Un mystérieux sursaut radio rapide a été détecté près de notre galaxie

Un sursaut radio rapide a été détecté tout près de M81, une galaxie spirale située à 11,74 millions années-lumière de la Terre.

M81 est l’une des galaxies les plus brillantes du ciel nocturne. Elle abrite un amas d’étoiles, situé à 11,74 millions d’années-lumière de la Terre, qui a récemment émis un sursaut d’onde radio particulièrement surprenant. 

PHOTOGRAPHIE DE Asa, ESA et the Hubble Heritage Team STScI, Aura
De Nadia Drake
Publication 1 juin 2021, 14:31 CEST

Des sursauts radio rapides provenant des alentours d’une galaxie proche viennent d'être détectés. Ces sursauts d’énergie répétés semblent venir d’un ancien complexe stellaire que l’on appelle amas globulaire. Étonnement, il s’agit de la dernière région dans laquelle les astronomes pensaient observer ce genre de phénomènes.

Provenant généralement de plusieurs milliards d’années-lumière, ces sursauts d’ondes radio sont extrêmement lumineux et brefs. Ils sont également appelés sursauts radio rapides ou FRB pour fast radio burst. Détectés pour la première fois en 2007, les explications autour de ces phénomènes manquent. Sur la base des observations obtenues jusqu’à maintenant, les scientifiques présument qu’ils sont émis par des objets stellaires jeunes, mais à courte durée de vie, dénommés magnétars.

Mais l'observation d’un sursaut radio rapide l’année dernière a mené les chercheurs jusqu'à un amas globulaire situé à près de 11,7 millions d’années-lumière de la Terre, proche de la galaxie spirale voisine M81, selon une étude descriptive de la découverte. Découvrir ce sursaut en provenance d’un amas d’étoiles vieillissantes, c’est comme retrouver un smartphone encastré dans un menhir : ça ne fait pas sens.

« Ce n’est clairement pas une région où les sursauts radio rapides sont censés apparaître », a tweeté Bryan Gaensler, astronome à l’université de Toronto et coauteur de la nouvelle étude. 

Expliquer cette étrangeté est difficile. Les scientifiques avancent que les sursauts radio rapides pourraient être produits de différentes manières, tout comme d’autres phénomènes célestes.

« Les FRB pourraient, [j’insiste], pourraient, être un phénomène générique associé à toute une série de sources », déclare Shami Chatterjee, astronome à l’université de Cornell. Il étudie les sursauts radio mais n’était pas impliqué dans cette nouvelle découverte.

 

UN PHÉNOMÈNE PEU HABITUEL

C’est en janvier 2020 que les scientifiques ont remarqué le sursaut radio pour la première fois grâce au télescope de l’expérience canadienne de cartographie de l’intensité de l’hydrogène (CHIME). Ils l’ont appelé FRB 20200120E. Ces dernières années, cette machine semble sans cesse détecter les FRB. Lorsque le CHIME a été mis en service en 2017, les scientifiques n’avaient connaissance que de trente sursauts radio rapides. Aujourd’hui, grâce au télescope, ils en dénombrent plus d’une centaine.

À l’instar de douze autres sursauts connus, FRB 20200120E a été qualifié de « répéteur ». Il s’agit d’une sorte de moteur spatial qui émet des sursauts d’ondes radio multiples et détectables, plutôt qu’une seule émission intense. Ces sursauts ne sont pas aussi lumineux que ceux en provenance de plusieurs milliards d’années-lumière, dans le cosmos lointain. Toutefois, depuis un an, ils ont permis aux scientifiques d’identifier la localisation des FRB dans l’espace.

L'équipe a ainsi pu tenter d’identifier une éventuelle source. Les mesures du sursaut ont suggéré que FRB 20200120E était plutôt proche. Les astronomes savaient alors qu’ils étaient à la poursuite d’un élément local, peut-être même au sein du halo gazeux et faiblement peuplé de la Voie lactée. Par la suite, les scientifiques ont utilisé un réseau de télescopes appelé European Very Long Baseline Interferometry Network pour identifier précisément la localisation du sursaut.

« En conclusion, nous avons prouvé que FRB 20200120E est associé à un amas globulaire dans le système galactique M81, ce qui confirme qu’il est quarante fois plus proche que tout autre FRB extragalactique connu », écrivent les auteurs dans la nouvelle étude.

« Il est très difficile à faire concorder [ces observations] avec les modèles existants » souligne M. Chatterjee.

Les chercheurs essaient encore aujourd’hui de comprendre comment les amas globulaires se forment. Une partie de ces structures se forme lors de grandes collisions entre galaxies mais cette observation n’est pas extrapolable à tous les amas.
PHOTOGRAPHIE DE Matt Gibson, getty images via istock

Les amas globulaires font partie des objets les plus anciens de l’Univers observable. Ils sont âgés de plusieurs milliards d’années, aussi vieux - voire plus vieux - que les galaxies autour desquelles ils orbitent. Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que les sursauts radio rapides étaient produits par les plus jeunes objets compacts qu’ils aient observés, les magnétars. Il s’agit de corps stellaires vifs et dont le champ magnétique est extrêmement intense. Ils sont générés par la mort des jeunes étoiles massives lorsqu’elles explosent. Une fois ces étoiles formées, l’intensité de leur champ magnétique surpuissant met des dizaines de milliers d’années à diminuer, transformant ces objets stellaires en une étoile à neutrons ordinaire.

