Raids vikings en France : que reste-t-il des grandes invasions ?

Ancrés dans l'Histoire et l'imaginaire collectif, les peuples norois sont un des symboles de l'époque médiévale. Mais aujourd'hui, que reste-t-il de leurs passages ?

De Lou Chabani
Publication 29 sept. 2022, 16:28 CEST
Des recréateurs de combats vikings montrent leur armure avant la bataille lors du festival Slaves et ...

Des recréateurs de combats vikings montrent leur armure avant la bataille lors du festival Slaves et Vikings à Wolin, en Pologne.

PHOTOGRAPHIE DE David Guttenfelder / National Geographic

Guerriers, aventuriers, explorateurs, commerçants, poètes. On ne compte plus le nombre de casquettes portées par les vikings. D’abord perçus par l’imaginaire collectif comme des barbares sanguinaires, prompts à l’incendie d’églises, l’identité viking s’est ensuite nuancée au fil des années et des recherches.

« La viking, au féminin, c’est une activité, une expédition qui est menée souvent en bateau, loin de chez soi, pour s’enrichir […] par le commerce et le pillage », explique le Docteur Pierre Bauduin, historien spécialiste de l’histoire normande de l’Université de Caen. « Le mot masculin "vikingar", ce sont ceux qui se prêtent à cette activité. D'ailleurs, l'appelation "les vikings" ne prends pas de majuscule »

Pratiqués par plusieurs populations au cours de l’Histoire, les raids vikings, que la France subit, ne furent pas toujours commis par les mêmes auteurs. « Concernant les vikings qui [attaquèrent] l’ouest de l’Europe, ils provenaient en majorité du Danemark ou de la Norvège. Beaucoup ne venaient pas directement de la Scandinavie », ajoute l’historien. « Les Scandinaves n’étaient pas tous des vikings, et tous les vikings n’étaient pas scandinaves. »

 

De nombreuses populations eurent recours à la pratique de la viking, il est donc incorrect de les voir comme un peuple unique. Quelle que soit son origine, un vikingar partait avant tout en raid pour s’enrichir à travers une expédition, et ce aussi bien par le pillage, le commerce, la découverte de nouvelles terres ou encore par l’échange diplomatique.

Cependant, si ces pratiques marquèrent durablement aussi bien l’Histoire que l’imaginaire collectif, que reste-t-il de ces « grandes invasions » ? Des réponses sont également apportés au sein de la série VIKINGS : GLOIRE ET DÉCLIN diffusée tous les dimanches à 21h sur la chaîne de National Geographic

les plus populaires

    voir plus

    Carte reproduisant les raids vikings aux 9-10e siècles.

    PHOTOGRAPHIE DE Légendes Cartographie

    UNE IMPLANTATION DIFFICILE À RETRACER

    Interrogé sur le sujet, le Dr Bauduin déplore le manque de traces archéologiques relatant les passages vikings sur le territoire français. Le seul trésor viking jamais retrouvé en France fut découvert en 2007 dans la commune de Saint-Pierre-Des-Fleurs. Le petit pactole était composé de vingt-et-une pièces, rassemblant des devises carolingiennes, arabes, anglaises et des fragments de lingots.

    Outre cette découverte exceptionnelle, les traces des différents raids se comptent sur les doigts de la main : quelques armes retrouvées au fond de la Seine à l’occasion de dragages, mais aussi une paire de fibules ovales ou encore deux marteaux de Thor.

    En dehors des quelques artefacts ayant pu être retrouvés, c’est surtout dans les textes et la langue que se retrouve l’influence viking. « Il y a des textes qui nous en parlent, on a des témoignages d’ordre linguistique », expose notamment le Dr Bauduin. « Il y a à peu près 150 mots d’origine noroise qui [passèrent] dans la langue d’oïl [Ndlr : nom donné à l’ancien français]. »

    Parmi ces mots, près de 60 % concernent le vocabulaire maritime. Marins émérites, connus pour leurs fameux drakkars, les vikings semblent également avoir eu une influence artisanale sur l’industrie navale de l’époque. « Les navires représentés sur la tapisserie de Bayeux, par exemple, sont des bateaux de type viking », souligne l’historien.

    D’après l’expert, les termes « hauban », « crabe » ou même « flotte » sont ainsi des traces des passages norois en France. Pour les 20 % restant, les termes concernent le domaine agricole, l’administration, les institutions et la vie quotidienne.

    L’influence se repère également sur des noms de personnes ou de lieux. « Dans le pays de Caux, dans le Cotentin, on retrouve des lieux possédant le suffixe « tot » dans leur nom, tel que Yvetot. Ce suffixe provient du mot norois « toft » et désigne une parcelle bâtie et clôturée », explique l’expert. « On peut également trouver la terminaison « bec », du norois « bekkr », qui fait référence à un ruisseau. »

    Le manque de traces de l’influence viking sur le territoire français peut notamment s’expliquer par une intégration rapide des groupes restés sur place au sein des populations locales. Ce phénomène n’est pas propre à la Normandie : plusieurs phases d’installations furent observées au Nord et à l’Est de l’Angleterre et dans les archipels écossais. C’est d’ailleurs dans ces zones que les restes de culture scandinave sont les plus présents. Plusieurs trésors furent ainsi retrouvés en Écosse, ainsi que des adaptations locales de styles artistiques et architecturaux scandinaves.

    Il reste donc complexe de suivre le processus d’installation des populations noroises en Normandie, faute de preuve archéologique de l’influence viking sur les habitats de l’époque. Néanmoins, les quelques traces retrouvées démontrent une implantation viking durable. « Lors de l’invasion normande des îles Britanniques, ce sont bien des individus chrétiens et parlant la langue d’oïl qui [traversèrent] la Manche », conclut le Dr Bauduin.

    les plus populaires

      voir plus
      loading

      Découvrez National Geographic

      • Animaux
      • Environnement
      • Histoire
      • Sciences
      • Voyage® & Adventure
      • Photographie
      • Espace
      • Vidéos

      À propos de National Geographic

      S'Abonner

      • Magazines
      • Livres
      • Disney+

      Nous suivre

      Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2024 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.