Pourquoi Napoléon a-t-il perdu la bataille de Waterloo ?

La bataille que l'empereur français pensait être une victoire rapide et facile signa la fin de l'ère napoléonienne.

De Jean-Noel Brégeon

Au début des années 1800, Napoléon Bonaparte prit d'assaut l'Europe, étendant sans relâche l'Empire français et défiant la suprématie de la Grande-Bretagne sur les mers. De 1804 à 1814, sept coalitions se formèrent contre la France, incluant à chaque fois la Grande-Bretagne, durant ce qu'on appelle les guerres de Coalitions. La Grande-Bretagne, la Prusse, l'Autriche et la Russie ont toutes tenté de contenir l'avancée du fougueux empereur français. En 1814, le fier Napoléon fut contraint d'abdiquer et de s'exiler sur l'île d'Elbe. Le roi Bourbon Louis XVIII monta sur le trône de France.

Mais fin février 1815, l'Europe qui pensait en avoir fini avec l'audacieux Napoléon, apprit non sans surprise que celui-ci avait quitté l'île d'Elbe et avait mis le cap sur la France. Il est difficile de surestimer la consternation et la peur que cette nouvelle engendra. L'exil forcé de Napoléon l'année précédente était la conclusion d'incessantes années de batailles mémorables et coûteuses sur terre comme sur mer. Beaucoup craignirent alors que son évasion ne relançât l'expansion impériale française, plongeant à nouveau l'Europe dans les tourments de la guerre.

Cette peinture à l'huile de 1874 de Félix Philippoteaux montre l'une des dernières charges de la cavalerie française contre l'infanterie britannique pendant la bataille de Waterloo. Victoria and Albert Museum, Londres.

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Au printemps 1815, les forces britanniques, prussiennes, autrichiennes et russes se précipitèrent pour former une nouvelle coalition alors que Napoléon commençait déjà à mobiliser son armée. Le compte à rebours était lancé avant une dernière confrontation épique. Cette fois, Napoléon fit face à une coalition de nations dirigée par l'un de ses adversaires britanniques les plus talentueux, le duc de Wellington. Bien qu'ils fussent des adversaires, les deux hommes avaient façonné et avaient été façonnés par des événements extraordinaires qui avaient transformé l'Europe à la fin du XVIIIe siècle.

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    Napoléon dépeint après avoir appris la chute de Paris en mars 1814. Peinture de Paul Delaroche, 1845. Musée des Beaux-Arts de Leipzig.

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    PREMIÈRE ASCENSION ET DÉCHÉANCE

    Né en Corse en 1769, Napoléon Bonaparte était d'une intelligence extraordinaire et d'une ambition sans faille. Jeune soldat, il soutint les idéaux radicaux de la Révolution française et gravit rapidement les échelons de l'armée française. Proposant une approche agressive en attaquant les territoires britanniques ouvrant la route vers l'Inde, Napoléon dirigea la campagne d'Égypte en 1798.

    En 1799, la France était en guerre avec la plupart des grandes puissances européennes. De retour en France, Napoléon prit part au coup d'État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), qui marqua la fin du Directoire et de la Révolution française, et le début du Consulat. 

    Premier Consul, Napoléon Bonaparte établit son pouvoir personnel autoritaire à compter de février 1800. Ses forces mirent en défaite l'Autriche et, en 1804, Napoléon fut sacré empereur de France. 

    Les espoirs renouvelés de l'Empire français de briser la puissance navale britannique furent anéantis lors de la bataille de Trafalgar en 1805. Mais alors même que Napoléon abandonnait l'espoir d'envahir la Grande-Bretagne, sa Grande Armée continuait à occuper des pans de l'Europe dans ce qui est maintenant l'Allemagne et la Pologne. À l'ouest, il imposa un blocus commercial à la Grande-Bretagne en envahissant le Portugal, son allié, et ce faisant il conquit une grande partie de l'Espagne.

    C'est sur la péninsule ibérique que le futur duc de Wellington, né Arthur Wellesley, vainquit Napoléon Ier. Le commandant d'origine irlandaise avait remporté nombre de victoires militaires en Inde avant d'être envoyé au Portugal en 1809 où il permit aux guérilleros de résister à l'occupation napoléonienne. Malgré des premiers revers, Wellesley réussit avec patience et habileté à chasser Napoléon hors du Portugal en 1811 et remporta des victoires décisives contre les Français en Espagne en 1813, mettant à mal les ambitions de domination européenne que nourrissait l'empereur.

