Découvrez les premières observations du nouveau télescope terrestre géant

Au cours de la prochaine décennie, l’observatoire Vera Rubin devrait découvrir 20 milliards de nouvelles galaxies.

De Paola Rosa-Aquino
Publication 24 juin 2025, 16:03 CEST
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On s'attend à ce que l'observatoire Vera C. Rubin découvre 20 milliards de galaxies au cours de la prochaine décennie.

PHOTOGRAPHIE DE Image de l'observatoire NSF-DOE Vera C. Rubin

Perché haut dans les contreforts des montagnes de la cordillère des Andes au Chili, un nouveau télescope spatial révolutionnaire vient de capturer ses premiers clichés du cosmos. Et ils sont spectaculaires.

Les astronomes ont des étoiles plein les yeux de ces premières images publiées par l’observatoire Vera C. Rubin, qui montrent l’Univers dans ses moindres détails : des collisions cosmiques violentes aux nébuleuses éloignées. Du jamais vu.

« Il s’agit vraiment d’un bon instrument. Sa profondeur et son large champ de vision nous permettent de capturer de très belles images des étoiles, surtout des étoiles qui sont moins lumineuses », explique Christian Aganze, archéologue galactique de l’université de Stanford, qui utilise les données de l’observatoire pour étudier la formation et l’évolution de la Voie lactée. « Nous entrons à présent dans une nouvelle ère. »

L’observatoire embarque quelques composants importants, comme un télescope géant, le télescope d’études Simonyi, connecté au plus grand appareil photo au monde, à la meilleure résolution numérique de la planète. Le miroir primaire de l’observatoire, de 8,4 mètres de diamètre, couplé à un appareil photo à la résolution délirant de 3 200 mégapixels, capture de manière répétée des images avec une durée d’exposition de 30 secondes de vastes parties du ciel avec une vitesse et des détails sans nul pareil. Chaque image couvre une partie du ciel aussi grande que quarante pleines lunes.

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Le télescope d’études Simonyi vu de nuit à l’observatoire Vera C. Rubin, au Chili, le 30 mai 2025.

PHOTOGRAPHIE DE Tomás Munita, National Geographic

Toutes les trois nuits au cours des dix prochaines années, l’observatoire Vera C. Rubin produira une nouvelle carte ultra-haute définition de toute la partie sud du ciel visible. Avec autant de couverture, les scientifiques espèrent créer un « film », à jour et détaillé, qu’ils pourront utiliser pour observer les changements du cosmos au fil du temps.

« Parce que nous prenons des photos du ciel nocturne si vite et si souvent, nous détecterons des millions d’objets changeant toutes les nuits. Nous combinerons également ces images pour être en mesure d’apercevoir des galaxies et des étoiles quasiment invisibles tant leur lumière est faible, y compris des galaxies à des milliards d’années-lumière de nous », se réjouit Aaron Roodman au cours d’une conférence de presse, en juin. Il dirige le programme de l’appareil LSST (Large Synoptic Survey Telescope, grand télescope d’étude synoptique) de l’observatoire Vera C. Rubin et est le directeur adjoint de la construction de l’observatoire.

« Cela a été incroyablement exaltant de voir l’observatoire Rubin commencer à capturer des clichés. Cela va nous permettre d’explorer des galaxies, des étoiles de la Voie lactée, des corps célestes du système solaire, tout ceci d’une toute nouvelle manière. »

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    Cette image montre une autre petite section de la vue totale de l’amas de la Vierge photographiée par l’observatoire Vera C. Rubin. On peut voir deux galaxies spirales importantes (en bas à droite), trois fusions de galaxies (en haut à droite), quelques groupes de galaxies distantes, de nombreuses étoiles de la galaxie de la Voie lactée, et bien plus encore.

    PHOTOGRAPHIE DE Image de l'observatoire NSF-DOE Vera C. Rubin

     

    DES GALAXIES À PERTE DE VUE

    La première série d’images prises grâce à l’appareil photo numérique conçu à cet effet, dévoile l’Univers avec des détails époustouflants. Les chercheurs ont combiné sept heures d’observation en une seule image qui capture les anciennes lumières diffusées par la nébuleuse de la Lagune et la nébuleuse Trifide. Ces vastes nuages de gaz et de poussière interstellaires sont respectivement situés à 4 350 et 4 000 années-lumière de nous.

