COP26 : le pacte sur le méthane rapproche les États de leurs objectifs climatiques

Porté par l'Europe et les États-Unis, cet engagement vise à réduire les émissions de ce gaz à effet de serre surpuissant de 30 % à l’horizon 2030.

De Alejandra Borunda
Publication 3 nov. 2021, 10:05 CET
cop26-methane

Mardi, plus de cent pays réunis à Glasgow pour la COP26 se sont engagés à réduire leurs émissions de méthane afin de limiter le réchauffement qu’il entraîne quand on le libère dans l’atmosphère, comme le font ces torchères de la réserve de Fort Berthold, dans le Dakota du Nord.

PHOTOGRAPHIE DE Gabriella Demczuk,The New York Times, Redux

Ce mardi, à la COP26 qui se tient à Glasgow, plus de cent pays se sont engagés à réduire leurs émissions de méthane de 30 % d’ici à 2030.

Dans un monde où tous les pays atteindraient cet objectif, nous pourrions déduire 0,2°C sur la note du réchauffement qui nous attend ces prochaines décennies. C’est une économie potentiellement substantielle qui pourrait, en toute théorie, nous permettre de maintenir le réchauffement planétaire sous la barre des 1,5°C.

Mais les plus gros émetteurs, comme la Chine, la Russie et l’Inde, n’ont pour le moment pas rejoint ce Pacte mondial pour le méthane. Ces pays sont responsables d’environ 35 % des émissions de méthane d’origine humaine.

La réduction des émissions de méthane « est non seulement une réponse au changement climatique à venir mais […] cela permettra aussi de brider celui que a lieu en ce moment », explique Ilissa Ocko, spécialiste de ce polluant au Fonds de défense de l’environnement.

Les États-Unis et l’Union européenne, respectivement troisième et sixième émetteur de méthane au monde, avaient annoncé ce pacte en septembre. Ils ont depuis reçu le soutien de plusieurs autres émetteurs importants comme le Brésil, l’Indonésie et le Nigéria. Selon les estimations de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), les signataires représentent à eux seuls plus de 40 % des émissions de ce gaz à effet de serre surpuissant.

Le méthane est extrêmement nocif mais il ne reste que très peu de temps dans l’atmosphère. La communauté scientifique ne cesse de le rappeler, toute mesure permettant de réduire rapidement sa concentration aurait donc des effets hors normes sur le climat dans les décennies qui arrivent. Qui plus est, les émissions de méthane peuvent souvent être réduites à très peu de frais.

Mardi, l’administration Biden a annoncé un plan de régulation des fuites de méthane sur plus d’un million de plateformes pétrolières aux États-Unis.

« C’est une chose sur laquelle il est vraiment gagnant-gagnant de se focaliser », assure Lena Höglund Isaksson, spécialiste du méthane à l’Institut international des systèmes d’analyse appliqués, en Autriche.

 

LES EFFETS BÉNÉFIQUES DE L'APPLICATION IMMÉDIATE DU PACTE

La réponse est physique. Quand il vient d’être libéré dans l’atmosphère, le méthane absorbe la chaleur de manière extraordinairement efficace : kilogramme par kilogramme, il piège environ cent fois plus de chaleur que le dioxyde de carbone. Mais alors que le CO2 subsiste dans l’atmosphère pendant des siècles, le méthane se transforme en grande partie en dioxyde de carbone ou est évacué en l’espace d’une dizaine d’années. Quand on étale les effets du méthane sur les vingt prochaines années (une façon de procéder assez courante lorsqu’on analyse la puissance de différents gaz à effet de serre), le méthane entraîne un réchauffement 80 fois plus important que le dioxyde de carbone à quantité égale. Sur cent ans, il réchauffe la planète 30 fois plus.

