La sonde de la NASA Odysseus s’est posée sur la Lune

Pour la première fois depuis 1972, les Américains sont de retour sur la Lune. C'est la première étape d’une potentielle commercialisation de l’espace lointain.

De Joe Pappalardo
Publication 26 févr. 2024, 12:46 CET
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 Le 15 février 2024, l'alunisseur d'Intuitive Machines a décollé du Centre spatial Kennedy de la NASA, en Floride.

PHOTOGRAPHIE DE Kim Shiflett, NASA

L’alunisseur Odysseus s'est posé sur le pôle sud de la Lune. Il s'agit de la première mission américaine sur la surface lunaire depuis 1972 et du premier alunissage du programme Artemis, qui vise à envoyer des humains sur la Lune pour des séjours prolongés. Un événement historique.

« Nous sommes à la surface et nous transmettons », a déclaré Steve Altemus, PDG d'Intuitive Machines, la société privée qui a construit l'alunisseur, lors d'une retransmission en direct. « Bienvenue sur la Lune. »

Quelques instants après que l’engin s’est posé sur la Lune à 18 h 23 (EST), l'administrateur de la NASA, Bill Nelson, a parlé d'un « alunissage exceptionnel ». « Les États-Unis sont de retour sur la Lune », a-t-il déclaré. « Aujourd’hui est un jour qui marque la puissance et la promesse des partenariats commerciaux de la NASA. Quel triomphe ! »

La société ne connaît pas la position exacte d'Odysseus, mais il est toujours en état de marche. Il a recommencé à parler après plusieurs minutes de silence insoutenable après l'alunissage.

Une heure auparavant, le système de guidage principal du vaisseau spatial avait cessé de fonctionner et la tension était à son comble. Les contrôleurs de la mission ont alors dû se servir de lasers de la NASA à bord d'Odysseus pour fournir les faisceaux lumineux nécessaires, ce qui a retardé l'alunissage et incité l'alunissage à effectuer une orbite supplémentaire autour de la Lune. 

Cette mission, appelée IM-1, permettra de tester le matériel d'alunissage et de repérer l'emplacement potentiel d'un futur avant-poste habité. L'alunisseur Nova-C se situe à proximité du cratère Malapert A, dont certaines parties sont plongées dans une obscurité quasi constante, ce qui pourrait permettre de préserver la glace nécessaire à l'installation d'un avant-poste ou d'une colonie habitée. Selon la NASA, le pôle sud lunaire est « l'un des endroits qui supporterait le mieux une présence humaine durable sur la Lune ».

Odysseus, qui a été lancé du centre spatial Kennedy de la NASA le 15 février, transporte six charges utiles de la NASA, parmi lesquelles des équipements de radioastronomie, de météorologie spatiale et d'analyse de la surface lunaire. Cet engin est construit et exploité par Intuitive Machines, qui est à la pointe de l'exploration du système solaire. Cet alunissage est également le premier réussi par une société commerciale. 

La NASA espère qu’il ne sera pas le dernier. L'alunissage d'aujourd'hui est la deuxième mission lunaire robotisée parmi une longue série prévue par l'agence spatiale, chacune étant confiée à Intuitive Machines ou à d'autres sociétés spatiales privées. La première mission a échoué à la fin du mois de décembre, lorsqu'un alunisseur exploité par la société Astrobotic a subi une panne de propulsion entraînant une perte de carburant.

L'alunisseur Odysseus, exposé au siège d'Intuitive Machines à Houston.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, Intuitive Machines

Aujourd'hui, l’alunissage d’Odysseus, assuré en toute sécurité par Intuitive Machines, a constitué un exemple du transfert par la NASA, dans l'espace lointain, de l'ingénierie et de l'exploitation des engins spatiaux à des entreprises privées, explique Altemus, qui était auparavant directeur adjoint du Centre spatial Johnson de la NASA.

« Nous prouvons ainsi que les entreprises commerciales peuvent désormais accomplir des tâches difficiles qui étaient auparavant du ressort des nations souveraines. »

 

EXPLORER L'ESPACE

L’alunisseur Odysseus est un cylindre hexagonal, auquel sont accrochés des instruments enveloppés dans des feuilles d'aluminium et fixé par six pieds métalliques. La propulsion et l'alunissage ne nécessitent qu’un seul moteur, alimenté par des réservoirs internes de méthane et d'oxygène liquides. Des panneaux solaires en forme de rectangles sombres sont conçus pour produire 200 watts d'énergie une fois sur la surface de la Lune.

IM-1 est doté d’une série de capteurs expérimentaux de la NASA qui serviront également à des missions futures. Parmi eux, des radars de télémétrie laser destinés à faciliter la navigation lors des alunissages et huit rétroréflecteurs placés sur la surface de la Lune pour servir de repères permanents aux vaisseaux spatiaux en approche.

À la surface, un récepteur radio basse fréquence conçu par la NASA mesurera les effets de la météo spatiale et de l'activité humaine sur l'environnement lunaire. Cette expérience est à l’avant-garde du type d'astronomie que beaucoup espèrent réaliser sur la Lune. Elle permettra de détecter également les radio-émissions du Soleil, de Jupiter et de la Terre.

