De la conquête spatiale à la compréhension de la Terre
Après la course à la Lune, la recherche et les technologies héritées d’Apollo ont jeté les bases d’une nouvelle ère : l’observation de notre planète.

Illustration du satellite MicroCarb. MicroCarb est une mission développée par le CNES avec le soutien du programme d’investissement d’avenir (PIA) et la participation de l’Agence spatiale du Royaume-Uni (UKSA). L’objectif de MicroCarb est de recenser, à l’échelle planétaire, les sources d’émissions et puits d’absorption du principal gaz à effet de serre : le CO2.
Cette histoire de la conquête spatiale, perçue comme un rêve d’exploration de l’espace, est née d’une confrontation idéologique et politique entre deux grandes puissances. « Envoyer un équipage sur la Lune avant la fin de la décennie n’était absolument pas une quête scientifique, mais complètement politique », se souvient Francis Rocard, astrophysicien et responsable de programmes d’exploration au Centre national d’études spatiales (CNES). Et ce bras de fer était aussi technologique. Cet effort colossal a mobilisé des ressources humaines et financières sans précédent.
Les missions Apollo 11 à 17, ont rapporté environ 382 kg d’échantillons lunaires, un butin dont l’impact scientifique reste majeur. « Les analyses d’échantillons ont donné lieu à près de 12 000 publications » souligne Francis Rocard. Quinze années d’analyses des échantillons permirent notamment de confirmer l’hypothèse de « l’impact géant », selon laquelle la Lune serait née d’une collision entre la Terre et un très gros astéroïde, il y a des milliards d’années.
L’objectif fondamental – explorer et comprendre le Système solaire – qui succéda au duel idéologique que se livraient les États-Unis et l’URSS fut atteint grâce à Apollo, offrant un retour scientifique d’une qualité indiscutable, qui reste aujourd’hui un modèle. « L’exploration s’est ainsi poursuivie, mais différemment », souligne Francis Rocard.
« L’exploration habitée, comme dans le cas d’Apollo, doit être distinguée de l’exploration scientifique par sondes automatiques, qui suivent une stratégie plus progressive. La Lune a été une anomalie complète où l’on a mis la charrue avant les bœufs en y envoyant des hommes » précise-t-il.
Les missions se tournèrent ensuite vers Mars, Vénus, et les planètes géantes comme Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Ces missions, indépendantes des soubresauts politiques, continuèrent d’élargir notre connaissance de l’univers. Bien que le désintérêt pour la Lune ait duré plusieurs décennies, un renouveau récent s’annonce, notamment avec le programme Artemis.
L’OBSERVATION DE LA TERRE : UNE NOUVELLE ÈRE POUR LA SCIENCE SPATIALE EUROPÉENNE
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », déclarait Jacques Chirac en 2002. Ce discours emblématique souligna l’importance de se préoccuper de l’avenir de la Terre.
Les technologies issues de la quête spatiale, développées pour aller explorer l’inconnu, éclairèrent et redéfinirent notre manière de vivre et la nécessité de protéger notre planète. Dès les années 1970, les satellites non militaires émergèrent, la France se distinguant avec des programmes d’altimétrie océanographique (Topex-Poséidon) et d’imagerie spatiale (SPOT). Aujourd’hui, une multitude de satellites, tels que Sentinel dans le cadre du programme européen Copernicus, agissent comme de véritables sentinelles, surveillant notre planète en temps réel.
Ces programmes sont le fruit d’une coopération européenne forte, pilotée par l’Agence spatiale européenne (ESA). La France, membre de l’ESA, y contribue activement. Le CNES a ainsi lancé en juillet 2025 le programme CO3D, visant à cartographier la Terre en trois dimensions avec une précision d’un mètre en altitude et de 50 centimètres en surface. Ces données, en permettant une cartographie détaillée des reliefs, des infrastructures et des écosystèmes, sont essentielles pour plusieurs applications, allant de l’étude de l’érosion, à la gestion des forêts et à la planification urbaine.

