Ginette Kolinka, rescapée de Birkenau, passeuse de mémoire : « Il ne faut jamais oublier que c’est la haine qui a engendré cela. »

À 95 ans, Ginette Kolinka, rescapée du camp de la mort de Birkenau, arpente inlassablement les écoles et multiplie les témoignages. Avec un espoir : que ceux qui l’écoutent deviennent à leur tour des passeurs de mémoire.

De Corinne Soulay, National Geographic
Publication 24 juin 2020, 09:28 CEST
Camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau

Camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau

PHOTOGRAPHIE DE John Ondreasz, Pixabay

Au téléphone, elle m’avait prévenue, facétieuse : « J’espère que vous avez du temps, je suis très bavarde. » Pourtant, pendant longtemps, Ginette Kolinka, 95 ans, s’est tue. Elle n’a rien dit de ces mois passés à Birkenau, en 1944, en Pologne, où son père et son frère ont péri, dès leur arrivée, dans une chambre à gaz, ni de son passage à Bergen-Belsen ou de son travail à l’usine de Raguhn, en Allemagne. Ni à sa mère, ni à ses sœurs, qui n’ont pas été déportées et qu’elle a retrouvées à Paris à son retour des camps. Elle avait alors 20 ans et pesait 26 kilos. Elle n’a rien dit non plus à son mari, à son fils, à ses amis... Jusqu’aux années 2000, où l’Union des Déportés d’Auschwitz lui demande de remplacer un de ses membres pour accompagner un groupe scolaire à Birkenau. Depuis elle n’a plus cessé de parler. Dans les lycées, les collèges, les écoles primaires… En 2019, son témoignage a fait l’objet d’un livre bouleversant, Retour à Birkenau, (éd. Grasset), écrit avec Marion Ruggieri.

Ginette Kolinka me reçoit un jour de juin 2020, chez elle, à Paris, dans ce même appartement où elle a vécu adolescente et où elle est retournée après sa déportation. Un intérieur chaleureux, encombré de bibelots, de médailles et de photos, dans lequel nous échangeons, face à face, assises à la table de sa salle à manger, durant trois heures. Elle m’avait prévenue : « Je suis très bavarde. » Entretien.

Portrait de Ginette Kolinka, rescapée du camp de la mort de Birkenau

PHOTOGRAPHIE DE JF Paga

À quoi ressemblait votre vie avant la guerre ?

Quand j’ai eu 10 ans environ, nous nous sommes installés ici, à Paris. C’était un local commercial qui associait un appartement et un atelier, car mon papa fabriquait des imperméables. Vous savez, j’étais la dernière de six filles, avant que mon petit frère n’arrive. Je n’étais pas très dégourdie : j’étais la petite qui copiait tout ce que faisaient ses sœurs, qui leur prenait leurs vêtements... Quand j’ai eu 14-15 ans, un cousin nous a présenté à ses copains. Avec l’une de mes sœurs et ma cousine, on a fait partie de cette petite bande d’amis. À l’époque, il n’y avait pas l’Occupation, et ce n’était pas comme aujourd’hui, on avait le droit de camper n’importe où. Donc on prenait le train à la Bastille et on descendait à Saint-Leu-la-Forêt, on prenait la route avec nos sacs à dos et, dès qu’on trouvait un coin qui nous plaisait, on s’arrêtait. Pas de duvet ni de matelas, on dormait à même le sol ! Et puis la Guerre est arrivée. En 1942, nous avons dû passer en zone libre, laissant nos meubles, nos affaires, munis simplement d’une petite valise. Nous sommes allés à Avignon. Officiellement, nous étions la famille Cherkasky - mon nom de jeune fille - d’origine russe et orthodoxe. Mais, une famille entière qui débarque comme ça… personne n’était dupe.

