Pluton a-t-elle réellement perdu son statut de planète ?

Cela fait 18 ans que le statut céleste de Pluton a été remis en question et le sujet n'est toujours pas clos. Nous avons demandé à deux experts de défendre la position de leur camp respectif.

De Eric Alt
Publication 20 févr. 2024, 10:01 CET
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Cette image de Pluton présentée par la NASA en 2015 combine différents clichés en longueur d'onde bleue, en rouge et en infrarouge. En 2006, l'Union astronomique internationale a relégué Pluton au statut de planète naine.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Southwest Research Institute

Déclarée neuvième planète de notre système solaire suite à sa découverte en 1930 par l'astronaute américain Clyde Tombaugh, Pluton est une petite bille de marbre qui s'est rapidement fait une place dans le cœur de la population grâce à son association avec le chien de Mickey Mouse, initialement baptisé Rover mais renommé Pluto (Pluton, en anglais) en 1931.

Puis, en 2006, les festivités ont soudainement pris fin lorsque Mike Brown, professeur à l'université CalTech et auteur du livre How I Killed Pluto and Why it Had it Coming, a privé Pluton de son statut de planète. Depuis, les mondes de la science et de la culture populaire continuent de s'interroger sur le destin de ce mystérieux objet.

Afin de célébrer le 94e anniversaire de la découverte de Pluton, nous avons rencontré Mike Brown et Philip Metzger, planétologue à la retraite du centre spatial Kennedy de la NASA et actuel scientifique associé à l'université de Floride centrale, pour leur poser quelques questions. Brown et ses partisans ont-ils raison de modérer l'importance de Pluton pour se concentrer sur les  nouvelles découvertes comme la planète Neuf ? Ou Metzger et les autres ont-ils de solides arguments en faveur du retour triomphant de Pluton ?

 

Comment avez-vous rejoint votre camp respectif dans le débat sur Pluton ?

MIKE BROWN : Depuis que je suis à Caltech, l'un de mes principaux domaines de recherche concerne les objets du système solaire extérieur et de la ceinture de Kuiper, comme Pluton. L'un de mes projets majeurs était la toute première recherche à grande échelle d'autres objets de la même taille que Pluton, d'autres planètes naines… avant même l'invention de cette expression qui, au passage, est tout à fait ridicule.

 

Pourquoi ?

MIKE BROWN : Parce qu'elle sème la confusion. « Il y a le mot planète, donc c'est une planète. » Voilà ce que tout le monde pense. Même si, comme je le dis souvent, les lions de mer ont sûrement un autre avis à ce sujet. Avant que l'Union astronomique internationale (UAI) invente cette expression, nous utilisions le mot « planétoïdes », pour indiquer que ces objets étaient petits, mais sphériques. C'était un terme plus adapté, car il ne créait pas de confusion. Si Pluton a été désignée planète naine après la révocation de son statut de planète, c'est uniquement à cause des pro-Pluton qui espéraient ensuite faire voter l'idée que les planètes naines sont de vraies planètes. La théorie n'a pas tenu face au vote, mais nous avons gardé cette expression ridicule. Pour moi, c'est donc la faute des pro-Pluton.

PHILIP METZGER : Nous pourrions dire qu'il existe de nombreuses planètes naines et que ces planètes naines sont d'authentiques planètes dans la ceinture de Kuiper. Cependant, nous ne nous battons pas vraiment pour que Pluton retrouve son statut de planète, car nous pensons que le vote qui lui a retiré ce statut était illégitime. L'UAI n'avait aucun droit de procéder à ce vote. Ils ont violé leurs propres règles en le faisant… Notre position est la suivante : Pluton n'a jamais cessé d'être une planète, car la taxonomie fait partie intégrante de la science et la taxonomie qui compte est celle que les scientifiques utilisent et jugent intéressante. La taxonomie publique inspirée par l'astrologie n'est pas utile pour la science. Elle ne correspond à aucune théorie et c'est bien malheureux, car c'est elle que l'UAI a retenue.

Comprendre : le système solaire

 

D'accord. Reprenons avec les critères qui définissent une planète. 

PHILIP METZGER : En 2006, l'UAI a décidé, premièrement, qu'une planète doit être en orbite directe autour d'une étoile. Ainsi, la Lune n'est pas une planète, c'est une planète secondaire, alors que la Terre est une planète primaire. Deuxièmement, une planète doit être suffisamment grande pour parvenir seule à une forme sphérique, sous l'effet de sa propre gravité, c'est ce que nous appelons l'équilibre hydrostatique. Le troisième critère, créé pour éliminer les corps comme Pluton, indique qu'une planète doit être dominante du point de vue de la gravitation afin de nettoyer le voisinage de son orbite de tout autre objet. Ils n'ont pas défini ce qu'ils entendaient par là. Ils ont peut-être pensé que d'autres préciseraient ce point plus tard. On pourrait soutenir que la Terre n'est pas une planète, car elle n'a pas nettoyé son voisinage. Leur définition suggère donc qu'une planète doit dominer son voisinage selon des métriques inconnues qu'ils n'avaient pas encore créées.