C’est une réalité intimidante mais, selon Kathleen Mar, spécialiste en chimie de l’atmosphère de l’Institut allemand des études avancées sur le développement durable, c’est aussi une occasion en or. Le méthane est si puissant qu’en rognant ne serait-ce qu’un peu sur la quantité qu’on émet, on peut limiter drastiquement l’augmentation de la température. Et comme il ne reste pas longtemps dans l’atmosphère, sa concentration chute relativement vite quand on en réduit les émissions. A contrario, la concentration atmosphérique du dioxyde de carbone ne pourra diminuer qu’à condition que les émissions mondiales s’approchent de zéro.

S’il est tenu, le Pacte mondial pour le méthane pourrait « s’avérer suffisant pour infléchir la courbe d’un point où les émissions augmentent […] à un point où elles commencent vraiment à diminuer, ce qui représente un changement de taille », explique Kathleen Mar.

Au mois de mai, le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) a publié un rapport sur le méthane qui montre que, sans faire beaucoup d’efforts et avec les technologies actuelles, les émissions pourraient être réduites de 45 % à l’horizon 2030.

Des chercheurs ont découvert qu’une réduction aussi importante réduirait le réchauffement d’environ 0,3°C. Une réduction de 30 %, soit la proportion indiquée dans le pacte, nous permettrait d’économiser environ 0,2°C.

« Le méthane peut nous aider à court terme à nous maintenir sous les objectifs fixés par [l’accord de Paris sur le climat] pendant que nous corrigeons le problème du CO2 », déclare Lena Höglund Isaksson.

 

COMMENT S'Y PRENDRE ?

La méthode pour mettre à exécution ces réductions des émissions de méthane reste une question ouverte. Chacun des pays du pacte fera comme il le souhaite.

Mais le choix est vaste puisque les humais sont responsables d’environ deux tiers des émissions de méthane et en font augmenter la concentration plus rapidement que jamais : la dernière fois qu’il y en a eu autant dans l’atmosphère, c’était il y a 800 000 ans.

Il serait difficile de réduire complètement ces émissions mais, selon Lena Höglund Isaksson, on peut commencer par les endroits évidents. L’industrie pétrolière est responsable de 30 à 40 % des émissions annuelles. C’est principalement dû à des fuites au niveau des puits, des gazoducs et des centres de traitement. (Les mines de charbon sont également une source).

Ces problèmes sont plus fréquents qu’on le pensait, et ce tout le long de la chaîne d’approvisionnement fossile. Aux États-Unis, la recherche de gisements dans le bassin permien, au Texas et au Nouveau-Mexique, est une source importante et croissante de méthane ; en Russie les fuites au niveau des gazoducs ont augmenté de 40 % en 2020 et ont continué d’augmenter cette année. De plus, une étude parue dernièrement au sujet des fuites de gaz naturel à Boston suggérait que les émissions des réseaux de distribution urbains pourraient être bien plus importantes que ce qu’on croyait.

Le rapport de l’UNEP estimait pour sa part que l’industrie fossile pourrait réduire 75 % de ses fuites de méthane à peu de frais, voire même à coût négatif ; c’est-à-dire que le secteur pétrolier pourrait à certains endroits gagner de l’argent tout en œuvrant pour la planète.

Les technologies pour identifier les fuites font des bonds de géant. De nouveaux satellites à haute résolution sont capables de repérer des fuites dans un rayon de quelques centaines de mètres, et d’autres devraient être mis en orbite ces prochaines années. Leurs données pourraient permettre aux entreprises intéressées de stopper leurs fuites et aux associations de défense de surveiller celles qui le font et celles qui ne le font pas. L’Observatoire international des émissions de méthane, qui a vu le jour récemment, a pour but de réunir des données de surveillance indépendantes.