 

Puis vous êtes arrêtée le 13 mars 1944…

Nous faisions les marchés sur les remparts d’Avignon. Quelqu’un nous a dénoncés. Un midi, je rentre à la maison pour déjeuner et je trouve la Gestapo chez nous. Ils m’emmènent avec mon père, mon frère de 12 ans et mon neveu de 14 ans, qui étaient là pour manger avant de retourner à l’école. Nous passons une nuit en prison à Avignon puis nous partons pour Marseille et direction Drancy. Le 13 avril, c’est le départ pour la Pologne. Je n’avais pas peur. Pour moi, j’allais dans un camp de travail. J’imaginais que cela être dur évidemment, que je n’allais pas faire de la broderie ! Mais je pensais que j’allais travailler à l’usine ou aux champs. J’avais 19 ans, c’était faisable. À mon père, qui avait 61 ans, et que je trouvais vieux, je disais : « Tu n’auras qu’à leur dire que tu sais piquer à la machine, ils te mettront dans un atelier. » Lui devait savoir ce qui nous attendait, mais il m’a laissée dans mes rêves.

Comment se déroule le trajet de Drancy à Birkenau ?

Nous arrivons le 16 avril, après trois jours de train, très durs. Nous étions serrés les uns contre les autres dans un wagon aveugle. La lumière et l’air ne passaient que par les interstices des planches. Lorsque les portes sont enfin déverrouillées, je me souviens d’abord d’une sensation agréable : l’air vif du matin qui rentre dans ce lieu malodorant où l’on étouffait. Mais ce moment dure un quart de seconde. Aussitôt, des gens sautent dans les wagons et nous poussent violemment à l’extérieur. Là, c’est le commencement de l’enfer.

J’entends des officiers sur le quai hurler quelque chose. Je ne comprends pas, je me fais traduire : il y a des camions pour les personnes fatiguées, car le camp est loin et le trajet à pied risque d’être pénible. Je pousse mon père et mon petit frère à monter dans ces camions : puisqu’ils sont « gentiment » proposés par les nazis, il faut en profiter. Ils m’écoutent. Je n’ai pas le temps de leur dire au revoir, de leur faire un petit bisou. Je ne les ai plus jamais revus.

À l’arrivée au camp, les femmes qui sont là nous disent tout de suite ce qui leur est arrivé : ils ont été gazés, assassinés. Mais c’est impensable, on ne peut pas y croire.

À l’arrivée à Birkenau, vous dites que tout est fait pour vous déshumaniser. Comment procèdent les nazis ?

Ça va très vite. D’abord, on vous dit de vous déshabiller entièrement. Pour moi, c’est ça le plus dur à ce moment-là. J’ai tellement honte. C’est pire que tout le reste. Pourtant, dans la foulée, on vous rase entièrement - la tête, les poils du pubis -, on vous tatoue un numéro sur le bras, on vous habille avec des loques. Les gens pensent toujours qu’on portait des pyjamas rayés. Mais c’était trop bien pour les Juifs, on n’y avait pas droit. Des personnes étaient chargées de trier les affaires que certains Juifs avaient pu rapporter dans leurs bagages. Ce qui était en bon état était envoyé en Allemagne, le reste était pour nous. Ce qui fait que, selon le hasard, vous écopiez de quelque chose de pas trop mal, ou d’une robe avec des taches suspectes, trop petite, trop longue… Et puis, on nous propose enfin d’aller aux toilettes. Ça fait des jours qu’on n’a pas pu y aller. On se réjouit presque, on se dit qu’on va pouvoir disposer d’un lieu isolé. Au lieu de cela, on nous emmène dans une baraque dont le sol est percé de trous. Des centaines de femmes sont là, alignées, à faire leurs besoins côte à côte, dos à dos.

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    Des juifs arrivent à Auschwitz. Les cheminées en arrière-plan appartiennent respectivement aux Crématoires II et III à gauche et à droite, dont les structures abritent des chambres souterraines de déshabillage et de gazage. La photographie fait partie de la collection « The Auschwitz Album », Yad Vashem.

    PHOTOGRAPHIE DE Domaine Public

    Je me demande souvent comment ils sont allés chercher des idées comme ça. J’imagine un groupe d’officiers, réunis autour d’une table, en train de réfléchir à la Solution finale et de se demander : de quelles façons allons-nous pouvoir les humilier ? Comment les faire souffrir le plus possible ? Ce n’était pas improvisé, tout était organisé, préparé pour nous déshumaniser. C’est la même chose pour les chambres à gaz. Ils auraient pu nous tuer à Drancy ou dans les wagons. Pourquoi avoir pensé au gaz ? Est-ce qu’un officier, qui avait des connaissances en agronomie, s’est dit : « Tiens, il y a un pesticide, le zyklon B, qui permet de tuer la vermine dans les champs, pourquoi ne pas l’utiliser ? » Pour eux, nous étions de la vermine. Pourtant nous ne leur avions rien fait. C’est terrible de se dire qu’ils ont fait tout ça car nous étions Juifs. Il ne faut jamais oublier que c’est la haine qui a engendré cela. Voilà où mènent l’intolérance et la haine de l’autre.