Guyane vue par le satellite Spot-6 le 15 octobre 2015. La Guyane française est une région d'outre-mer située sur la côte nord-est de l'Amérique du Sud. La Guyane possède 300 km de côtes, 520 km de frontières avec le Surinam et 700 km de frontières avec le Brésil. La forêt guyanaise est un important massif forestier français, occupant 8 millions d'hectares. Principalement domanial, il couvre l'essentiel de la Guyane, département français le plus boisé. C'est une forêt tropicale humide. Il s'agit aussi pour l'essentiel de sa surface d'une forêt vierge.
Comme le souligne Francis Rocard, « grâce à ces satellites, on peut estimer les dégâts depuis l’espace, savoir où envoyer les secours, s’il faut de l’eau ou de la nourriture pour les populations sinistrées. » Cette capacité de surveillance est cruciale et démontre comment le rêve d’exploration s’est transformé en un outil indispensable pour la protection de notre planète.
Très récemment, le 12 août 2025, le satellite MetOp-SG-A1, s’élançait à bord de la fusée Ariane 6 depuis le Centre spatial guyanais de Kourou. Ce satellite de plus de quatre tonnes, première pièce d’une nouvelle génération d’observatoires météorologiques porte les espoirs de millions de scientifiques et de climatologues à travers le monde.
Bien plus qu’un simple instrument de mesure, il représente une véritable sentinelle du climat. À 800 km d’altitude, il déploie un ensemble d’outils sophistiqués, dont l’IASI-NG (Interféromètre Atmosphérique pour le Sondage Infrarouge Nouvelle Génération) et Sentinel-5. Le premier permet de sonder l’atmosphère avec une précision inédite, en mesurant les profils de température et la concentration de la vapeur d’eau, tout en identifiant de nombreux gaz clés pour l’étude du climat.

Illustration de la constellation de satellites CO3D (Constellation Optique en 3D). Les quatre satellites CO3D sont la dernière génération de satellites compacts qui cartographieront le globe en 3D depuis l'orbite terrestre basse à partir de 2025.
Le second, Sentinel-5, est dédié à la surveillance quotidienne de l’atmosphère, des polluants atmosphériques et de la couche d’ozone. Ces satellites envoyés ensemble par Ariane 6 fournissent un tableau complet de l’état de notre atmosphère, offrant des données cruciales pour les prévisions météorologiques et la compréhension du changement climatique.
Parallèlement, toujours en juillet 2025, le satellite franco-européen MicroCarb a été lancé pour mesurer les émissions de CO2 à l’échelle mondiale, permettant d’identifier les principaux émetteurs et favorisant des mesures et des politiques de réduction des émissions polluantes. Les applications de cette surveillance comprennent également la cartographie des forêts, mais aussi la surveillance et l’évaluation des récoltes, et dans le cas de catastrophes naturelles, les satellites optiques et radar sont mobilisés pour fournir des images détaillées.
Bien plus qu’un simple instrument de mesure, il représente une véritable sentinelle du climat. À 800 km d’altitude, il déploie un ensemble d’outils sophistiqués, dont l’IASI-NG (Interféromètre Atmosphérique pour le Sondage Infrarouge Nouvelle Génération) et Sentinel-5. Le premier permet de sonder l’atmosphère avec une précision inédite, en mesurant les profils de température et la concentration de la vapeur d’eau, tout en identifiant de nombreux gaz clés pour l’étude du climat. Le second, Sentinel-5, est dédié à la surveillance quotidienne de l’atmosphère, des polluants atmosphériques et de la couche d’ozone. Ces satellites envoyés ensemble par Ariane 6, fournissent un tableau complet de l’état de notre atmosphère, offrant des données cruciales pour les prévisions météorologiques et la compréhension du changement climatique.


Mise du satellite MetOp SG A1 en CCU3 (Conteneur Charge Utile) au bâtiment S5A du Centre spatial guyanais le 29 juillet 2025.
Décollage VA264 du lanceur Ariane 6, le 12 août 2025 depuis le Centre Spatial Guyanais, réussissant sa troisième mission et plaçant en orbite héliosynchrone à 800 km, le satellite européen MetOp-SG-A1 d’EUMETSAT, construit par Airbus pour l’ESA.
L’espace lui-même constitue également une source de préoccupation. « Des programmes de surveillance des astéroïdes géocroiseurs existent déjà depuis plus de vingt ans. Nous avons identifié presque tous les géocroiseurs de plus d’un kilomètre, et aucun ne nous menace », rassure Francis Rocard. « Néanmoins, les plus petits (moins de 300 m), appelés « city killers », restent à découvrir. Pour cela, l’Europe et les États-Unis collaborent sur des missions comme DART et HERA, afin de mettre au point des techniques de déviation en cas d’alerte.
Ainsi, bien loin de la seule conquête, l'exploration spatiale a jeté les bases d’une expertise et d’une technologie inestimables. Longtemps après avoir levé les yeux vers la Lune, ces avancées nous permettent aujourd'hui d'observer, de comprendre et de protéger notre propre planète, tout en nous préparant aux défis potentiels venus de l'espace.