Une petite caméra satellite appelée EagleCam, construite par des enseignants et des étudiants de l'Embry-Riddle Aeronautical University, s'est déployée pendant la descente et a capturé l'alunissage d'un point de vue inédit. 

Odysseus s’est posé juste à côté d'un site d’alunissage potentiel pour la mission Artemis III de la NASA, et d'un emplacement candidat pour une base habitée. La question est de savoir quand les astronautes arriveront. Selon un rapport publié en mai 2023 par le Bureau de son inspecteur général, le programme lunaire de la NASA accuse un retard d'au moins six ans et un dépassement de budget de six milliards de dollars.

Lors d'une présentation publique, Jim Free, responsable des vols habités dans l'espace lointain à la NASA, a récemment déclaré qu’entre 2024 et 2028, la NASA dépenserait 41,5 milliards de dollars pour le programme Artemis, et qu'il n'y aurait qu'un seul alunissage humain à la clé. La mission solitaire avec équipage, actuellement prévue pour 2025, devrait être retardée d'au moins deux ans.

 

DE NOMBREUX ENGINS SUR LA LUNE

La crainte provoquée par ces coûts massifs explique en partie pourquoi, depuis les années 1990, la NASA s’est mise à soutenir les efforts d’entreprises spatiales privées qui souhaitaient construire et exploiter des engins spatiaux.

Après avoir réussi à transporter des cargaisons vers la Station spatiale internationale, la NASA a adopté en mars 2018 une méthode similaire pour accélérer ses missions lunaires, dans le cadre d'un programme appelé Commercial Lunar Payload Services (CLPS). Cet effort a porté ses fruits : il existe maintenant quatorze entreprises éligibles pour la sous-traitance de missions pour la NASA et six entreprises avec des contrats de mission pour des vols prévus en 2024 et 2028. Chaque mission coûte environ six fois moins cher qu'une mission phare équivalente de la NASA.

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    « Il faut bien se rendre compte que lorsque vous vous trouvez sur la Lune et que vous voulez y rester un certain temps, les livraisons sont tout aussi importantes que dans la station spatiale », explique Thomas Zurbuchen, ancien administrateur associé de la NASA pour le Science Mission Directorate, qui a en grande partie financé le CLPS.

    « Quand nous avons eu cette idée, j’espérais créer et développer une série d'entreprises qui pourraient soutenir Artemis. »

    L'objectif du CLPS est de mettre plusieurs alunisseurs en service. Au lieu de financer un seul engin construit et testé en respectant des normes rigoureuses, le programme subventionnerait plusieurs entreprises qui disposeraient de beaucoup moins d'argent pour créer leurs propres alunisseurs et accepteraient un risque beaucoup plus élevé d'échec de la mission.

    Le CLPS est un petit programme expérimental et n'a donc pas suscité beaucoup d'opposition, que ce soit au sein ou en dehors du Congrès américain. En outre, cet alunissage réussi est susceptible d'écarter les critiques.

    Néanmoins, dans un rapport publié en 2020, le Bureau de l'inspecteur général de la NASA a noté que le personnel de l'agence fédérale « n'[avait] pas évalué les risques liés aux performances passées et aux antécédents financiers lors de l'évaluation des contractants potentiels de CLPS » et « s'[était] fiée à des contractants qui certifiaient eux-mêmes la disponibilité de financements futurs en dépit de la médiocrité de leurs activités, de leurs antécédents financiers et de leurs performances antérieures. »

     

    UNE MISSION INATTENDUE 

    Jusqu'en 2018, Intuitive Machines s’occupait de développer des drones qui servaient à survoler des incendies de forêt. Elle ne s'est orientée vers les alunisseurs que lorsque la NASA a ouvert son concours CLPS cette année-là et elle a remporté son premier contrat en mai 2019. Aujourd'hui, la mission IM-1, réussie, s'est déroulée dans le cadre d'un contrat de la NASA d'une valeur de 118 millions de dollars.

    Depuis qu'elle a remporté son premier contrat CLPS, Intuitive Machines a obtenu deux autres lancements de la NASA vers la Lune.

    « En 2018, nous n’avions rien développé en termes de programmes lunaires. Aujourd’hui nous avons réalisé notre première mission », explique Altemus. « Dans le temps qu'il faut pour obtenir un diplôme de premier cycle, nous avons élaboré tout un programme lunaire ».

    Malgré l'échec de son programme « moonshot », Intuitive Machines prévoit d'offrir ses services à des entreprises spatiales privées, ainsi qu'à la NASA.

    « Si nos projets évoluent dans le bon sens, nous pourrons continuer à voler », explique Altemus. « Il s’agit d’une opportunité supplémentaire pour les fournisseurs de CLPS comme Intuitive Machines de continuer à envoyer des objets sur la Lune avant que les humains n'y arrivent. Vous voulez que ce rover arrive sur la Lune ? Nous l'y emmènerons. Vous voulez voir une centrale électrique là-haut ? Nous l'y emmènerons aussi. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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