    L'Empire français s'affaiblissait. Suite à la tentative ruineuse de la Grande Armée française d'envahir la Russie, les forces alliées prirent la France d'assaut de toutes parts. En avril 1814, Napoléon fut contraint d'abdiquer et accepta d'être banni sur l'île d'Elbe, à quelques kilomètres de la côte italienne, où il n'était pas exactement prisonnier. Il obtint la souveraineté de l'île, ainsi qu'une garde armée. Un ingénieux réseau de renseignements provenant du continent l'aida à planifier son audacieux retour au début de l'année 1815.

     

    LE CHEMIN DU RETOUR

    Le 20 mars, Napoléon atteignit Paris. Malgré ses intentions pacifiques affichées, la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Prusse et la Russie se défiaient de lui. Ensemble, elles signèrent l'équivalent d'une déclaration de guerre.

    La coalition contre la France s'organisa rapidement et l'empereur français nouvellement restauré eut peu de temps pour riposter. Face aux armées ennemies se massant aux frontières nord de la France, il tenta, en vain, de constituer une force de volontaires pour compléter l'armée permanente à sa disposition. Mais même diminuée, l'armée française était une adversaire redoutable. Ses troupes étaient composées de combattants expérimentés et son commandant inspirait toujours une loyauté passionnée.

    Les forces alliées étaient quant à elles composées de troupes britanniques, allemandes, belges, hollandaises et prussiennes, qui étaient divisées en divers détachements à la frontière entre la France et l'Allemagne actuelle. Le commandant britannique, le duc de Wellington, prit la décision d'attendre patiemment que l'ennemi attaque plutôt que de le forcer à se défendre.

    Napoléon lui-même, très confiant, se préparait à une victoire décisive. Ignorant ses conseillers qui l'imploraient de reporter l'assaut, il quitta Paris le 12 juin 1815 pour rejoindre son armée en Belgique - où les troupes de Wellington et l'armée prussienne de Gebhard von Blücher étaient à l'affût. Le 14 juin, il signa la proclamation suivante : « L'honneur et le bonheur de notre pays sont en jeu et Français, le moment est venu de vaincre ou de mourir ! »

    Mouvements des armées au cours des trois derniers jours de la campagne de Waterloo.

    Les Français sont représentés en violet, les Britanniques en rouge et les Prussiens en jaune.

    PHOTOGRAPHIE DE Map by EOSGIS.COM

    L'empereur français mena de front deux batailles le 16 juin aux Quatre-Bras et à Ligny ; toutes deux furent des victoires françaises, sans toutefois porter un coup fatal aux ennemis de Napoléon. Le 17 juin, de fortes pluies trempèrent les soldats français. Les champs humides et les routes boueuses transformèrent le paysage en un dédale marécageux.

     

    UN BOURBIER MILITAIRE

    À l'aube du 18 juin, Wellington et Napoléon organisèrent leurs forces. Wellington installa son quartier général au Mont-Saint-Jean sur la route de Bruxelles, non loin de la ville de Waterloo. Il déploya la majeure partie de ses 68 000 soldats le long d'une crête de quatre kilomètres de long. Trois fermes - Papelotte, La Haye Sainte et Hougoumont - ponctuaient celle-ci. Le commandant britannique s'en tint à sa tactique défensive, sachant qu'il devait attendre l'arrivée des détachements de Blücher - environ 50 000 hommes au total. Après la bataille de Ligny, Blücher s'était replié sur Wavre, à quelques kilomètres de Waterloo.

    Le camp de Napoléon était quant à lui dans le village de la Maison du Roi. Parce que les forces françaises comptaient environ 72 000 hommes, Napoléon espérait profiter de la distance qui séparait les Prussiens des Britanniques pour détruire les forces de Wellington dès que possible. 

    L'empereur était convaincu que la victoire était à sa portée et qu'elle serait rapide et facile : « Je vous dis que Wellington est un mauvais général, que les Anglais sont de mauvaises troupes et que ce sera l’affaire d’un déjeuner. » Mais les plans de l'empereur furent contrecarrés par les conditions boueuses et le brouillard matinal, qui empêchèrent un départ anticipé. Les conditions le contraignirent à retarder son attaque jusqu'en fin de matinée. Certains historiens pensent que s'il n'avait pas plu, Napoléon aurait pu vaincre l'armée alliée en quelques heures, bien avant l'arrivée des Prussiens.

