Premier vol historique pour la Falcon Heavy de SpaceX

Le lancement tant attendu de la Falcon Heavy a eu lieu hier soir, mardi 6 février.

De Michael Greshko
Publication 7 févr. 2018, 14:56 CET
La fusée SpaceX Falcon Heavy décolle du lanceur 39A au Centre spatial Kennedy, en Floride, le 6 février.
PHOTOGRAPHIE DE Jim Watson, AFP, GETTY IMAGES

Un ballet astronautique extraordinaire s'est produit dans le ciel de la Floride mardi 6 février, alors que la Falcon Heavy de SpaceX réussissait son test de lancement.

Le premier lancement dans l'orbite de la Terre de la fusée Falcon Heavy, la plus puissante au monde, capable de transporter 70 tonnes de chargement, était très attendu. Seule la fusée Saturn V qui avait abrité les missions lunaires de 1969 et 1972 était jusqu'alors capable de transporter une telle charge.

« J'essaie toujours de réaliser ce qu'il vient de se passer. C'est assez surréel pour moi, » a confié Elon Musk, PDG de SpaceX lors d'une conférence de presse après le lancement de la désormais célèbre fusée. « J'avais cette image d'une explosion, d'une roue qui se détache, et d'un logo SpaceX quelque part par là, mais heureusement, ce n'est pas ce qui s'est produit. »

Le jour du vol test, l'excitation était omniprésente dans le Centre spatial Kennedy de la NASA. À 15h45 heure locale (21h45 heure de Paris), les 27 moteurs Merlin de la Falcon Heavy ont rugi si fort que l'on pouvait entendre ce cri triomphant à des kilomètres à la ronde. La fusée s'est élevée dans le ciel bleu de Cap Canaveral, en Floride, commençant son ascension comme prévu, transportant une voiture électrique Tesla rouge avec la chanson de David Bowie, Space Oddity, en fond sonore.

Deux boosters du Falcon Heavy reviennent au Centre spatial Kennedy quelques minutes après le lancement de la fusée.
PHOTOGRAPHIE DE Jim Watson, AFP, GETTY IMAGES

En huit petites minutes, les boosters latéraux de la Falcon Heavy se sont détachés du corps principal, pirouettant dans les airs avant de redescendre sur Terre.

La section centrale de la fusée a continué son ascension avant de larguer la partie haute de l'engin spatial.

Quelques minutes après que The Verge a annoncé la nouvelle, Elon Musk a confirmé que le corps central de la Falcon Heavy avait manqué son terrain d'atterrissage, comme beaucoup le craignaient. Elon Musk explique cet échec par le niveau trop bas de triéthylborane, qui agit comme un gaz propulseur. Tous les boosters ne se sont pas rallumés pendant la descente, accélérant de fait la chute.

« Apparemment, il a atteint l'eau à 482 kilomètres par heure, » a indiqué Elon Musk, qui ajoute que la collision avait détruit deux des engins.

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    Cet accroc n'éclipse en rien le succès global du lancement de la Falcon Heavy. La partie haute de la fusée s'est parfaitement séparée du corps central, transportant en son sein le Roadster Tesla et un astronaute factice. Le véhicule aurait passé environ cinq heures dans la Ceinture de Van Allen, une zone toroïdale de la magnétosphère de la Terre entourant l'équateur magnétique et contenant une grande densité de particules énergétiques. 

    Les radiations n'ont apparemment pas endommagé la partie haute de l'engin spatial. À 22h46 heure locale, Elon Musk a confirmé dans un communiqué diffusé sur Twitter que la partie haute avait eu assez de puissance pour transporter la Tesla au-delà des confins de la gravité terrestre.

    Comme un nouveau couplet de la chanson de Bowie, la voiture flotte désormais d'une manière bien singulière, dans une danse orbitale elliptique autour du soleil qui l'emportera de l'orbite de la Terre à la ceinture d'astéroïdes avant de revenir.

    SpaceX explique que la Tesla rouge pourrait flotter de manière stable dans l'immensité de l'espace pour des millions d'années. Et pendant un moment les trois caméras montées sur la voiture permettront d'observer cette course cosmique inédite.

    « C'est une voiture tout ce qu'il y a de plus normal, mais dans l'espace. J'aime l'absurdité de cette situation, » a déclaré Elon Musk.

     

    LA COURSE AU RECYCLAGE SPATIAL

    La Falcon Heavy est le puissant symbole de la course des entreprises spatiales privées à l'assaut de l'univers, notamment par le recyclage des engins spatiaux.