Mais sur la base des connaissances actuelles, les amas globulaires étincelants et densément peuplés n’abritent pas ce type d’étoiles tumultueuses qui s’effondrent en magnétars.

« Ce type de formation stellaire se produit dans tout l’univers, même au sein de notre galaxie, mais pas dans les amas globulaires », assure Claire Ye, de l’université Northwestern, qui étudie les amas globulaires. « On se demande bien ce qu’il peut se passer là-bas ! »

 

DES ÉTOILES DENSES ET INTENSES

Il a fallu près de quinze ans aux chercheurs pour commencer à déchiffrer le mystère des sursauts radio rapides. Parmi les hypothèses initiales sur leur provenance, il est possible de citer l’évaporation des trous noirs, la mort des étoiles, la collision entre des objets denses et, évidemment, les technologies extraterrestres (spoiler : il ne s’agit pas des d’extraterrestres). D’autres indices, comme les structures nanométriques retrouvées dans les sursauts radio ou leur durée et leur intensité ne dépassant pas l’ordre des millisecondes, laissaient penser qu’ils pouvaient être produits par des objets compacts extrêmement denses.

Par conséquent, les scientifiques se sont tournés vers les objets comme les trous noirs ou les étoiles à neutrons. Ils surviennent après les explosions des étoiles massives au sein des supernovas. Plus tard, il s’est avéré que certains sursauts provenaient de régions dotées de champs magnétiques très puissants, un nouvel indice suggérant qu’ils pouvaient être émis par des magnétars.

L’année dernière, un magnétar au sein de la Voie lactée a produit un sursaut radio semblable à un FRB. Il était légèrement plus faible que ceux venant d’une tout autre galaxie mais les scientifiques étaient convaincus d’être sur le bon chemin.

« Le modèle selon lequel les FRB viennent des magnétars a pris de l’ampleur quand nous avons détecté des sursauts similaires aux FRB en provenance d’un magnétar galactique », a déclaré Brian Metzger de l’université Columbia et du Flatiron Institute. « Il s’agissait d’une situation où les magnétars convenaient aussi bien aux théoriciens qu’aux observateurs. »

Mais ce modèle ne fut que de courte durée. Avec la découverte de FRB 20200120E, les astronomes doivent désormais déterminer si les magnétars émergent et survivent dans les amas globulaires. Sinon, ils doivent comprendre si et comment les populations stellaires très anciennes et très calmes pourraient générer de tels sursauts. Aucune de ces deux situations n’est simple à résoudre.

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    DES EXPLICATIONS PLAUSIBLES

    Les astronomes estiment que les amas globulaires ne peuvent pas contenir de magnétars mais d’autres types de corps célestes en possèdent sûrement beaucoup. Les naines blanches, formées lorsque les étoiles similaires au Soleil se gonflent, deviennent des géantes rouges et meurent, ainsi que les étoiles à neutrons, issues d’immenses supernovas, peuvent toutes deux être générées à l’aube de la création de ces amas antiques.

    Il est possible que les magnétars émergent lorsque deux étoiles à neutrons ou deux naines blanches entrent en collision et fusionnent. Autre solution : lorsqu’une naine blanche et une étoile secondaire en orbite s’arrachent tellement de masse qu’elles s’effondrent en une nouvelle étoile à neutrons. Seulement voilà, jusqu’ici personne n’a jamais observé un magnétar se former de la sorte.

    Mme Ye, de l’université Northwestern, estime que nous devrions nous tourner vers d’autres formations potentielles de magnétars au sein de ces amas. Il faudrait également chercher à comprendre comment d’autres types d’étoiles pourraient générer des sursauts radio rapides. En outre, elle explique qu’il est crucial de rassembler davantage de données sur cet amas particulier afin de découvrir quel autre élément pourrait créer ces extraordinaires sursauts.

    « Les amas globulaires sont tous différents. Certains sont plus denses, d’autres moins, et au sein des différents amas, vous observerez différents résultats. »

    M. Metzger a également remarqué qu’il était possible de générer un phénomène semblable aux sursauts radio rapides sans la présence de magnétars. Deux étoiles à neutrons en orbite l’une autour de l’autre pourraient produire des émissions semblables aux sursauts radio rapides. Les disques de matière tournant autour des trous noirs produisent parfois des jets et des signaux lumineux, qui pourraient eux aussi s’apparenter à des FRB. « Je penche plutôt vers l’hypothèse selon laquelle il existe autre chose que les magnétars. »

    M. Chatterjee partage cet avis. Il ajoute que « peut-être qu’une fraction des FRB n’est pas reliée aux magnétars mais à un phénomène proche des jets des trous noirs. »

    Il est possible que les sources des sursauts radio rapides soient multiples, comme pour les sursauts gamma. Ces derniers ont déconcerté les astronomes pendant des années avant leur découverte dans les années 1960 par un satellite militaire. À l'heure actuelle, nous savons que les supernovas massives et les effondrements d’étoiles à neutrons peuvent tous deux produire de très fortes émissions énergétiques de rayons gamma.

    « La nature a trouvé deux manières de produire un tel phénomène », a indiqué Brian Metzger. « Je pense que nous pourrions observer quelque chose de similaire avec les FRB. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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