    En fin de compte, la bataille commença peu après après onze heures du matin. Toujours à l'offensive, les Français concentrèrent leurs forces sur deux points clés du front : les deux fermes que les alliés avaient fortifiées, Hougoumont et La Haye Sainte. La bataille pour s'emparer de ces sites se prolongea toute la journée, provoquant de grosses pertes chez les Français, qui lançaient des attaques successives sur l'infanterie alliée. Les charges de cavalerie frappèrent de terreur les tireurs d'élite alliés avancés, et l'artillerie française pilonna les formations anglo-hollandaises tout au long de la journée. Des attaques d'infanterie française disciplinées parvinrent à percer les lignes alliées, de sorte que dans l'après-midi, certains officiers de Wellington, à court de munitions, craignirent de perdre la bataille.

    La ferme de Hougoumont fut assiégée par la division française commandée par le plus jeune frère de Napoléon, Jérôme. Entre 11 heures et 16 heures, les Français firent trois tentatives pour déloger leurs opposants, 2000 hommes stationnés à l'intérieur et autour du site. Mais ceux-ci résistèrent à la vague d'attaques. Au début de la bataille, une quarantaine de soldats français réussirent à pénétrer dans la cour mais les Britanniques les acculèrent et les massacrèrent. Les Français incendièrent plusieurs pièces et les écuries. De nombreux soldats blessés, incapables de bouger, périrent dans les flammes. Les alliés réussirent à tenir Hougoumont, ce qui s'avéra crucial pour remporter la bataille de Waterloo.

    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

    Aucune des attaques françaises, cependant, n'atteignit l'objectif de franchir la ligne de front. L'infanterie alliée, en particulier les Britanniques, fit preuve d'une résilience déterminée face à l'assaut français. Certaines formations subirent des pertes sans précédent, comme l'Inniskilling Regiment, qui perdit les deux tiers de ses hommes en quarante-cinq minutes.

     

    FACE À WATERLOO

    La tension devenait insoutenable. Wellington attendait désespérément l'annonce de l'arrivée de Blücher : « La nuit, ou les Prussiens, nous sauveront », dit-il. C'est vers seize heures que les forces de Blücher commencèrent à attaquer le flanc français aux hameaux de Plancenoit et Papelotte. Mais la menace sur les troupes de Wellington était encore grande. Le mas de La Haye Sainte tomba aux mains des Français vers dix-huit heures.

    La Ferme La Haye Sainte se composait de trois bâtiments entourés de hauts murs, flanqués d'un côté d'un potager et de l'autre d'un verger. Les Britanniques avaient renforcé les portes et construit des barricades en abattant des arbres. Après l'échec des attaques successives commandées par le général Drouet, le comte d'Erlon, le maréchal Ney dirigea personnellement la brigade du général Quiot et réussit à percer les dernières défenses de la ferme.

    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

    Une heure plus tard, les forces alliées firent face à la terrible charge de la Garde Impériale, la force que Napoléon réservait toujours pour sceller les batailles. Eux, pensa l'empereur, briseraient les alliés. Mais ses calculs étaient faux. Il avait déjà envoyé plusieurs régiments de sa garde impériale pour combattre les Prussiens. Ils manquèrent cruellement à leurs camarades lors de la dernière poussée. Alors qu'ils chargeaient, les tirs alliés fusaient. Abasourdie, la garde impériale hésita.

    Les troupes françaises battirent en retraite. Dans ses mémoires, le capitaine Jean-Roch Coignet se rappela : « Rien ne pouvait les calmer ; ils n’écoutaient personne, les cavaliers brûlaient la cervelle à leurs chevaux, des fantassins se la brûlaient pour ne pas rester au pouvoir de l’ennemi ; tous étaient pêle-mêle. » 

    À vingt heures et quinze minutes, Napoléon ordonna la retraite. Conscient du coup fatal qui venait de lui être porté, il retourna à Paris, où il abdiqua en faveur de son fils le 22 juin 1815.

    La victoire de Waterloo coûta cher à la coalition : les estimations varient, mais les historiens évaluent les pertes de Wellington à environ 15 000 hommes et celles de Blücher à environ 8 000. Côté français, on estime qu'environ 25 000 hommes y perdirent la vie et que 9 000 autres furent faits prisonniers. Wellington fut bouleversé par la perte de tant de vies humaines : « Dieu, j'espère avoir combattu ma dernière bataille. » 

    Un mois après la bataille, Napoléon se livra aux Britanniques, qui le bannirent à Sainte-Hélène, une île au milieu de l'Atlantique. L'ère napoléonienne venait de prendre fin pour de bon.

     

    Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Histoire et Civilisations. S'abonner

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