     

    Quel était votre quotidien à Auschwitz-Birkenau ?

    On était battues tout le temps. Chaque ordre, chaque « Schnell ! » (Vite !), étaient accompagnés d’un coup. Au début ça surprend, après on s’habitue. Moi, mon travail, c’était de creuser des fossés, de casser des pierres, et de les charger dans des wagons pour faire de routes. Par tous les temps, été comme hiver. Quand j’y pense, je me dis, comment j’ai réussi à faire ça ? La peur sans doute…
    La nuit, on dormait dans des coyas, des niches de bois aménagées sur trois niveaux. Par étage, il y avait de la place pour trois, mais nous étions six, collées tête-bêche. On nous réveillait à 3h30. Le matin, on se partageait le « café », une sorte de tisane qui nous détraquait les intestins, mais c’était le seul liquide qu’on avait de la journée, il n’y avait pas d’eau. On était cinq à devoir laper dans une écuelle ébréchée. Celles qui avaient une grande bouche ou qui savaient rester longtemps en apnée étaient avantagées. Si vous étiez la dernière du rang, parfois il ne vous restait rien. Le midi, il y avait de la soupe et, le soir, du pain avec un morceau de margarine.

    Une fois par semaine, on avait droit à un supplément, une petite tranche de saucisson, type boudin, ou bien de la marmelade. Moi j’allais l’échanger avec les filles qui étaient en convalescence dans la baraque qui servait d’hôpital. J’avais appris qu’elles avaient droit à des pommes de terre à l’eau, mais comme elles n’avaient pas beaucoup d’appétit, elles préféraient nos suppléments. En réalité, les pommes de terre étaient tellement cuites qu’il ne restait plus de chair. Je repartais avec une grosse poignée d’épluchures et, là, mon estomac était plein. Sur le camp, tout le monde volait tout le monde, à part entre copines. On avait perdu toute humanité… On ne disait pas « voler », mais « organiser ». Mieux valait dormir avec ses vêtements sinon on ne les retrouvait pas le lendemain matin. Je ne me souviens pas m’être jamais lavée à Birkenau. Nos vêtements étaient désinfectés parfois. Nous aussi, avec un produit contre la gale, mais c’est tout.

    Après sept mois à Birkenau, comment se passe votre départ pour le camp de concentration allemand de Bergen Belsen ?

    En novembre 1944, je ne sais plus vraiment pourquoi, mais je suis là au moment où un wagon arrive dans le camp. Toutes les personnes qui ne travaillent pas ce jour-là doivent se rassembler et y monter. Après trois jours, on arrive à Bergen-Belsen, un vaste terrain sur lequel sont plantées deux tentes immenses remplies de milliers de femmes. Certaines dorment sur des lits superposés, d’autres par terre. La nuit, pour se déplacer, on se marche les unes sur les autres. Je ne me souviens pas vraiment de mes journées là-bas, je sais juste que nous n’étions pas obligées de travailler. Et puis, en février 1945, là c’est vraiment ma chance : des directeurs d’usine ont besoin de personnel à Raguhn. Je suis embauchée. Là-bas, il y a des baraques comme à Birkenau, mais elles sont partagées en chambrées, il y a moins de promiscuité. On a droit à des robes rayées et il y a même une salle d’eau pour faire sa toilette. Mais pas de serviette, ni de savon, seulement du chlore. On n’a pas le droit de manger à la cantine pour ne pas se mélanger aux Allemands et on doit se contenter d’un morceau de pain pour quatre jours. Mais les ouvriers comprennent vite qu’on est affamées et ils nous glissent à manger discrètement sur nos postes de travail. C’est comme ça que je réussis à tenir jusqu’en avril 1945. À ce moment-là, on doit quitter l’usine, car les Alliés approchent.

