Qui furent les premiers humains à monter à cheval ?

Des squelettes humains vieux de 5 000 ans environ ont été retrouvés dans des tombes creusées par les Yamnas. Cette découverte pourrait en partie expliquer la rapidité de l’expansion de ce peuple à travers l’Europe.

De Tom Metcalfe
Publication 7 mars 2023, 15:14 CET
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Les toutes premières représentations de la pratique de l’équitation sont apparues durant l’âge du bronze. C’est le cas de ce relief en calcaire découvert dans le tombeau de Horemheb à Saqqarah, en Égypte. Les représentations de ce type sont apparues 1 500 ans environ après les présumés cavaliers découverts dans le sud-est de l’Europe.

PHOTOGRAPHIE DE DeAgostini, Getty Images

Comme en témoignent de nouvelles découvertes archéologiques, les premiers humains à avoir pratiqué l’équitation furent peut-être un peuple d’anciens nomades. Cette coutume équestre leur aurait d’ailleurs donné un avantage compétitif dans leur traversée de l’Europe au galop.

Vingt-quatre squelettes du Néolithique retrouvés dans des tombes en Hongrie, en Roumanie et en Bulgarie montrent des signes d’un stress physique caractéristique que cause le fait de monter à cheval. La plupart de ces squelettes sont ceux de membres des Yamnas, peuple nomade qui, il y a 5 500 ans environ, a quitté les plaines d’Europe de l’Est et s’est disséminé en direction de l’ouest.

Cinq Yamnas en particulier, découverts dans des tombes vieilles de 4 500 à 5 500 ans, présentent plusieurs signes indiquant qu’ils montaient fréquemment à cheval : des lésions au niveau des vertèbres inférieures mais aussi un bassin plus dense et des stries sur leurs fémurs. On a également constaté des signes similaires chez quatre individus qui auraient appartenu à des cultures influencées par les Yamnas.

Ces restes constituent les plus anciennes traces de pratique de l’équitation jamais découvertes. Toutefois, comme le soulignent les chercheurs, les Yamnas ne sont pas forcément les tout premiers humains à être montés à cheval.

Un « kurgan » à Malomirovo, en Bulgarie, lors de fouilles en juin 2021. Les Yamnas et les cultures apparentées à ce peuple ont érigé de tels tumuli dans l’ensemble du sud-est de l’Europe.

PHOTOGRAPHIE DE Michał Podsiadło

« Il est possible qu’il ne s’agisse pas des tout premiers cavaliers », concède Volker Heyd, archéologue de l’Université d’Helsinki et auteur encadrant d’une nouvelle étude concernant ces squelettes publiée dans la revue Scientific Advances. « Mais il s’agit des preuves les plus soildes d’une pratique de l’équitation à ce jour. »

Des dizaines de milliers de tumuli caractéristiques, des « kurgans », sont disséminés à travers le sud-est de l’Europe. Les squelettes de l’étude font partie d’un ensemble de 217 ossatures mises au jour sur ces sites funéraires ainsi qu’à d’autres endroits par des archéologues entre 2019 et 2022.

Selon Martin Trautmann, chercheur de l’Université d’Helsinki et principal auteur de l’étude, la forte proportion de cavaliers présumés parmi les squelettes tend à montrer que l’équitation était une activité répandue au sein de certains groupes du sud-est de l’Europe dès 5 000 ans avant nos jours. « Il est assez probable que l’équitation ait été [une pratique] qui avait déjà cours au moment qui correspond à l’âge de nos preuves », fait-il observer.

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    Gauche: Supérieur:

    Les restes d’un cavalier découverts dans une tombe yamna à Malomirovo, en Bulgarie. L’homme avait entre 65 et 75 ans à sa mort. Une datation au carbone 14 a révélé qu’il a vécu il y a 5 000 ans environ.

    PHOTOGRAPHIE DE Michał Podsiadło
    Droite: Fond:

    Tombe yamna contenant un cavalier découverte à Strejnicu, en Roumanie. Cet homme avait 30 à 40 ans au moment de sa mort et a vécu il y a 4 500 à 5 000 ans. Il s’agit du squelette de l’étude qui montre les traces les plus prononcées d’une pratique de l’équitation.

