

    « [Sans la couche d’ozone], les UV auraient causé des dommages […] qui auraient eu un impact sur les cultures et la sécurité alimentaire », ajoute la scientifique.

    Cantonnés à l’Antarctique, leurs dégâts sont limités et en claire diminution. Également surveillée par les scientifiques, la santé de la biodiversité locale semble heureusement avoir été épargnée par les effets d’une exposition chronique aux UV.

    « Il n’y a pas beaucoup de biodiversité sur le continent antarctique, à l’exception de la péninsule, et le trou d’ozone se produit quand le soleil est encore bas sur l’horizon », précise Mme Godin-Beekmann. « Il y a eu des études sur l’effet du trou d’ozone sur les organismes marins et le phytoplancton marin, mais sans résultats majeurs […], car les effets sur le phytoplancton peuvent être multifactoriels. »

    La régénération de l’ozone est due à l’équilibre entre les différentes formes d’oxygène dans l’atmosphère. D’une part, le dioxygène est composé d’une paire d’atomes d’oxygène et est la forme la plus courante en basse altitude. De l’autre, l’ozone est un assemblage de trois atomes d’oxygène et se retrouve en majorité dans la stratosphère.

    À ce niveau de l’atmosphère, les deux formes sont présentes en équilibre et passent de l’une à l’autre selon un phénomène appelé cycle de Chapman. Induit par l’exposition des molécules au rayonnement solaire, il permet la transformation des molécules de dioxygène en ozone, et inversement.

    C’est ce cycle, présent et stable depuis plusieurs milliards d’années, qui a été perturbé par la présence de CFC. Après leur dégradation par les UV, les atomes de chlore libérés allaient réagir avec l’ozone pour former d’autres composés chimiques. Capturés dans d’autres molécules, les atomes d’oxygène ne pouvaient plus être intégrés au cycle, amenuisant peu à peu les réserves d’ozone dans l’atmosphère.

    L’arrêt des apports chlorés dans l’atmosphère a ainsi permis de mettre un frein à ce processus. Depuis, leur disparition est soigneusement surveillée par les scientifiques, notamment par le Laboratoire Atmosphères Observations Spatiales (Latmos), pour lequel travaillent Cathy Clerbaux et Sophie Gobin-Beeckmann.

    « Dans nos rapports, cela fait entre cinq et dix ans que nous prévoyons cette évolution et qu’il n’y a pas de surprise », expose Mme Clerbaux. « Il n’y a rien qui puisse empêcher le rétablissement, si ce n’est lorsque les pays ne suivent pas bien le protocole, comme cela a été le cas en 2018. »

    Selon la scientifique, les mesures ont par exemple permis la détection d’une augmentation des CFC au-dessus du Japon. En cause, une production de CFC en Chine qui a pu être retrouvée grâce à un pistage des courants aériens.

    « Le système fonctionne car nous avons des systèmes de surveillance au sol et par satellite. Cependant, cela pourrait aller plus lentement […], le climat se réchauffe [à la surface de la Terre] et, par équilibre du système, il se refroidit dans la stratosphère », poursuit la chercheuse. « Cela veut dire que le vortex polaire est lui aussi plus froid et que les nuages se forment davantage. Or, plus il y a de nuages, plus le chlore est capturé, et plus le processus est lent. »

    Ainsi, la couche d’ozone aurait dû être rétablie d’ici à 2060 selon les plus vieux rapports, contre presque 2070 à présent. Autre problème à prendre en compte : la récupération des CFC encore présents dans les plus vieux appareils électroménagers.

    « Il est important de récupérer et de traiter les gaz présents dans les vieux réfrigérateurs, par exemple. Il ne faut surtout pas qu’ils aillent dans l’atmosphère », conclut Cathy Clerbaux. « Mais une fois qu’il n’y aura plus de chlore dans l’atmosphère, il n’y aura plus de problème ! ».

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