    Deux autres photos montrent la vue du télescope de l’amas de la Vierge, un mélange de presque 2 000 galaxies elliptiques et spirales. Des étoiles scintillantes de notre voisinage cosmique brillent parmi les systèmes tentaculaires d’étoiles, de gaz et de poussière maintenus par la gravité.

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    Gauche: Supérieur:

    William O’Mulane, adjoint au directeur de projet spécialisé en logiciel, regarde des clichés capturés par l’observatoire Vera C. Rubin, au Chili, le 30 mai 2025.

    Droite: Fond:

    Le spécialiste de l’observation, Lukas Eisert, au centre de contrôle de l’observatoire Vera C. Rubin, au Chili, le 30 mai 2025.

    Photographies de Tomás Munita, National Geographic

    Les images de l’amas de la Vierge capturées par l’observatoire montrent également le ballet chaotique de la fusion de galaxies, un procédé qui joue un rôle crucial dans l’évolution des galaxies.

    « Les images de l’amas de la Vierge sont à couper le souffle », s’émerveille Christian Aganze. « Le niveau de détails, de la fusion de galaxies à large échelle aux détails de la structure en spirale des galaxies individuelles, des galaxies encore plus éloignées en toile de fond, des étoiles de la Voie lactée au premier plan, le tout en une seule image, c’est révolutionnaire ! »

    Les premières images montrées au public, ajoute Aaron Roodman, « sont un avant-goût du potentiel de découverte de Rubin ».

    Au cours de la prochaine décennie, l’observatoire photographiera des millions de corps célestes par jour, c’est-à-dire plus d’une centaine chaque seconde. En fin de compte, on s’attend à découvrir 17 milliards d’étoiles et 20 milliards de galaxies que l’on n’a encore jamais vues.

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      Sur cette image immense, l’observatoire Vera C. Rubin offre une toute nouvelle vue de deux vieux amis : la nébuleuse de la Lagune (en bas à gauche) et la nébuleuse Trifide (en haut à droite). 

      PHOTOGRAPHIE DE Image de l'observatoire NSF-DOE Vera C. Rubin

      Sur cette image immense, l’observatoire Vera C. Rubin offre une toute nouvelle vue de deux vieux amis : la nébuleuse de la Lagune (en bas à gauche) et la nébuleuse Trifide (en haut à droite). Cette image est une démonstration de ce qui rend l’observatoire unique : sa combinaison d’un champ de vision extrêmement large et la vitesse qui leur permet de capturer un grand nombre de grands clichés en très peu de temps. Combiner des images révèle des détails subtils dans les nuages de gaz et de poussière. Plus on combine d'images, plus on peut voir de détails.

      Cette image de presque 5 gigapixels combine 678 clichés d’exposition pris en seulement 7,2 heures d’observation, et est composée de presque deux trillions de pixels de données en tout. Aucun autre observatoire n’est capable de produire une image d’une zone aussi grande si rapidement et avec ce niveau de profondeur.

      La nébuleuse Trifide, aussi appelée Messier 20, se démarque dans le ciel. Il s’agit d’un nuage de gaz et de poussière lumineux et coloré, situé à environ 5 000 années-lumière de la constellation du Sagittaire. Ce qui le rend si spécial, c’est sa combinaison de caractéristiques réunies en un seul lieu : une nébuleuse en émission d’un rose brillant, une nébuleuse par réflexion bleu pâle et des lignes sombres de poussières qui se divisent en trois sections, d’où le nom « trifide ». À l’intérieur, de nouvelles étoiles sont en formation et provoquent des vents violents et des radiations qui creusent le gaz autour d’elles. Cela nous donne un aperçu de la façon qu’ont les étoiles massives d’influer sur leur environnement au cours de leur naissance.