    PHOTOGRAPHIE DE Alin Frînculeasa

    Les auteurs de l’étude pensent qu’il est invraisemblable que les Yamnas se soient servis de chevaux pour faire la guerre, comme cela avait été précédemment avancé. Mais selon eux, l’équitation « aurait contribué de manière substantielle au succès global de la société pastorale des Yamnas. »

     

    CAVALIERS PRÉCOCES

    Cette nouvelle étude comble le fossé qui existait dans nos connaissances entre la domestication des chevaux pour en tirer lait et viande, qui aurait eu lieu selon les scientifiques il y a 5 500 ans environ, et l’utilisation de chevaux pour tracter des chars de guerre. Selon Volker Heyd, les chevaux des Yamnas étaient probablement trop nerveux pour le combat et les chevaux que l’on voit tirer des chars sur des sculptures du deuxième millénaire avant notre ère étaient probablement élevés dans le but de faire la guerre.

    « La race de cheval que nous observons à partir de 2000 avant notre ère a peut-être été génétiquement sélectionnée pour son courage et son aptitude à la guerre », indique-t-il.

    Martin Trautmann ajoute que les chevaux des Yamnas étaient plus petits que les chevaux actuels. « Ils possédaient un torse développé et puissant et des jambes courtes et trapues, à l’instar des chevaux de Przewalski », révèle-t-il.

    L’équipement utilisé pour monter était lui aussi différent. D’après Volker Heyd, les preuves archéologiques de l’utilisation de matériel d’équitation sont rares, car on fabriquait ce dernier à partir de matériaux périssables. Les premiers cavaliers se contentaient vraisemblablement de poser des nattes sur le dos des chevaux plutôt que des selles, qui ne devaient être inventées qu’après l’an 1000 avant notre ère, tandis que les étriers ne devaient apparaître que plus tard encore.

    Volker Heyd fait également observer que les représentations de cavaliers produites à cette période en Égypte et en Mésopotamie montrent ces derniers assis bien plus en arrière sur le dos du cheval que les cavaliers actuels et tenant de longues rênes attachées à un harnais situé au niveau de la tête du cheval.

    « Je pense que c’est une caractéristique de l’équitation à l’âge du bronze, commente-t-il. Il fallait s’asseoir sur l’extrémité arrière du cheval afin de pouvoir rester droit et guider l’animal. »

     

    UNE QUESTION DE MOBILITÉ

    Selon Kristian Kristiansen, archéologue de l’Université de Göteborg n’ayant pas pris part à la présente étude, ces nouvelles recherches permettent de trancher un débat vieux de plusieurs décennies sur les Yamnas : montaient-ils leurs chevaux ou bien se contentaient-ils de les rassembler pour en tirer lait et viande ? « Voilà une percée qui nous sort d’une longue impasse », se réjouit-il.

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    Selon Kristian Kristiansen, qui est également éditeur d’un livre à paraître sur les Yamnas, ces derniers se sont probablement mis à l’équitation de sorte à mieux manier leurs troupeaux de bétail, de moutons, de chèvres et d’autres chevaux.

    Si les spécialistes de la question expliquaient autrefois l’expansion rapide des Yamnas par des conquêtes militaires menées par des guerriers à cheval, des études plus récentes suggèrent que des facteurs comme leur mobilité accrue a pu avoir davantage d’influence. Pour James Mallory, anthropologue de l’Université Queen’s de Belfast n’ayant pas pris part à l’étude, cette dernière est « prudente, et à raison » vis-à-vis du rôle des chevaux des Yamnas dans leur art de mener la guerre. « Mais ce débat est loin d’être clos. »

    Que les Yamnas se soient servis ou non de chevaux au combat, leur capacité à parcourir de grandes distances a potentiellement eu une influence sur la marque qu’ils ont laissée sur les langues européennes. La langue yamna aurait façonné le vocabulaire et la grammaire de l’ensemble de la famille des langues indo-européennes qui comprend le grec et le latin ainsi que les langues germaniques, slaves et celtiques.

    Les linguistes pensent que des similitudes entre certains mots anciens comme « mère » ou « père », trouvent leur origine dans une langue parlée par les Yamnas que des universitaires ont reconstruite et nommée « proto-indo-européen ». Un autre mot de cette langue reconstruite est éḱwos, qui devait finir par donner equus, mot latin signifiant « cheval ». 

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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