Mars : InSight détecte les premières ondes sismiques d'un impact de météoroïde

Alors que sa mission touche à sa fin, l'atterrisseur de la NASA continue de faire avancer la science avec des observations inédites sur la planète rouge.

De Nadia Drake
Publication 23 sept. 2022, 20:59 CEST
L'image révèle en détail les contours du cratère d'impact, avec une accumulation de roches visible le ...

L'image révèle en détail les contours du cratère d'impact, avec une accumulation de roches visible le long des parois internes et externes de la crête. Cela indique un cratère plutôt récent, car il n'a pas encore subi de modification majeure. Cette forme peu commune est probablement le résultat de sa formation.

PHOTOGRAPHIE DE Image by NASA, JPL-Caltech, University of Arizona

À quelques millions de kilomètres, un vaillant engin spatial s'efforce d'enregistrer les frémissements du monde écarlate qui s'étend sous ses pieds, alors même que la fin de sa vie approche à grands pas.

Débarqué sur Mars en 2018, l'atterrisseur InSight de la NASA n'a pas été conçu pour regarder autour de lui, mais plutôt pour sentir la planète trembler, mesurer ses secousses et aider les scientifiques à cartographier les entrailles de notre chère voisine. Cependant, l'engin ne s'est pas arrêté là, il a également relevé les soubresauts d'une planète pilonnée de roches spatiales : InSight a détecté les signatures d'au moins quatre impacts de météorites sur la planète Mars et les scientifiques ont identifié les cratères correspondants sur les images prises en orbite.

« Ces observations sont fascinantes » déclare Elizabeth Silber de l'université Western au Canada, qui étudie des phénomènes similaires, sans être impliquée dans les récentes observations de la NASA. « C'est génial d'être arrivé à un stade où l'on dispose des technologies nécessaires pour détecter des signatures sismiques et les lier à des impacts sur une autre planète. »

Sur Terre, les scientifiques ont réussi à établir ce lien une seule fois. Sur la Lune, plus d'une centaine d'impacts ont fait vibrer les sismomètres de l'époque Apollo, mais aucun n'a pu être lié aux cratères correspondants. Désormais, les scientifiques peuvent utiliser le bombardement cosmique de la planète Mars pour affiner les cartes de sa structure interne.

« Avec ces impacts, le grand avantage est que nous connaissons la localisation de la source, » indique Raphaël Garcia, chercheur au sein de l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace de Toulouse et auteur principal d'un article décrivant les impacts publié le 19 septembre dans la revue Nature Geoscience. « Les seules inconnues concernent la structure interne. »

Malheureusement, avec ses panneaux solaires recouverts de poussière, le temps de l'atterrisseur InSight est compté et les responsables de la mission ont beaucoup de mal à le voir passer la fin d'année.

« Nos projections optimistes, mais plausibles nous amènent au mois de janvier, mais il est fort probable qu'un pic de poussière atmosphérique se produise d'ici là et que nous ne soyons pas en mesure de le surmonter, » explique Bruce Banerdt, principal investigateur de la mission InSight au sein du Jet Propulsion Laboratory de la NASA.

 

TREMBLEMENTS DE MARS

À son arrivée sur Mars, InSight s'est posé sur le site le moins intéressant de la planète identifié par les membres de son équipe : Elysium Planitia, une plaine de sable dénuée de relief au niveau de l'équateur.

« Je suis très, très content que nous ayons trouvé un site d'atterrissage à l'apparence aussi sûre et ennuyeuse. C'est exactement ce que nous recherchions, c'est ce que m'avaient promis les collègues chargés de sélectionner le site d'atterrissage, » plaisantait en 2018 Tom Hoffman, responsable du projet InSight, une fois l'atterrissage réussi. « Ils m'avaient promis du sable et pas de roche. Mais il y en a quand même une, je vais devoir leur en toucher deux mots. »

Contrairement à ses homologues intéressés par les plus spectaculaires des terrains martiens, comme les immenses volcans, les canyons vertigineux ou les calottes polaires, la mission d'InSight était de regarder sous la surface. Pour la mener à bien, les environs devaient être libres de toute distraction, tout en offrant suffisamment de lumière pour alimenter ses instruments. Peu de temps après l'atterrissage, InSight a déplié ses panneaux solaires et déployé un sismomètre incroyablement sensible pour surveiller les tremblements de la planète. Au gré de ces secousses, des ondes sismiques rebondissent et traversent la structure interne de la planète. Ces ondes véhiculent des informations sur les matières et les frontières traversées au cours de leur voyage, autant de précieux détails recueillis par les scientifiques pour élaborer des cartes de la croûte, du manteau et de l'étrangement large noyau de Mars.

En près de quatre années terrestres, InSight a mesuré plus de 1 300 secousses. Durant la majeure partie de la mission, l'intensité de ces tremblements de Mars était plutôt faible, mais au cours de la dernière année, une poignée de séismes plus importants ont ébranlé la planète. Le plus puissant d'entre eux est un séisme de magnitude 5 survenu en mai dernier, un phénomène que les scientifiques attendaient avec impatience. À présent, alors que l'alimentation de l'engin spatial se réduit de jour en jour, les responsables de la mission s'accordent sur un point : InSight a mené une belle vie. À l'exception d'un petit accroc, une sonde thermique incapable de s'enfoncer dans le sol martien comme prévu, la mission a rempli ses objectifs.

