L'enfer sur Terre : le chaos syrien filmé au plus près

Le documentaire National Geographic dépeint avec puissance la crise syrienne, s’efforçant d’adopter tous les points de vue du conflit.

De Romy Roynard
Publication 9 nov. 2017, 02:04 CET
En Syrie et en Irak, des femmes prennent les armes pour combattre l'État Islamique.
En Syrie et en Irak, des femmes prennent les armes pour combattre l'État Islamique.
PHOTOGRAPHIE DE Sebastian Junger et Nick Quested

Un cri de réalisme déchirant la noirceur du ciel syrien. La matinée vient de se terminer. Ou peut-être est-ce le soir ? Cette famille syrienne qui s’est réfugiée dans une cave d’Alep a perdu la notion du temps, du bonheur simple, de l’apaisement. « Je me force à sourire pour que mes enfants n’aient pas peur », confie Radwan. Son sourire est crispé mais présent, comme un drapeau flottant au vent dans un ultime effort. Ses yeux fatigués n’ont pas vu la lumière du jour depuis quelques temps. Ses enfants échangent des regards inquiets. À cet instant, ils sont tous les enfants du monde, l’innocence sacrifiée sur l’autel des jeux de pouvoirs.

Dehors, le conflit fait rage. Les bombes détruisent la ville qu’ils aimaient. Le régime syrien, l’armée syrienne libre, l’État islamique, tous se répondent avec la même ferveur, refermant un piège mortel autour des civils.

Galvanisées par le printemps arabe, des voix dissonantes se sont élevées contre la dynastie Assad et le régime autoritaire installé par la force depuis le coup d’État de 1970 mené par Hafez el-Assad. Son fils Bachar el-Assad réprime les manifestations avec violence. Avec tant de violence que des groupes de l’armée syrienne commencent à se former, à se défier du pouvoir en place, à refuser de s’en prendre aux civils. L’Armée syrienne libre (ASL) se déclare principale force d’opposition au régime en juillet 2011. Bachar tient bon : mieux vaut un régime autoritaire que le chaos.

Un homme marche dans un décor de flammes, en Syrie.
PHOTOGRAPHIE DE Sebastian Junger et Nick Quested

De fait, la confusion gagne les Syriens, qui commencent à fuir les villes où les tirs fusent à toute heure du jour et de la nuit. Le régime d’Assad réprime avec plus de force les oppositions qui lui sont faites, écrase les factions rebelles, prend les civils en otage. C’est dans ce contexte que l’État islamique (EI) émerge et étend sur la région son pouvoir tentaculaire.

La création du groupe djihadiste remonte à 2006, lorsqu’Al-Qaïda forme avec cinq autres groupes armés le Conseil consultatif des moudjahidines en Irak. Le 13 octobre 2006, le Conseil consultatif proclame l’État islamique d’Irak, lequel se considère comme le véritable État irakien. En avril 2013, l’État islamique profite du contexte de guerre civile pour s’infiltrer dans les différentes sphères de la société syrienne.

L’État Islamique se distingue bientôt d’Al-Qaïda, choisit de travailler au grand jour, d’organiser la terreur quotidienne dans les territoires conquis, de la revendiquer par voie de presse. Dans les villes sous son joug, l’État islamique impose la charia. Le salafisme dont ses membres se réclament prône en effet un retour aux pratiques qui étaient celles du prophète Mahomet et de ses premiers disciples, les « salaf ». La rééducation morale de la communauté musulmane passe par des exécutions sommaires. Des lapidations sont tenues en place publique, des pendaisons organisées si l’on surprend des hommes fumant des cigarettes. Les enfants sont enrôlés pour grossir les rangs de l’État islamique, contrôlant les raffineries de pétrole ou tenant l’arme menaçant les anciens voisins qui refusent de se soumettre.   

Des communautés entières sont poussées à se convertir à l’Islam. Des minorités confessionnelles comme les Yézidis sont encerclées dans les montagnes jusqu’à la mort. La terreur prend la forme distincte des corps décapités pendus par les pieds aux portes des villes.  

“Notre postulat, c’est que l’État islamique est une organisation intelligente et attractive. Pour la combattre, il faut comprendre cela.”

de Sebastian Junger

C’est cette horreur nue, sans filtre, que montre L’enfer sur Terre – Le chaos syrien, le film de Sebastian Junger et Nick Quested. Junger avait déjà réalisé Restrepo sur la guerre d’Afghanistan en 2010 ; le film avait été primé au Festival du film de Sundance et nommé aux Oscars. Il conte ici une guerre plus complexe encore, dont il s’attache à retranscrire les différents points de vue.

Il montre sans pudeur les corps décharnés des enfants syriens décimés par les attaques au gaz sarin du régime d’Assad, les exécutions menées par l’État islamique, les frappes de l’Armée syrienne libre. Il montre que du désespoir peut naître la haine, quand l’impuissance ne laisse pas d’autre choix. Il dévoile aussi l’angoisse du départ, des frontières, des traversées dangereuses sur des embarcations de fortune pour ces familles qui préfèrent une mort possible ailleurs à une mort certaine dans les territoires occupés.

Le film de Junger et Quested n'expose pas tous les tenants et aboutissants historiques et confessionnels de cette guerre. Ce n’est pas leur propos. Ils donnent à voir une guerre depuis toutes les perspectives. Ils donnent un visage et une voix à ceux que la guerre a réduit au silence. Ils donnent enfin à comprendre pourquoi l’État islamique séduit une frange des populations syrienne et irakienne. En choisissant de traiter ce complexe sujet sans fard, sans biais, ils livrent un instantané de la terreur qui s’est abattue sur la région, et sur l’humanité toute entière.

L'enfer sur Terre : le chaos syrien - Bande annonce
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