    Vue aérienne du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau (cliché de la RAF du 23 août 1944) ; l'entrée se trouve en bas à droite, prolongée vers la gauche par les voies de chemin de fer et les quais de débarquement ; à gauche, de part et d'autre de ceux-ci, deux bâtiments abritant les chambres à gaz avec leurs fours crématoires respectifs (les deux formes noires en « T ») ; de bas en haut : camp des femmes et des prisonniers en régime dur, camp principal puis extension en construction. En haut à gauche, on remarque la fumée blanche, elle ne provient pas d'une cheminée du crématoire V, mais d'une crémation en plein air à côté du crématoire V. Le processus d'extermination avait atteint un rythme tellement élevé que les fours « ne suivaient plus ».

    PHOTOGRAPHIE DE RAF, Domaine Public

    Comprenez-vous alors que cela sonne la fin de votre déportation ?

    Pas du tout. Nous quittons l’usine à bord d’un train, dans lequel nous restons enfermées plus d’une semaine. C’est un calvaire. Nous n’avons pas d’eau, nulle part où faire nos besoins. Chaque jour, il y a de nouvelles mortes. Nos cheveux ont repoussé : nos têtes, nos corps, grouillent de poux. Je me souviens d’un des rares moments où on nous ouvre les portes du train. Nous nous laissons tomber sur le ballast et nous mangeons l’herbe au bord des rails. Pour nous hydrater, nous buvons l’eau de vidange d’une locomotive... Mais quand on arrive enfin à destination, tout est différent : personne ne nous bat, ne nous injurie, ne nous crie dessus. Certaines personnes nous regardent même avec des yeux larmoyants. Nous sommes à Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. Je ne sais pas qui sont ces gens, mais en tous cas ce ne sont plus des nazis. Ils sont humains, ils nous aident à marcher jusqu’au camp. Certaines d’entre nous repartent directement pour la France, mais moi je suis très faible, j’ai le typhus. Je dois être soignée plusieurs semaines. Je ne me souviens de rien.

     

    Vous êtes rapatriée au mois de juin 1945. Vous passez d’abord par un centre d’accueil à Lyon, puis, vous apprenez par hasard que votre mère et vos sœurs sont non seulement vivantes, mais qu’elles n’ont pas été déportées et sont retournées vivre à Paris, dans votre ancien appartement, habité par des collaborateurs pendant votre absence. Comment se passent vos retrouvailles ?

    J’arrive à l’appartement les cheveux rasés, pesant 26 kilos, vêtue d’une veste militaire allemande et probablement pieds nus. En me voyant, la concierge croit reconnaître Gilbert, mon petit frère, qui aurait eu 13 ans. Pourtant, j’en ai 20. Quand ma mère ouvre la porte, on se sert dans les bras. Je ne crois pas qu’on pleure. Je ne sais plus pleurer. Et puis, subitement, elle me dit : « Demain matin, on va me donner des nouvelles de ton père et de ton frère. » Moi je sais qu’ils ont été assassinés, puisque c’est moi qui les ai fait monter dans le camion. Je ne veux pas qu’elle souffre, qu’on lui mente, qu’à chaque coup de sonnette, elle espère leur retour. Donc je lui assène, presque méchamment : « Mais non, maman, on les a gazés, on a brûlé leurs corps. » Jamais elle ne m’a fait de reproches, jamais elle ne m’en a voulu de lui avoir annoncé comme ça. Mais, quelques années plus tard, quand je suis moi-même devenue mère, et qu’elle était déjà décédée, j’ai compris quelle douleur elle avait dû ressentir. C’était trop tard, je ne m’étais jamais excusée.

     

    Par la suite, durant 55 ans, vous n’avez plus jamais parlé de cette période. Pourquoi vous être tue si longtemps ?

    Vous savez, je souhaite à tout le monde de vivre l’existence heureuse que j’ai eue après la déportation. J’ai été chouchoutée par ma famille, ma sœur m’a donné sa place sur le marché d’Aubervilliers, j’ai trouvé du travail tout de suite, j’ai rencontré un mari aimant, nous avons eu un fils qui a réussi (ndlr : Richard Kolinka, batteur du groupe Téléphone, aujourd'hui Les Insus), de gentils petits-enfants… Certains déportés n’ont pas eu cette chance. De retour des camps, ils n’avaient plus de famille, plus de logement. Beaucoup d’autres ne sont jamais revenus. Nous ne saurons jamais comment ils sont morts. J’avais la chance d’être rentrée, je ne voulais pas faire souffrir mes proches davantage en racontant. Quand il avait 4 ans, mon fils m’a demandé pourquoi j’avais ces numéros sur mon bras. Je lui ai répondu : « Je te raconterai quand tu seras plus vieux. Pendant la guerre il y avait des gens méchants. » Et j’en suis restée là. Je ne voulais pas qu’il éprouve de la haine. Plus tard, il a appris tout ça à l’école et ne m’a pas posé de question.

