Pour les jeunes militants écologistes, la pandémie est un point de bascule

Les jeunes militants écologistes sont plus déterminés que jamais à inciter les hommes et femmes politiques à répondre à la crise climatique avec le même degré d’urgence que celui accordé à la crise sanitaire.

De Laura Parker
Publication 26 avr. 2021, 17:05 CEST
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En partant de haut à gauche, dans le sens des aiguilles d’une montre : Alexandria Villaseñor, Ghslain Irakoze, Kehkashan Basu, Mayumi Sato, Rosie Mills et Felix Finkbeiner.

PHOTOGRAPHIE DE PHOTOS (EN PARTANT DE HAUT À GAUCHE, DANS LE SENS DES AIGUILLES D’UNE MONTRE) : VICTORIA WILL, Thomas Jamieson, Rebecca Hale, Thomas Jamieson, Thomas Jamieson, Dana Scruggs

Pour Alexandria Villaseñor, une jeune militante écologiste, dans le lot des traumatismes de l’année passée, l’un est révélateur de notre avenir climatique commun. C’était l’été dernier, lorsque la fumée toxique des feux de forêt de Californie s’est répandue dans tout le nord de l’État alors que le coronavirus obligeait la population à se confiner.

« Les commerces étaient fermés ou n’autorisaient personne à rentrer parce que c’était dangereux », explique-t-elle. « Mais l’indice de qualité de l’air dépassait les 300 à l’extérieur, ce qui était également dangereux. Je me demandais quel masque je devais porter pour me protéger de la fumée des feux de forêt et de la COVID. Comment pouvais-je me protéger de ces deux menaces ? »

Alexandria, 15 ans, est inquiète de voir se succéder des épisodes de sécheresse et la hausse des températures induites par le changement climatique qui ont fait de la Californie une poudrière. Elle estime que sa vie d’adulte se déroulera dans un monde tellement impacté par le changement climatique qu’il sera méconnaissable. Elle pense qu’il sera trop tard pour contrer les conséquences sur la planète avant même qu’elle ait l’âge légal de boire une bière.

L’arrivée d’un virus qui se propage dans l’air et qui a déjà tué plus de trois millions de personnes dans le monde n’a fait que décupler ses angoisses. Elle a passé une partie de son année à trouver de nouveaux moyens pour gérer son inquiétude. Elle s’est essayée aux travaux manuels et elle a adopté un chat. En tant que fondatrice de Earth Uprising, un groupe de sensibilisation pour le climat, elle a également passé de nombreuses heures sur Zoom aux côtés d’autres militants écologistes. Ensemble, ils ont tenté de renforcer le mouvement à l’origine de manifestations de millions de jeunes en 2019. Lorsque la pandémie baissera en intensité, ils seront encore mieux préparés et plus nombreux pour manifester, explique-t-elle.

« Nous avons rentabilisé ce temps en recrutant et en sensibilisant de nouveaux militants. [Nous avons aussi] préparé nos évènements, nos campagnes et nous avons travaillé ... sur notre communication et nos techniques. Nous sortirons de cette pandémie bien plus forts. »

L’année dernière, à l’occasion d’un numéro spécial de National Geographic pour la Journée de la Terre, j’ai dressé le portrait de plusieurs jeunes militants pour le climat. Le numéro a été publié juste au moment où la pandémie s’installait. Quelques semaines avant la Journée de la Terre 2021, je les ai contactés pour savoir comment ils allaient.

D'après ce que nombre d’entre eux m’ont confié, la pandémie leur a appris que les politiques étaient capables de prendre des mesures pour faire face à une menace imminente. Les jeunes militants sont plus déterminés que jamais à inciter les dirigeants à répondre à la crise climatique avec le même degré d’urgence. 

« La COVID, c’est le point final du message que ces jeunes essaient de faire passer à propos du changement climatique : la Terre est déséquilibrée », déclare Lise Van Susteren, psychiatre à Washington D.C. Elle est la co-fondatrice de Climate Psychiatry Alliance, un organisme qui sensibilise sur le changement climatique et la santé mentale. « Nous vivons l’instant qui précède cette question : qu’allons-nous faire ensuite ? »

 

S’ADAPTER À UN NOUVEAU QUOTIDIEN

Rabab Ali, 12 ans, et son frère, Ali Monis, 8 ans, ont tous deux porté plainte contre le gouvernement pakistanais pour le droit de vivre dans un environnement sain. Avec l’arrivée de la pandémie, la vie quotidienne de leur pays a été tellement bouleversée que la lecture est devenue la seule activité que leur famille pratiquait, explique Qazi Athar Ali, leur père, avocat spécialisé dans l’environnement.

Dans d’autres pays, les militants se sont organisés sur Internet. Au Rwanda, Ghislain Irakoze, 21 ans, a fondé Wastezon, une entreprise qui a aidé à envoyer près de 460 millions de tonnes de déchets électroniques dans des usines de recyclage. Il a passé le plus clair de son temps à collaborer avec des représentants de l’Union Européenne et de la Banque africaine de développement pour développer son activité. Il s’est également occupé de son potager et il a fait du sport pour se maintenir en forme. Le passage au numérique lui aura permis d’adopter une résolution pérenne : réduire ses déplacements aériens. En 2016, il avait pris vingt-six vols pour assister à des conférences.