    La plupart des fusées sont pensées en plusieurs parties, ou étages, qui aident à propulser les charges utiles - les satellites et les capsules habitées - dans l'espace. Les étages se détachent en vol et retombent sur Terre. Dans bien des cas, ces éléments ne sont pas réutilisés.

    Mais depuis 2008, SpaceX a signé plusieurs premières aérospatiales historiques, d'abord avec la fusée Falcon 9, un lanceur qui avait déjà été envoyé dans l’espace et a voyagé une seconde fois avant de regagner la Terre, constituant une avancée importante pour des voyages spatiaux moins coûteux. 

    « Ça a été un véritable coup de semonce, » estime John Logsdon, expert en politique spatiale à l'université George Washington.

    Le 30 mars dernier, à Cape Canaveral en Floride, Space X a réussi à faire décoller pour la toute première fois une fusée réutilisée, un défi relevé avec succès.
    PHOTOGRAPHIE DE Space X

    Maintenant que la Falcon Heavy semble être en état de marche, SpaceX entend bien révolutionner tout le secteur astronautique et aéronautique.

     

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    D'une certaine manière, la Falcon Heavy est une anomalie dans le secteur aérospatial. SpaceX a réussi à transformer le marché des satellites en améliorant constamment la Falcon 9, et en réduisant ses performances.

    Mais il est peu probable que la Falcon Heavy transporte un jour des hommes dans l'espace. Musk indique que la Falcon Heavy ne passera probablement pas les tests de certification très exigeants auxquels les missions habitées doivent se conformer. Au lieu de cela, SpaceX développera son Big Falcon Rocket, ou BFR, un vaisseau spatial gigantesque doté d'un propulseur de 31 moteurs, qui s'inscrirait dans la vision qu'a Musk d'un avenir humain interplanétaire.

    Voici où se situe le Falcon Heavy de SpaceX sur l'échelle des engins spatiaux lourds ayant réussi à transporter des cargaisons, et dans certains cas des équipages, dans l'espace.
    PHOTOGRAPHIE DE Dan Steinmetz

    Cela peut sembler ambitieux, mais pour Elon Musk le BFR sera bientôt une réalité. Devant un parterre de journalistes pour le moins suspicieux, Elon Musk a déclaré que le bilan du lancement de la Falcon Heavy conduirait naturellement SpaceX à tester le vaisseau BFR l'année prochaine. Qui plus est SpaceX vise à lancer des missions habitées sur Mars d'ici 2022. Ceci étant Musk lui-même reconnaît que cette ambition très agressive n'est qu'une aspiration. Il faut rappeler que la finalisation de la Falcon Heavy a été maintes fois reportée, et qu'il en ira sans doute de même pour le BFR.

    Entre temps, il est possible que la Falcon Heavy joue à l'avenir un rôle plus important, envoyant par exemple des instruments plus petits dans le système solaire avec une rapidité étonnante. Alors que le Conseil national de l'espace de l'administration Trump débat en ce moment de l'avenir de l'exploration spatiale, il est également possible que la Falcon Heavy figure en bonne place dans les plans de la NASA de renvoyer les Hommes sur la Lune ou de les envoyer encore plus loin.

    « La Falcon Heavy peut lancer des objets ou des capsules sur Pluton et au-delà. Elle peut lancer des satellites, elle peut tout faire » s'enthousiasme Musk.

    Mais le chemin de la reconnaissance est encore long pour la Falcon Heavy. Pour des missions de la NASA par exemple, toute fusée doit être testée et considérée comme fiable. Le lancement d'hier montre qu'il n'y a pas de défauts de conception pouvant entraîner la mort, mais d'autres lancements seront nécessaires pour prouver la viabilité à long terme de la fusée.

    Par ailleurs SpaceX n'est pas seul sur le marché. La journaliste Loren Grush relevait déjà en mai 2017 que SpaceX et ses concurrents se livraient à une course effrénée pour construire des fusées de plus en plus puissantes pouvant dépasser le Space Launch System ou SLS, un lanceur spatial lourd américain développé par la NASA depuis 2011 et dont le premier vol est planifié en 2019.

    Peu importe si ces lancements gagnent le cœur du public et font signer des contrats à SpaceX. Musk et les autres acteurs privés de l'aérospatial sont résolus à ce que ces avancées techniques et ces idées innovantes puissent à jamais changer l'exploration spatiale.

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