Une immense masse d'algues brunes s'apprête à envahir les plages de Floride

Une efflorescence d'algues sargasses, accentuée par la pollution due aux engrais agricoles, devrait envahir les côtes de la Floride cette année : une menace à la fois sanitaire et économique pour cet État qui accueille de nombreux touristes durant l'été.

De Sarah Gibbens
Publication 18 avr. 2023, 16:21 CEST
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Des algues marines envahissent la côte du Gosier, une ville de l'île de la Guadeloupe, dans les Caraïbes, le 23 avril 2018. La grande ceinture de sargasses de l'Atlantique s'échouera sur les plages des Caraïbes et de Floride ce printemps et cet été.

PHOTOGRAPHIE DE Helene VALENZUELA, AFP, Getty Images

Une masse d’algues de 8 000 kilomètres de large s’approche actuellement des côtes de la pointe sud de la Floride, un phénomène qui devrait constituer une nuisance d’une ampleur inédite dans les prochains mois.

Du fait de son odeur nauséabonde et des risques sanitaires et environnementaux qu’elle entraîne, la grande ceinture de sargasses de l’Atlantique est devenue un véritable problème pour les baigneurs et les entreprises balnéaires de Floride et des Caraïbes dans les dix dernières années. Pourtant, les sargasses sont un élément naturel de la chaîne alimentaire dans les océans.

« Elles peuvent constituer une oasis au milieu de la vaste étendue de l’océan », explique Brian Barnes, chercheur en sciences marines à l’Université de Floride du Sud. Les bancs d’algues peuvent servir d’abri et de source de nourriture aux poissons et aux tortues de mer qui passent par là.

Voici ce que nous savons sur l’origine de cette immense formation d’algues, et sur les potentielles menaces qu’elle pourrait représenter.

 

D’OÙ VIENNENT CES ALGUES, ET OÙ VONT-ELLES ?

Des bénévoles et des employé.es municipaux ramassent des sargasses à Puerto Morelos, une ville portuaire de l'État de Quintana Roo, au Mexique, le 8 août 2018. Les amas d'algues donnent une couleur brune à l'eau et dégagent une odeur nauséabonde.

PHOTOGRAPHIE DE STR, AFP, Getty Images

Selon Barnes, la grande ceinture de sargasses de l’Atlantique est constituée d’un ensemble de nombreuses petites masses, dont certaines peuvent atteindre les 5 000 mètres carrés de superficie. Réunies, elles atteindraient environ la taille du département de la Drôme.

Les sargasses sont un genre d’algues brunes qui se laissent continuellement transporter par les courants marins. Contrairement à d’autres types d’algues comme le varech, qui est ancré sur le fond océanique peu profond, les sargasses sont adaptées à la vie en haute mer et prennent la forme de parcelles flottantes.

Une part non négligeable de ces algues sont réunies dans la mer des Sargasses, dans l’ouest de l’Atlantique, qui constitue un habitat océanique essentiel pour un nombre important de créatures marines, si bien qu’elle est parfois surnommée la « forêt tropicale flottante dorée ».

Constamment à la dérive, elles voyagent dans les océans, en suivant ses divers courants qui traversent notre planète tels des tapis roulants. Les amas qui se dirigent actuellement vers les plages américaines auront ainsi passé du temps au large de la côte occidentale de l’Afrique, puis en haute mer dans l’océan Atlantique, et enfin dans la mer des Caraïbes, où la plupart des sargasses résident habituellement à cette période de l’année.

D’après Barnes, les algues devraient entrer dans le golfe du Mexique, faire demi-tour, puis retourner dans l’océan Atlantique, en passant par le sud de la Floride entre les mois d’avril et de juin.

 

UNE MENACE GRANDISSANTE

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    Des résident.es retirent les sargasses des côtes de Puerto Morelos, dans l’État de Quintana Roo, au Mexique, le 15 mai 2019. Inquiets de l'augmentation des masses d’algues qui déferlent sur les plages des Caraïbes, des scientifiques, des hôteliers et des responsables gouvernementaux s’efforcent de trouver des moyens de s'en débarrasser.

    PHOTOGRAPHIE DE RODRIGO ARANGUA, AFP, Getty Images

    Bien que les sargasses existent depuis environ 30 millions d’années, les efflorescences de cette ampleur sont de plus en plus fréquentes et préoccupantes.

    « À notre connaissance, c’est en 2011 qu’une efflorescence aussi forte a eu lieu pour la première fois », révèle Barnes. 

    Les efflorescences algales nuisibles, telles que les marées rouges, peuvent être alimentées par la pollution ; et les sargasses n’échappent pas à la règle. Pour encourager la croissance de leurs cultures, les agriculteurs pulvérisent en effet des engrais qui libèrent des produits chimiques chargés de nutriments. Ces derniers s’écoulent ensuite dans les rivières et dans la mer, où ils sont déversés sur les plantes marines, ce qui soutient involontairement leur croissance.

    Dans les dix dernières années, le fleuve Amazone a été une source importante de ce phénomène, explique Cynthia Heil, directrice de l’Institut sur les marées rouges du Mote Marine Laboratory and Aquarium.

    Lorsque l’excès de sargasses s’accumule sur les plages, il peut provoquer une nuisance pour les entreprises qui comptent sur la propreté des plages pour assurer l’afflux des touristes et des baigneurs.

    Lorsqu’une importante prolifération de sargasses a touché la Riviera Maya, dans la péninsule du Yucatán, en 2018, les taux d’occupation des hôtels ont connu une chute brutale. Cette année, au mois de mars, ce même littoral s’apprêtait à recevoir près de 1 mètre d’algues.

    Cependant, les sargasses ne se contentent pas de bloquer l’accès aux plages : lorsqu’elles se décomposent, elles libèrent du sulfure d’hydrogène, un gaz qui dégage une odeur nauséabonde comparable à celle d’un œuf pourri. Selon le ministère de la Santé de Floride, ce gaz peut entraîner des irritations des yeux, du nez et de la gorge. En outre, de minuscules créatures marines, comme les méduses, peuvent vivre dans les sargasses et provoquer des irritations de la peau.

    En excès, l’algue peut également être nocive pour l’écosystème. La masse épaisse et entortillée peut en effet étouffer les récifs coralliens, les mangroves, mais aussi les minuscules créatures qui vivent dans la terre, comme les crabes et les palourdes.

    Selon les scientifiques, à ce jour, aucune solution n’existe pour se débarrasser facilement des sargasses. Leur élimination peut coûter des dizaines de millions de dollars.

    Hannah Farrow a contribué à la rédaction de cet article.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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