« Nous avons pu mettre en lumière la structure interne de Mars pour la première fois, au lieu d'un portrait flou basé sur les analogies avec la Terre, ou la Lune, » explique Banerdt. « Nous avons désormais une compréhension solide de Mars. Je ne dis pas que nous savons tout ce qui se passe à l'intérieur, mais nous connaissons les composants fondamentaux de la planète. »

 

IMPACTS EN SÉRIE

En plus de déchiffrer les mécanismes internes de la planète, les scientifiques souhaitaient également mesurer le taux de bombardement de Mars, la fréquence à laquelle des corps célestes s'écrasent sur la planète. Durant les deux premières années de la mission, l'équipe n'a détecté aucun impact.

Il s'est avéré par la suite que parmi les 1 300 séismes détectés par InSight, une partie était le fruit de météorites suffisamment grandes pour former un cratère. Trois de ces impacts se sont produits en l'espace de six mois en 2021 : le 18 février, le 31 août et le 5 septembre. Un impact antérieur, survenu en mai 2020, a laissé derrière lui un cratère de 11 mètres de longueur détecté par le Mars Reconnaissance Orbiter qui surveille la planète depuis 2006. L'identification de cette empreinte dans les données est quant à elle plus récente.

Garcia et ses collègues ont identifié les impacts en s'appuyant sur les ondes acoustiques caractéristiques produites par les météoroïdes en combustion dans l'atmosphère au cours de leur descente vers la surface. La nuit sur Mars, ces signaux sonores peuvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres à travers la couche inférieure refroidie de l'atmosphère. En combinant ces informations avec les ondes sismiques générées par l'impact, les scientifiques peuvent déterminer la trajectoire de l'objet et le site de la collision.

Lorsque les trois impacts se sont produits en 2021, Garcia indique que les ondes acoustiques étaient si puissantes que son équipe s'est demandé si elles étaient bien réelles. C'était bel et bien le cas ; et lorsque Mars Reconnaissance Orbiter a capturé des clichés des sites d'impact potentiels, il a découvert des cratères fraîchement formés. Les scientifiques ont ensuite examiné les données et découvert la signature acoustique de l'événement survenu en 2020.

« Il ne faisait aucun doute que ces phénomènes sismiques avaient été provoqués par ces événements formateurs de cratère, » témoigne Banerdt.

Les cratères mesuraient entre 4 et 8 m de diamètre, l'œuvre d'objets si petits qu'ils auraient probablement disparu en traversant l'atmosphère plus épaisse et protectrice de la Terre. En établissant un lien définitif entre un signal sismique et un cratère sur une autre planète, les scientifiques peuvent étudier les mécanismes énergétiques des collisions. Le taux de bombardement estimé est en accord avec les prévisions, même si l'équipe n'est pas en mesure d'expliquer un tel rapprochement temporel des trois dernières collisions ni l'absence d'impact au cours des deux premières années de la mission.

« Nous ne savons pas vraiment pourquoi, » admet Banerdt. « C'est tout à fait mystérieux. »

 

DERNIER SOUFFLE

Désormais, après quatre années à sonder la surface martienne, la mission d'InSight touche à sa fin. Le destin de l'engin est entre les mains des vents qui soulèvent le sable pourpre de la planète rouge, donnant parfois naissance à des tourbillons de poussière et à des tempêtes aux dimensions planétaires. Une épaisse couche de sable recouvre déjà les panneaux solaires de l'engin spatial, bloquant les rayons du Soleil qui alimentent l'atterrisseur et ses instruments. En mai, compte tenu de la perte de puissance, les responsables de la mission estimaient que le sismomètre d'InSight pourrait survivre jusqu'à la fin de l'été, en fonction de la météo locale.

« C'est la saison des tempêtes de poussières sur Mars, une période très mouvementée, » expliquait Banerdt à National Geographic à l'époque. « Même si InSight n'est pas directement touché par une tempête, il y en a partout sur la planète et elles risquent de soulever des poussières dans l'atmosphère qui pourraient affecter la quantité d'énergie solaire que nous recevons. »

« Cela dit, avait-il poursuivi, nous sommes devenus très doués pour trouver des trèfles à quatre feuilles. »

Depuis le mois de mai, Mars s'est montrée plus clémente envers notre atterrisseur.

« La quantité de poussière est restée plutôt stable – elle a même diminué légèrement – et notre puissance a augmenté, juste un peu, sur le dernier mois, » nous informe Banerdt. « Néanmoins, toutes nos données historiques suggèrent que la quantité de poussière dans l'atmosphère va augmenter considérablement au cours des prochaines semaines. »

Avec un peu de chance, InSight pourrait continuer à prendre le pouls de la planète jusqu'à la fin de l'année, voire le début de l'année prochaine. Avec beaucoup de chance, un tourbillon de poussière pourrait passer droit sur le perchoir de l'atterrisseur au beau milieu d'Elysium Planitia et nettoyer ses panneaux solaires pour lui permettre d'absorber un maximum de lumière.

Et pourquoi pas ? Après tout, Mars est un monde capricieux, une planète riche de promesses et de périls. C'est un monde qui a séduit les scientifiques avec le spectre de la vie tout en contrecarrant les efforts visant à la détecter, un monde à la fois si proche de la Terre et si hostile à la vie telle que nous la connaissons.

Un monde où, sous le bleu envoûtant des couchers de Soleil, même les robots n'ont pas la vie éternelle.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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