     

    Qu’est-ce qui vous a décidé à parler ?

    Il y a d’abord eu cette première fois. Après son film La liste de Schindler, en 1993, Spielberg a créé une fondation pour permettre à de jeunes cinéastes de recueillir des témoignages de déportés. L’un d’eux me contacte. Pour moi, c’est un non catégorique. Mais il insiste, il insiste… Je me lasse et lui dis : « Si vous avez du temps à perdre, venez. » Moi, je suis persuadée que je n’ai pas de souvenirs. En réalité, j’avais tout enfoui. Ce jour-là, je dis des choses que je ne savais pas moi-même qu’elles étaient encore dans mon cerveau. Puis je me tais à nouveau pendant plusieurs années.

    Au début des années 2000, je suis veuve, je passe par hasard devant le siège de l’Union des Déportés d’Auschwitz (UDA). Je fais partie de cette association depuis sa création dans les années 50, car le responsable de l’époque était un ami de mon mari. Mais je n’y participe pas. Or, ce jour-là, des femmes boivent le café dans le local. Pour la première fois, j’ose entrer. Et c’est tellement agréable que je reviens ensuite tous les jeudis. Un jour, on me demande de remplacer au pied levé une femme de l’association qui est malade, pour témoigner lors d’un voyage scolaire en Pologne. J’accepte pour rendre service. Et depuis, je ne m’arrête plus de témoigner dans les écoles. Je suis régulièrement en vadrouille. Rien que pour cette année, j’ai déjà des rendez-vous prévus jusqu’à mai 2021 !

     

    Comment se passe votre premier retour à Birkenau ?

    Je pensais que ça allait me bouleverser, mais je ne reconnais rien, je ne ressens rien. Ça ne ressemble plus à ce que j’ai connu. Avant ça grouillait de monde partout, de groupes de femmes au travail. Il y avait du bruit, des hurlements, et c’était un terrain marécageux, tout était sale, boueux. Là, les allées sont bien entretenues. Les baraques ont été reconstruites… Quelque chose me choque malgré tout, ce sont les paroles de la guide devant les ruines des chambres à gaz. Elle explique que la mort était rapide : « vingt-cinq minutes ». Toutes ces années, j’avais cru que mon père et mon frère étaient entrés et que, trois minutes après, la mort avait fait son travail. Là, j’apprends qu’ils ont souffert vingt-cinq minutes. C’est inimaginable.

     

    Quelle est la réaction des élèves que vous rencontrez ?

    Il y a quelques années, ils n’étaient pas vraiment préparés. On leur disait que quelqu’un allait venir leur parler de la déportation, ils se réjouissaient car ils voyaient ça comme un moment de récréation. Aujourd’hui, les professeurs font un travail préalable. Les enfants nous écoutent, on n’entend pas une mouche voler, ils sont touchés, certains ont les larmes aux yeux...

     

    Pensez-vous que votre témoignage soit utile ?

    Parfois je me dis que cela ne sert à rien. Lorsque j’entends que, dans certaines manifestations, on crie « Mort aux Juifs ! », sans justification. Qu’est-ce que cela vient faire là ? C’est terrible l’antisémitisme, le racisme. Aujourd’hui, on entend des choses terribles dites contre les Juifs, les Musulmans, d’autres communautés… Il faut respecter les religions des uns et des autres. On sait où mène la haine. On ne doit plus jamais revivre ça. Plus on en parlera, mieux ce sera. Quand on ne sera plus là pour parler, il y aura toujours des expositions, les archives... Le Mémorial de la Shoah fait un travail énorme pour conserver ces témoignages. Ils ont réalisé des enregistrements de déportés, qu’on peut écouter. Mais, j’espère surtout que, parmi tous les élèves qui nous auront écoutés, certains deviendront eux-mêmes des passeurs de mémoires. Sinon, on risque d’oublier…

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