« La clé, c’est que le secteur [pétrolier] sait déjà comment réduire ses émissions, d’un facteur 10 dans certains cas », affirme Steven Hamburg, spécialiste du méthane au Fonds de défense de l’environnement. « C’est vraiment agréable, quand vous avez des problèmes, de savoir comment vous en débarrasser. »

En 2016, l’Agence américaine de protection de l’environnement a mis en place des règles afin que les nouvelles infrastructures pétrolières soient minutieusement inspectées à la recherche de fuites de méthane. Ces règles, fragilisées par l’administration Trump, ont été réinstaurées en juin 2021 mais elles n’englobent qu’une partie des sources potentielles. L’administration Biden veut aujourd’hui étendre ces régulations pour inclure les infrastructures en activité et couvrir ainsi un plus large éventail de sources de méthane. Une « taxe » sur les fuites de méthane, qui ferait payer les émetteurs à partir d’un certain seuil, est également à l’étude au Congrès américain.

Il existe aussi des façons relativement simples de réduire les émissions de méthane, notamment en s’attaquant à une autre source majeure : les déchets. Du méthane est produit lorsque l’action des bactéries décompose la matière organique en déchets (qu’il s’aggise de nourriture, d’eaux usées ou de quoique ce soit qui a un jour été vivant). Celui-ci peut se retrouver piégé dans les stations d’épuration ou dans les décharges. L’Europe a déjà fait des progrès considérables et a réduit ses émissions liées aux déchets de 20 % depuis 2010. Dans le cas d’autres pays, il faudrait vraisemblablement investir massivement pour réaliser des réductions importantes.

L’agriculture, autre source majeure, représentera un défi plus difficile. Le bétail, la laiterie et la production de riz sont autant de domaines qui produisent des quantités astronomiques de méthane. Mais des solutions proportionnelles aux émissions de chacun d’entre eux sont à l’étude.

Même si la réussite du Pacte mondial sur le méthane serait inestimable, « nous ne devons jamais, jamais utiliser la réduction [des émissions de] méthane comme excuse pour ne pas agir immédiatement sur le CO2 », insiste Lena Höglund Isaksson. Mais Ilissa Ocko rappelle que c’est parce que le réchauffement planétaire a déjà atteint un niveau si désespéré que « nous avons besoin de ces deux stratégies à la fois : réduire le CO2 et le méthane […] Elles vont main dans la main. »

 

UNE OPTION MAGISTRALE

Le Britannique Alok Sharma, président de la COP26, a fixé l’objectif de la conférence : « maintenir la promesse des 1,5°C en vie ». Le but est d’inciter les pays à accélérer la réduction de leurs émissions de façon que la planète ne se réchauffe pas de plus de 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, un objectif qui avait été formulé pour la première fois en 2015 à l’occasion de l’accord de Paris sur le climat.

Cet objectif a pris de l’importance depuis 2015, car la communauté scientifique comprend mieux les coûts physiques, sociaux et économiques qu’engendre d’ores et déjà le dérèglement climatique. En 2018, un rapport du GIEC montrait que les risques pour les écosystèmes et les humains s’envolent quand le réchauffement dépasse 1,5°C. À 2°C, quelque 400 millions de personnes en plus seraient en proie à des épisodes caniculaires extrêmes. Les récifs coralliens « disparaîtraient en majorité ». À 1,5°C, il est possible que certains récifs survivent.

Un autre rapport du GIEC, publié en août, a corroboré le discours selon lequel à chaque dixième de degré supplémentaire les conséquences s’intensifient. Les épisodes caniculaires brutaux qui ne se produisaient que tous les 50 ans environ par le passé surviendront 8,6 fois plus souvent dans un monde à 1,5°C et presque 14 fois plus dans un monde à 2°C. Les vagues de chaleur semblables à celle qu’a connu l’Ouest de l’Amérique du Nord cet été seront encore plus fréquentes.

Mais pour le moment, les pays n’ont même pas présenté de plans permettant de nous maintenir ne serait-ce que sous les 2°C, et ils ont encore moins commencé à agir… Si on compile les « contributions déterminées au niveau national » (ou NDC) proposées par les pays en amont de la COP26, nous sommes sur la trajectoire des 2,7°C.

Toute mesure capable de juguler rapidement l’augmentation de la température pendant qu’on travaille à réduire les émissions d’origine fossile sera donc précieuse. Le méthane, affirme Ilissa Ocko, « est un excellent point de départ ».

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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