Sigirîya, l'ancienne capitale royale sri lankaise protégée par la jungle

Construite au Ve siècle, la forteresse de Sigirîya, au Sri Lanka, a attiré l'attention des archéologues britanniques dès les années 1800.

De Verónica Walker
La jungle recouvre la face orientale du rocher Sigirîya, surmontée de la citadelle construite par le roi Kashyapa Ier à la fin du Ve siècle de notre ère, au centre du Sri Lanka.
PHOTOGRAPHIE DE Philippe Michel, AGE Fotostock

Perchée sur un immense rocher qui domine de façon spectaculaire les forêts du centre du Sri Lanka, Sigirîya est aussi imposante aujourd'hui qu’elle l'était à l'époque de sa construction au Ve siècle de notre ère. Le site aussi appelé Simhagîri, ou rocher du lion, est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1982. On y accède par des passages creusés dans la paroi rocheuse entre deux pattes de lion monumentales.

La forteresse a par la suite été engloutie par la forêt et n'était connue que des autochtones. Les étrangers, et notamment les archéologues et historiens britanniques, ont consulté des anciens textes bouddhistes pour partir en quête du site antique. Ils ont redécouvert le site et ses somptueuses fresques au XIXe siècle.

 

UN ROYAUME DEVENU COLONIE

Sigirîya a été construite par le roi Kashyapa Ier au Ve siècle. Ce souverain est le deuxième de la dynastie cinghalaise des Moriya et l'imposante forteresse a été la capitale du royaume cinghalais jusqu'à la défaite de Kashyapa en 495 après J.-C.

Après Kashyapa, des dynasties se sont formées et déformées, leur sort étant conditionné par les luttes de pouvoir internes et les conflits qui opposaient les envahisseurs indiens et cinghalais.

Plusieurs villes ont récupéré le statut de capitale après Sigirîya, comme Polonnaruwa. Au 12e siècle, toutefois, le contrôle général du Sri Lanka s'est progressivement affaibli. Le pouvoir cinghalais s’est retiré au sud-ouest de l’île, abandonnant la région de Rajarata, et les anciens centres administratifs, y compris Sigirîya, sont tombés en désuétude.

La position du Sri Lanka dans l'océan Indien l'exposait particulièrement aux attaques européennes. Au milieu des années 1500, les Portugais ont pleinement exploité les tensions dynastiques de l'élite dirigeante du sri lankaise pour prendre le contrôle d'une grande partie de l'île.

Un siècle plus tard, les colons hollandais ont remplacé les colons portugais, avant d'être à leur tour remplacés par les Britanniques à la fin des années 1700. En 1815, le royaume de Kandy, le dernier État indépendant de l'île, faisait partie intégrante de l'empire britannique.

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    La conception du jardin sur l'esplanade ouest de Sigirîya mêle des lignes rectilignes et des formes arrondies de la nature environnante.
    PHOTOGRAPHIE DE Robert Harding, AGE Fotostock

     

    LE SAVOIR, C'EST LE POUVOIR

    L'extension de l'empire britannique amena le fonctionnaire George Turnour sur l'île. Aristocrate, érudit et historien passionné, Turnour collabora avec un moine bouddhiste pour traduire une ancienne chronique du Ve siècle, le Mahavamsa, du pali à l'anglais. Sur la base de ce texte et d’autres textes, il identifia deux anciennes capitales : Anuradhapura et Polonnaruwa.

    Turnour étudia également une nouvelle chronique de l'histoire du Sri Lanka, la Culavamsa, qui raconte l'histoire du roi Kashyapa. À la fin du Ve siècle, ce prince cinghalais a assassiné son père, le roi Dhatusena, pour s'emparer du trône qui revenait de droit à son frère, qui est parvenu à s'enfuir en Inde. Craignant des représailles, il fit édifier la forteresse de Sigirîya - mais en vain : son frère est revenu, l'a défait et a déchu Sigirîya de son statut de capitale.

    Le bouddha Avukana au Sri Lanka, haut de 12 mètres, a été sculpté au Ve siècle, à la même époque que Sigirîya.
    PHOTOGRAPHIE DE Heritage, Scala, Florence

    En 1827, Jonathan Forbes, un officier écossais, se lia d'amitié avec Turnour et, découvrant l'histoire de Kashyapa et de son palais, se mit en tête de le retrouver. En 1831, il se rendit à l'endroit où on lui avait indiqué qu'il retrouverait les vestiges d'une ville antique.

    Son mémoire, Onze ans à Ceylan, décrit « le rocher de Sirigi [sic]... surplombant les modestes champs et la vaste forêt de la plaine environnante. » En s'approchant d'un peu plus près, il pouvait voir des plates-formes et des galeries creusées dans le roc. Deux membres de son groupe d'expédition ont réussi à se frayer un chemin, mais ont délogé des rochers, « qui se sont écrasés entre les branches des arbres en contrebas. »

    Ne sachant pas qu'il avait trouvé l'antique Sigirîya mentionnée dans les textes bouddhistes, Forbes abandonna l'expédition. En revenant quelques années plus tard, il traça le fossé qui entoure les jardins au pied du rocher, sans pour autant tenter d'escalader la falaise. Il ne faisait pas le rapport entre Sigirîya et des lions, car ses recherches ne lui permettait pas de faire lien étymologique.

     

    DE SOMPTUEUSES FRESQUES

    Des alpinistes britanniques ont finalement atteint le sommet de l'immense édifice rocheux en 1851, sous la direction de Harry CP Bell, fonctionnaire britannique et premier commissaire à l'archéologie de Ceylan. Son enquête à la fin du 19e siècle a constitué la base de toutes les études ultérieures.

    Bell examina minutieusement le tracé de la ville de Kashyapa et décrivit en détail la magnifique sculpture des pattes de lion à l'entrée du site.

    Sigirîya mêle l'utile à l'esthétique. Le besoin d'eau douce et le désir de beauté se sont conjugués dans la conception symétrique élaborée des jardins royaux voulus par Kashyapa. Le plus grand des étangs est aménagé sur l'esplanade ouest. Un système élaboré de terrasses abrite également de petits jardins au pied du rocher.
    PHOTOGRAPHIE DE Dea, AGE Fotostock

    En plus des jardins aquatiques élaborés au pied du rocher, l'étude de Bell a attiré l'attention des historiens sur les galeries décorées de peintures murales somptueuses, qui comptent parmi les objets les plus prisés du patrimoine artistique sri lankais. Un total de vingt-et-une fresques subsistantes donne à voir des nymphes apsaras, des chanteurs célestes et des danseurs. 

    À proximité, également sur les parois rocheuses, se trouvent plus de 1 000 dessins, égratignés par les moines et les pèlerins qui ont visité le site entre le VIIIe et le XIIIe siècle. Parmi ces messages du passé, on peut notamment lire : « À Sigirîya, d’une véritable splendeur, située sur l’île du [Sri Lanka], nous avons vu, heureux, le rocher qui captive l’esprit de toutes les personnes qui viennent ici. »

     

    Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Histoire et Civilisations. S'abonner au magazine

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