MIKE BROWN : Au début des années 2000, les caméras numériques ont commencé à s'améliorer considérablement et il nous était alors possible de photographier l'ensemble du ciel en une seule fois. Grâce à cet outil, nous avons découvert les plus grandes et les plus brillantes des planètes naines, notamment celle qui a lancé le débat sur Pluton. Nous avons découvert Éris, un objet plus massif que Pluton. Il fallait donc prendre une décision : ajouter une foule de nouvelles planètes ou retirer certains objets qui n'étaient plus considérés comme des planètes. Si Pluton était découverte aujourd'hui, personne ne dirait que c'est une planète.

 

Accordons-nous trop d'importance aux chiffres ? Est-ce que le fait d'avoir grandi avec neuf planètes nous pousse à refuser qu'il y en ait huit ? Ou une infinité ? 

MIKE BROWN : Non, il n'y a pas de chiffre magique. Le mot d'ordre n'était pas de déclasser Pluton à tout prix, les astronomes ont simplement réalisé que l'objet ne correspondait pas à notre vision actuelle des planètes. Le camp des pro-Pluton a bien essayé de modifier la définition d'une planète pour en faire ce qu'elles ne sont pas, car ils voulaient que Pluton reste une planète, mais leur définition ajouterait 200 nouvelles planètes à notre système solaire. Par ailleurs, la faction pro-Pluton est dominée par des personnes impliquées dans la mission de la NASA vers Pluton. Au lancement de cette mission, Pluton était une planète. À son arrivée, elle ne l'était plus.

PHILIP METZGER : C'est culturel, ce n'est pas scientifique. Qu'y a-t-il de similaire dans la nature ? Vous n'entendrez jamais qu'il doit y avoir neuf montagnes, neuf fleuves ou neuf types de coccinelles. Le plus drôle, pour moi, c'est le mot « astronomique ». C'est assez ironique que les astronomes soient les seuls à ne pas vouloir de chiffres astronomiques. Ils veulent que ce soit huit.

 

Est-ce que le problème vient de la façon dont nous enseignons les sciences à l'école primaire ? On nous donne ce chiffre facile à mémoriser de huit ou neuf planètes et voilà. Est-ce que nous devrions plutôt le présenter comme un concept qui évolue ? 

PHILIP METZGER : Oui. Malheureusement, lorsque nous apprenons qu'il n'y a que huit planètes et que ces planètes règnent sur leur orbite, c'est un peu comme revenir à la vieille théorie du géocentrisme. Cette idée révolue est simple, ordonnée, monocentrique et ces planètes s'apparentent à des divinités qui règnent sur leur orbite. Nous devrions plutôt enseigner l'idée d'un univers dynamique. Les choses changent, elles évoluent. Les planètes peuvent modifier leur orbite.

 

Dans ce cas, la recherche de la planète Neuf n'a pas comme objectif de remplacer Pluton ?

MIKE BROWN : Pour le moment, l'existence de la planète Neuf est une très bonne hypothèse pour comprendre différents événements observés dans la région pour lesquels nous n'avons aucune explication. Un jour, nous pourrons peut-être pointer un télescope sur cette planète et crier « Ah, la voilà !». En attendant, la planète Neuf est simplement la meilleure hypothèse pour expliquer ces phénomènes. Je pense que ce jour viendra mais pour le moment, ce n'est qu'une hypothèse.

 

En fin de compte, pourquoi selon vous sommes-nous tant attachés à Pluton et si réticents face à cette neuvième planète ou aux autres potentielles remplaçantes ? 

PHILIP METZGER : Tout ce que je peux vous dire, c'est que lorsque la sonde New Horizon a survolé Pluton, c'était incroyable. J'étais à l'université Johns Hopkins où se trouvait le centre de contrôle. Lorsque nous avons vu les images pour la première fois, Pluton était renversante, avec une formidable diversité géologique. Il y a des montagnes aussi hautes que les Rocheuses dont la formation se poursuit encore et des glaciers à la dérive à la surface de Pluton, il y a une atmosphère stratifiée et probablement un océan souterrain, il y a de la matière organique, les éléments constitutifs de la vie, partout sur la planète. Pluton est bien plus qu'une simple planète, c'est celle qui ressemble le plus à la Terre. C'est la plus authentique des planètes.

MIKE BROWN : Je suis attaché à Pluton. Dans ma jeunesse, Pluton était cet objet mystérieux qui évolue aux confins du système solaire. Elle est petite, un peu étrange et pleine de charme, qui pourrait dire le contraire ? Et maintenant, nous pouvons la voir en photo. Elle a plutôt fière allure. C'est un endroit ravissant.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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