      En-dessous de la nébuleuse Trifide sur cette image se trouve la nébuleuse de la Lagune, ou Messier 8, une autre nurserie stellaire brillante d’étoiles se trouvant à près de 4 000 années-lumière de la Terre. Il est d’ailleurs possible de repérer cette nébuleuse avec une paire de jumelles ou un petit télescope. En son cœur se trouve un amas de jeunes étoiles massives, leur intense radiation illumine le gaz qui les entoure et donne des formes complexes aux nuages tourbillonnants. La nébuleuse de la Lagune donne aux scientifiques l’occasion parfaite d'étudier les étapes les plus précoces de la formation des étoiles : comment les nuages géants s’effondrent-ils, comment les amas stellaires prennent-ils forme et comment les étoiles nouvellement nées commencent-elles à changer leur environnement ?

      Cette image énorme des deux nébuleuses réunies expose un réseau complexe de lignes de poussière et d’amas stellaires qui animent cette partie de la Voie lactée par leur activité cosmique. Les détails impressionnants de la structure des nébuleuses montrées ici démontrent la qualité exceptionnelle de l’entièreté du système de l’observatoire Vera C. Rubin, de sa capacité à capturer la lumière, à son appareil photo, en passant par son système de transfert et de traitement des données.

      Sur une période de dix ans, l’observatoire Rubin capturera des millions de clichés et photographiera chaque lieu du ciel, y compris celui-ci, plus de 800 fois. Chaque fois que nous observons l’Univers d’une manière différente, nous découvrons de nouvelles choses que nous n’aurions jamais pu prédire, et grâce à Rubin, nous en verrons plus que jamais auparavant.

      Cette image a été prise par l’observatoire Rubin en utilisant l’appareil photo de 3 200 mégapixels du télescope, le plus appareil au monde. N’hésitez pas à zoomer pour explorer les détails de cette image unique !

      À LA RECHERCHE DE LA MATIÈRE NOIRE

      COMPRENDRE : La matière noire

      Le concept pour ce projet a été conçu il y a environ trente ans afin de maximiser l’étude des questions encore en suspens de l’astronomie grâce à une instrumentalisation de pointe. La construction a commencé en 2014 à Cerro Pachón au Chili, à une altitude de 2 673 mètres. Il portait à l’origine le nom de grand télescope d’étude synoptique et a été renommé en 2019 en hommage à l’astronome américaine Vera C. Rubin, dont les travaux ont fourni la première preuve par observation de la matière noire

      Lorsque l’observatoire commencera sérieusement ses opérations scientifiques plus tard en 2025, ses instruments délivreront un déluge de données astronomiques qui sera trop important pour être traité manuellement. Chaque nuit, l’observatoire génèrera près de 20 téraoctets de données. Des algorithmes informatiques passeront donc au peigne fin ces immenses volumes de données pour aider les chercheurs à repérer tout schéma ou événement rare dans une zone précise du ciel au cours du temps.

      Les astronomes s’attendent à ce que les observations de haute qualité récoltées par le télescope aideront à cartographier la structure de l’Univers, à trouver des comètes et des astéroïdes potentiellement dangereux dans notre système solaire et à détecter des explosions d’étoiles et des trous noirs dans des galaxies éloignées.

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      L’observatoire Vera C. Rubin baigné dans la lumière du soleil levant.

      PHOTOGRAPHIE DE Tomás Munita, National Geographic

      L’observatoire sera également en charge d’examiner les contreparties optiques des événements d’onde gravitationnelle, des ricochets dans la trame de l’espace, causés par certains des processus les plus énergétiques du cosmos. En étudiant ces événements, les astronomes espèrent découvrir les secrets de ces forces invisibles qui façonnent l’univers, comme la matière noire et l’énergie sombre.

      « Ces quelques premières images montrent vraiment l’aboutissement de ces dix années de travail acharné et méticuleux de la part de toute l’équipe, de la conception et la simulation, à l’assemblement, la caractérisation et le calibrage de chacune des parties de l’observatoire : télescope, appareil photo, pipeline de données, rien n’a été laissé au hasard », explique Sandrine Thomas au cours d’une conférence de presse en juin, directrice adjointe de l’observatoire Rubin et la scientifique du site et du télescope de l’observatoire.

      « C’est pour moi un privilège d’avoir pu travailler avec une équipe aussi dévouée et talentueuse venant des quatre coins de la planète », conclut-elle. « C’est vraiment impressionnant. »

      Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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