« En optant pour les conférences à distance, j’ai compris qu’il était possible de réduire encore mes émissions carbone. »

Kehkashan Basu, 20 ans, s’est confinée avec ses parents à Toronto. Elle a trouvé le moyen de poursuivre ses efforts avec la Green Hope Foundation, l’association qu’elle a fondée au Bangladesh et au Libéria. Là-bas, des bénévoles ont distribué des masques, du savon, des assainisseurs d’eau, des couvertures et des kits de protection menstruelle dans les villages touchés par la COVID-19. L’organisme a également installé des toilettes au Bangladesh ainsi que des panneaux solaires sur les toits des maisons, un centre social et une école au Libéria.

« Nous avons essayé de faire de notre mieux pour faire de ces défis des opportunités à toutes les étapes », déclare-t-elle. « Je m’inquiétais de la progression de mon travail et de la promotion de la Green Hope Foundation, puisque nos actions sont essentiellement basées sur le terrain. Mais j’ai réalisé que la technologie était un outil que l’on pouvait utiliser pour mettre les gens en relation à travers le monde... Dans les pays où le confinement était moins strict, les bénévoles ont pu rendre visite aux communautés et poursuivre leur travail. »

Felix Finkbeiner, 23 ans, a fondé l’association à but non lucratif Plant-for-the-Planet qui milite pour la plantation d’arbres. Lui aussi a dû se réorganiser après que la pandémie l’a forcé à annuler ses conférences en Europe et à suivre ses cours en ligne. Il a déménagé dans un village reculé du Yucatán au Mexique afin de participer au plus grand projet de plantation de son association. Il vise à planter cent millions d’arbres d’ici à 2030 pour repeupler une forêt sévèrement dégradée par l’exploitation forestière. Également jeune explorateur pour National Geographic, il collabore avec des scientifiques pour mettre en place des expériences de reforestation à grande échelle.

Mayumi Sato, 26 ans, est originaire du Japon mais a entrepris un doctorat au Royaume-Uni. Elle a participé à de nombreux programmes de recherche autour d’autres enjeux mondiaux que la pandémie a mis en évidence tels que le racisme ou les droits de l’Homme.

« Il n’y a pas besoin d’une pandémie pour comprendre les débats autour du mouvement Black Lives Matter ou du racisme anti-asiatique. Toutefois, elle nous a donné du temps pour se rendre compte que même dans un monde sans COVID, les personnes de couleur ont perdu la vie à cause d’injustices structurelles chaque jour. »

 

MODÉRER SON OPTIMISME

La célébration de la Journée de la Terre 2021 offre une vision sur l’avenir bien plus prometteuse que l’année dernière à bien des égards. Delhi a pu jouir d’un ciel bleu après la forte réduction du trafic dans la capitale indienne. Les États-Unis ont réintégré l’accord de Paris. Le président Joe Biden a profité de la Journée de la Terre pour annoncer un programme ambitieux visant à réduire les émissions carbones de moitié à l'horizon 2030.

Pourtant, demander à ces jeunes militants si toutes ces prouesses leur donnent foi en l’avenir, c’est leur poser la mauvaise question, estiment-ils. Rosie Mills, 20 ans, est une militante britannique et étudie à l’université de Glasgow en Écosse. Elle ne souhaite pas s’exprimer pas tant qu’elle ne voit pas quelles mesures concrètes seront prises.

« Pour être honnête, le fait que les États-Unis reviennent dans l’accord de Paris, c’est pour moi la moindre des choses si le monde veut lutter contre le changement climatique. C’est une bonne chose qu’un si grand pays ait cessé de s’engager contre les mesures pour le climat mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. »

Kehkashan Basu, exploratrice émergente National Geographic, voit dans l’administration de Biden des perspectives qui n’existaient pas chez son prédécesseur. Néanmoins, la pandémie lui a permis de tirer une leçon encore plus pertinente sur la question des dirigeants. « La pandémie m’a conforté dans l’idée que les femmes font de meilleures dirigeantes. Les pays qui se sont le mieux remis de la COVID avaient tous des femmes à la tête de leur gouvernement. »

Jamie Margolin, 19 ans, est l’une des fondatrices du groupe militant pour la climat Zero Hour. Elle est aujourd’hui étudiante en cinéma à l’université de New York. Elle explique qu’elle est sans cesse questionnée sur l’espoir et l’optimisme. Bien que certaines de ses journées soient rythmées par des « lueurs d’espoir », elle estime qu’il n’est pas nécessaire que tout le monde soit optimiste.

« Je suis épuisée et j’ai vécu assez de choses pour savoir que c’est en faisant des projets que l’univers se moque de vous. Je ne sais pas si j’ai de l’espoir mais je me lève chaque matin et j’agis comme je le peux pour voir s’il y aura [un avenir]. Ça peut sembler sinistre, mais c’est la vérité. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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